Bonjour à tous,
Le texte illustré ci-dessous regroupe quelques chroniques et anecdotes que j'ai personnellement vécu durant l'âge d'or de la micro-informatique 8/16 bits.
Je pense que beaucoup ayant connu cette période, s'y retrouveront...
Bonne lecture !
D’aussi loin que je me souvienne, je ne pense pas me tromper en affirmant que mes premiers émois dans le monde de la micro-informatique ont été provoqués par des ambitions qui ne partageaient pas vraiment les intentions les plus nobles. A cette époque, j’étais un jeune garçon de 10 ans qui se passionnait pour l’espace et s’émerveillait devant la technologie. Autant dire que Space Invaders rassemblait, à lui seul, tous les critères susceptibles d’attiser mon admiration profonde. Bref, ce soir-là j’avais décroché l’autorisation exceptionnelle de passer la nuit chez mon grand frère et je m’en réjouissais d’avance. Une fois arrivé dans l’appartement, je découvrais au centre du salon une étrange machine délicatement disposée sur la table-basse de rigueur. Sur sa façade, 4 lettres énigmatiques formaient le mot Oric. A coté, un carton gorgé de K7 déposées pêle-mêle attendait d’être renversé. Conscient de l’opportunité unique que représentait pour moi cette situation, le frangin, complice, me laissait en tête à tête avec le clavier. Par un Cload tapé à grande hâte, je lançais mon premier jeu : Le mystère du Kikekankoi. Ce fut le déclic. Je passais bien évidement la nuit entière à jouer, mais surtout à tenter de déchiffrer le manuel du BASIC afin de saisir toutes les subtilités d’un langage obscure dans le seul but, inavouable, de trouver le moyen de dupliquer le jeu. La nuit fut courte et mes investigations finalement vaines. Penser qu’il aurait seulement fallu que je loue les services d’un lecteur double K7 pour arriver à mes fins de pirate en herbe, me fait aujourd’hui sourire...
A une époque où le célèbre Discology réussissait la prouesse de démocratiser le bidouillage sur Amstrad CPC, j’avais pour habitude d’explorer en profondeur le contenu de mes disquettes. Passant minutieusement en revue chaque octet de chaque secteur de chaque piste grâce au puissant éditeur de l’utilitaire, je traquais dans une jungle de codes informatique, la moindre chaine de caractères alphanumériques intelligible ou susceptible de présenter un intérêt quelconque. Cette pratique, lorsqu’elle ne me servait pas à traduire un jeu, me permettais parfois de dénicher les commentaires dissimulés par les programmeurs dans leur soft. Un beau jour, alors que je parcourais nonchalamment les pistes de la disquette de Skate Ball, mon attention fut attirée par 4 lettres formant le mot TIXY. Sans grande conviction, j’exécutais le jeu et appuyais simultanément sur les 4 touches du clavier correspondantes, ce qui eu pour conséquence de déclencher le cheat-mode ! J’avoue qu’à cet instant j’étais plutôt fier de ma trouvaille car aucun magazine n’avait encore publié cette astuce dans ses pages. Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard, Internet aidant, que je découvrais enfin son origine et sa légitimité : TIXY the witch était en fait le pseudonyme que s’était donné le programmeur du jeu, Jon Menzies.
Timidement introduit sur micro par la série des Déjà vu puis rendu populaire avec l’incontournable Maniac Mansion, le Point’n Click est un genre qui, à l’aube des années 90, règne en maitre sur les territoires du jeu d’aventure. Il faut dire que depuis son apparition en 1986, le concept n’a cessé de gagner en ergonomie et en esthétique, jusqu’à devenir un véritable standard du jeu vidéo. Et ce ne sont pas les Voyageurs du temps, Operation Stealth et autres Monkey Island qui prouveront le contraire. En cette année 1992 un jeu d’aventure en particulier retient ainsi toute mon attention, le fabuleux Bargon Attack. Et pour braver sa difficulté, nous décidons, un ami et moi, d’y jouer de concert tout un mercredi après-midi. Chacun chez sois, souris en main et tous deux prêts à en découdre avec les aliens, nous nourrissions l’espoir de parvenir à bout du jeu grâce à nos efforts unis. Pour arriver à nos fins, nous avions instauré un système d’entre-aide téléphonique, l’un appelant l’autre dès qu’il trouvait une infime partie de la solution. Rappelons qu’à l’époque, Internet n’existait pas. Autant dire que France Telecom a gagné quelques Francs ce jour-là. Au-delà de l’aventure, une certaine compétition s’était d’ailleurs installée entre nous, et je me souviendrais toujours de la rage du copain lorsque, de quelques secondes seulement, je décrochais le premier le téléphone pour lui annoncer que j’avais fini le jeu avant lui.
