Bon, alors faisons simple: j'ai adoré ce troisième volet, qui m'a bien mis la baffe que j'attendais, concluant (car je reste persuadé qu'il n'y aura pas de 4) une trilogie de très haute volée qui aura fait date dans le jeu vidéo moderne et symbolise on ne peut mieux le jeu pop-corn, à mi-chemin entre expériences vidéoludique et cinématographique. Je le retiendrai comme un des meilleurs jeux de sa génération et j'en ressors avec le sentiment que vraiment, la série Uncharted aura su me séduire de bout en bout et justifier l'amour que je lui ai porté dès son premier opus, qui fut le point de départ d'une nouvelle ère dans ma vie de joueur.
Toutefois, je peux concevoir qu'il ait obtenu des notes légèrement en-deçà d'Among Thieves, je peux comprendre presque tous les points négatifs que Jacen a très justement soulevés. Uncharted 3, que je ne vois pas pour autant comme un 2.5, souffre en effet de quelques défauts qui sont toutefois majoritairement dûs à la comparaison avec son splendide prédécesseur, qui était pour ainsi dire irréprochable dans son genre. Je vais donc tenter de lister les bons et mauvais points de ce titre en toute objectivité, car ce n'est pas parce qu'on est un gros fan qu'on a des œillères. Et le tout en essayant de spoiler le moins possible, pour que ce post puisse être lu par ceux qui hésitent à le prendre.
Les + :• Une immense variété de décors, peut-être plus importante encore que dans Among Thieves (Drake's Fortune ne tient pas la comparaison ici, car moins beau et surtout concentré sur un seul environnement global), d'une qualité époustouflante. Je pense qu'il n'est ni plus beau ni moins beau qu'Uncharted 2: il est dans sa lignée, avec la même touche graphique, et un souci du détail bluffant dans tous les lieux visités. J'ai pour ma part été saisi par la beauté de décors que Naughty Dog n'avait pas encore exploré depuis son passage à la HD, telles les rues londoniennes ou le désert (qu'il s'agisse des dunes, ou de la ville fantôme, ou encore de l'incroyable poursuite à cheval qui m'a rappelé RDR en plus scripté hélas).
• L'action est du tonnerre, et surtout, elle est bien équilibrée. J'ai l'impression que beaucoup de gens reprochent à Uncharted 3 d'être trop mou par moments, alors que justement, on a parfois aussi craché sur cette saga parce qu'elle se focalisait trop sur les gunfights et pas assez sur le côté exploration / énigmes. Certes, ces phases n'ont pas évolué en difficulté et en challenge, mais il y en a suffisamment pour ne pas croire qu'Uncharted est devenu un TPS pur et dur (ce qui, toutefois, ne serait pas pour me déplaire: j'aimerais bien les shoots si on pouvait choisir de les faire à la troisième personne...). Quant à l'action, je la trouve assez hallucinante: on a dit que ce jeu ne contiendrait pas autant de phases cultes que le 2, mais putain, c'est faux! Il y a des scènes de poursuite à pied qu'on n'avait encore jamais autant exploitées dans la série, et des passages incroyablement cultes comme les chapitres sur les bateaux (je vais rester délibérément vague — hahaha — sur le sujet, car il FAUT découvrir les quatre chapitres concernés tellement ils sont intenses et techniquement maîtrisés) ; quant à la scène dans le château en flammes vue dans de multiples trailers, elle vaut vraiment le tapage dont elle fit l'objet à ces occasions. Ça reste un jeu d'aventure rythmé qui sait trouver le juste milieu.
• L'animation est au top, regarder les bonus (des interviews plutôt intéressantes de membres du staff) et lire le guide collector (qui vaut vraiment le coup pour une fois) permet de mieux apprécier le travail hallucinant de Naughty Dog durant deux ans. En fait, s'il leur avait fallu le double de temps pour développer le jeu avec de tels défis et des problématiques technologiques comme celles décrites dans ces témoignages, ça ne m'aurait pas choqué outre mesure. L'ensemble est bluffant, incroyablement immersif pour que le joueur ait l'impression de vivre un grand film d'aventures mais en y étant largement plus impliqué que dans un Heavy Rain quand même: Uncharted est certes scripté, mais intègre les (pas si fréquents) QTE de façon assez pertinente. Encore une fois, certains chapitres en mettent certes plein la vue, mais impliquent vraiment le joueur qui doit lutter tout autant que Drake. Pour ceux qui se rappellent du passage du train dans Uncharted 2, il y a tout un passage d'intensité au moins équivalente dans celui, tout aussi épique.