Plus le progrès avance, plus nos machines de jeux se perfectionnent techniquement, c’est un fait. Leurs composants se miniaturisent, leurs fonctions se démultiplient et leurs possibilités sont toujours plus accrues à chaque génération. Le support de stockage en est d’ailleurs un bon exemple : tout d’abord cartouches sur les toutes premières consoles, il s’est transformé en CD-Rom, puis DVD-Rom pour enfin devenir Blu-Ray sur Playstation 3. Mais si ces supports offrent des capacités de stockage toujours plus étendues, on ne peut pas dire que leur solidité ait subit une évolution équivalente. En effet, alors qu’une cartouche NES encaissera sans problème un vol plané dans le salon, le DVD-Rom quand à lui deviendra illisible à la moindre micro-rayure mal placée. Cette petite réflexion ravive en moi une petite anecdote… L’histoire se déroule à l’aube des années 90. Je suis dans ma chambre, alité, car une grippe assez violente me terrasse. A cette époque, je vis encore chez mes parents qui sont aux petits soins pour me faciliter le passage de cette « douloureuse » épreuve. Mais une semaine allongé, sans rien faire, c’est long… très long… voir même carrément frustrant lorsqu’on a un Amiga 500 qui dort à quelques mètres et qui ne demanderait qu’à être allumé pour occuper ces longues journées ! C’est ainsi que dans leur grande bonté, mes parents décident d’installer une table de camping près de mon lit afin d’y déposer mon Amiga. La couleur crème du clavier de la machine se mariait d’ailleurs de façon plutôt étrange avec le jaune kitch de la table toute droite sortie des années 80. Mais qu’importent les considérations d’ordre esthétique, l’important était bien là : je pouvais enfin jouer à loisir. A cette période, je me souviens que deux jeux me tenaient en haleine : Bargon Attack et Stunt Car Racer. Si Bargon Attack, en bon jeu d’aventure, privilégie la réflexion et la patience, Stunt Car Racer, a contrario, demande d’excellents et vigoureux réflexes. Afin d’activer ma guérison, le médecin avait prescrit un traitement assez agressif que je devais accompagner de nombreuses et régulières inhalations au cours de la journée. Bien qu’apaisantes et relaxantes, je les redoutais car elles étaient synonymes de l’arrêt net de ma partie en cours. Alors pour éviter ce désagrément, je décide de coincer l’inhalateur bouillant entre mes deux avant-bras afin de pouvoir continuer à tenir la manette dans mes mains. Ce petit stratagème se révèle finalement plutôt efficace malgré ma vision légèrement déformée par la fumée qui s’échappent et les larmes de crocodiles qui ruissellent sous mes yeux. Et ce qui devait arriver, arriva. En pleine partie de Stunt Car Racer, par un geste frénétique et maladroit, l’inhalateur rempli à ras s’ouvre et la solution à l’eucalyptus bouillante qu’il renferme se déverse et se répand totalement sur l’Amiga en fonctionnement ! Horreur ! Ni une ni deux, je saute de mon lit et arrache la prise murale pour éviter le court-circuit. Tout penaud, j’averti mes parents qui m’aident alors à vider le liquide qui s’est infiltré dans la coque de l’Amiga, au-dessus de la baignoire… un grand moment de solitude et de désespoir m’envahit pendant que les dernières gouttes s’échappent du lecteur de disquettes. Je décide ensuite, la mort dans l’âme, de laisser sécher la machine toute la nuit, priant un hypothétique Dieu Commodore d’épargner mon micro-ordinateur d’une fin certaine. Le lendemain, c’est peu fier que je tente l'opération risquée de rallumer la bête. Et avec un étonnement qui n’a eu d’égale que ma joie, je constate qu’il fonctionne toujours… A la différence près qu'au bout de quelques minutes d'utilisation une agréable odeur d'eucalyptus se dégage de mon clavier ! Je venais, sans le vouloir, mais avec succès, d’éprouver l’étanchéité et la robustesse de l’Amiga 500. Au regard de la fragilité du matériel actuel, je doute qu’une telle mésaventure connaisse aujourd’hui un dénouement aussi heureux…
A une époque où la personnalisation et la customisation est un concept quasi inexistant dans le jeu vidéo, quoi de plus amusant alors que de parvenir à en modifier tout de même certains aspects, surtout lorsque ce n’est pas prévu à l’origine ! C’est une expérience pour le moins désopilante que j’ai vécue avec le célèbre Worms sur Amiga. En scrutant la disquette, j’avais remarqué que tous les bruitages du jeu y étaient stockés individuellement sous la forme de petits fichiers audio non protégés. Substituer ses propres sons aux originaux devenait alors un véritable jeu d’enfant, du moment que l’on respectait bien la nomenclature originale de chaque fichiers. Je me suis alors rendu chez un ami DJ qui possédait l’échantillonneur adéquat pour générer et intégrer de nouveaux bruitages à Worms. Si, au début nous étions très concentrés sur notre tâche, la situation à très rapidement tournée à la franche rigolade. Il faut dire qu’entendre un vers de terre hurler de sa voix chétive « Aïe mes pieds ! », « retourne chez ta mère manger du flan ! », et tout un tas d’autres interjections de plus ou moins bon gout, est une circonstance qui n’incite définitivement pas à garder son sérieux. Par la suite, de nombreux pack de bruitages également créés pas des amateurs ont vu le jour sur Aminet.
Je me souviendrais toujours de cette veille de Noël 1988 qui m’a fait vivre l’un des instants les plus magiques de ma vie de gamer. A cette époque, je surveillais avec une impatience non dissimulée la sortie de Target Renegade. Il faut dire que le premier opus m’avait déjà tenu en haleine de longues heures durant devant mon Amstrad CPC. Pour Noël, j’avais donc demandé à mes parents de m’offrir la compilation Le Défis de TAITO qui, en plus de contenir le fameux Beat’em up, avait l’avantage de renfermer 5 autres grands succès de l’arcade. Si mon excitation grandissait à mesure que les fêtes de fin d’année s’approchaient, le facteur ne se s’était cependant toujours pas manifesté à la porte... Ma mère, qui avait passé commande chez La Redoute commençait à s’inquiéter. Vint alors le matin du 24 décembre, date à laquelle nous avions pour coutume de rassembler la famille pour s’échanger nos présents un autour d’un bon repas. Résigné, je quittais ma chambre en direction du salon, lutant pour ne pas montrer ma déception, lorsque, tout à coup, une sonnette retenti : à 10h précise, un commis en uniforme me livrait mon paquet ! Parfois, la magie de Noël opère...
Ce jour-là, j’étais rentré à la hâte dans ce petit appartement du premier étage que louaient mes parents au 7 de la rue Saint-Just. Parfaitement imbriqué comme un bloc de Tetris entre la voie ferrée et la boulangerie, l’immeuble n’avait pas d’ascenseur, mais je crois que jamais je n’avais gravi les escaliers avec autant d’ardeur et d’empressement. Il faut dire que je revenais tout juste de chez le revendeur informatique du quartier avec un Amiga sous le bras qu’il me tardait de brancher. Rapidement déballé et installé au cœur du salon en bois rustique, le monstre de technologie de Commodore affichait alors ses premiers pixels sur l’écran vieillissant de la TV familiale, un moment inoubliable renforcé par le charme exotique du contraste anachronique qui émanait de l’ensemble. Tout prévoyant que j’étais, je m’étais bien évidement déjà procuré une boite de ce que nous appellerons « copies de sauvegardes » et dans laquelle je piochais frénétiquement un premier jeu. Le hasard a voulu que ma main hésitante s’arrête sur la disquette de Red Heat. Et tandis que l’image de présentation du jeu s’affichait sur l’écran cathodique de 56 cm, mon père pénétrait discrètement dans la pièce et me lançait : « Tu as mis un film de Schwarzenegger à la télé ? ». Moi qui cherchais un micro capable de photoréalisme, je venais d’être brutalement conforté dans mon choix par mon père, même si c’était finalement bien malgré lui.
Destiné à une carrière scientifique dont la spécialité m’avait contraint de suivre un enseignement situé à plus de 200Km du cocon familiale, j’apprenais à me familiariser avec les joies de l’internat. Plantée au beau milieu des montagnes enneigées de la Haute-Savoie, l’établissement scolaire se voulait une véritable mosaïque d’élèves issus des 4 coins de l’hexagone. A cette époque, la guéguerre Amiga/Atari ST faisait rage. C’est dans ce contexte particulier que j’ai fait la connaissance de Jean-François, un Nantais chevelu, filiforme, hard-rocker à ses heures et fermement rallié à la cause Atari ST. Toujours enclin a évangéliser le sauvage qui se présente, je le conviais a passer un week-end entier chez moi, m’investissant de la mission de lui prouver que mon Amiga était bien supérieur à son Atari. Le rendez-vous fut pris rapidement. Pour l’occasion, j’avais préparé une petite sélection des plus grands hits de la machine et je comptais bien emmener le jeune incrédule d’émerveillement en émerveillement. Afin d’y aller crescendo, j’insérais tout d’abord la disquette de Moonstone dans le lecteur, il était aux environs de 14h. Lorsque j’éjectais enfin le média magnétique la nuit était tombée : nous avions passé tout notre temps à jouer à ce seul jeu ! Le lendemain ne connu d’ailleurs pas d’autre sort. Au final, nous avons passé le week-end entier sur Moonstone. Mais j’avais tout de même accompli ma mission : avec un jeu seulement, j’avais convaincu le jeune Atariste du bienfondé de mes affirmations au sujet de la supériorité de l’Amiga. Je n’ose alors imaginer la hauteur de son ébahissement si j’avais enchainé avec un Shadow of the Beast, un Turrican ou encore un Agony…