• La maniabilité, et là je dois aller à l'encontre de l'avis de Jacen (que je continue de croire influencé par Batman), est au poil. C'est fluide, dynamique, et on sent que le moteur physique pourtant usé jusqu'à la corde tient encore très bien la route fin 2011. Le jeu est incroyablement accessible, et même si Drake a parfois une fâcheuse tendance à se raccrocher au moindre rebord dès qu'il approche d'un précipice, on prend toujours plaisir à manier cet homme-singe qui sait exploiter le moindre élément de décor pour progresser et se planquer efficacement dans les gunfights (dont chaque "map" est bien foutue).
• La bande son est peut-être ma préférée des trois, vraiment très soignée, plus variée et qui se paye le luxe de piocher dans des instruments et même des voix qui sont aussi cliché que splendides pour coller aux atmosphères locales. Le travail de Greg Edmonson m'avait déjà énormément plu dans le premier volet, et j'avais apprécié le fait de reprendre la même base dans le second en misant sur des thèmes déjà adaptés aux environnements. Peut-être qu'il n'y a pas ce côté tellement accrocheur et universel d'autres jeux cultes, mais on a vraiment une ambiance sonore splendide, digne là encore des meilleurs films d'aventure.
• Le scénario semble assez poussé et s'intéresse pour la première fois aux personnages avec davantage de profondeur, un pari osé pour des clichés qui avaient été assez décriés dans Drake's Fortune, comparés à des héros de série Z. Les bandes-annonces promettaient des "révélations" et bien qu'on reste partiellement sur sa faim, on apprend effectivement pas mal de choses sur le trio principal de la saga (Nate, Elena et Sully), qui est très mis en avant, surtout Sully: c'est vraiment un bon point de la part des "Dogs" d'avoir écouté les fans qui déploraient la grosse mise à l'écart de ce sympathique personnage dans Uncharted 2.
Les - :• Le jeu ne prend pas de risques fondamentaux en conservant une ligne directrice déjà utilisée dans le premier et surtout le second épisode, pour ce qui est du scénario. Certains passages sont malheureusement prévisibles et les retournements de situations pourtant agréables car bien amenés ne font leur effet de surprise que trop peu de temps. Ça reste hollywoodien et même si on apprécie, on regrette que ND n'ait pas amené un peu plus de folie et d'inattendu. En fait, on en arrive davantage à regretter que certains éléments soient sous-exploités alors qu'on attendait justement l'inverse. Je trouve d'ailleurs la fin un peu décevante, déjà que celle du 2 ne m'avait pas plus enchanté que ça.
• La facilité relative invraisemblable de l'ensemble: Uncharted est un jeu d'action casual, il faut hélas le reconnaître. Là, je suis à fond en phase avec Jacen car je ne suis pas un PGM, et j'ai platiné ce jeu en pile poil une semaine, tout en ayant alterné avec d'autres titres. Si je m'étais lancé comme défi de le platiner durant le week-end, je l'aurais fait. Le mode extrême arrive à provoquer quelques crises de nerf à force de
die & retry en série, mais Drake's Fortune était bien plus corsé. Peut-être est-ce parce que je connais et maîtrise les mécaniques d'Uncharted sur le bout des doigts à force, et que le jeu ne sait du coup plus ni me surprendre ni même m'effrayer (je suis arachnophobe notoire et même lorsque je vois des monstres à huit pattes dans un jeu vidéo, mais j'ai réussi à prendre sur moi au final, presque plus que dans les deux chapitres "flippants" du premier épisode). Trop facile, trop évident, trop prévisible.
• Dans la lignée du côté trop facile, Uncharted 3 est objectivement trop court. En fait, il ne l'est pas plus que le premier, mais sa durée de vie solo est inférieure à Among Thieves, comme pour confirmer les craintes qu'avait généré le discours de Christophe Balestra. ND, fort d'un très bon multi sur le 2, a choisi de beaucoup bosser sur cette spécificité de son blockbuster et ce légèrement au détriment d'un solo qui aurait été complètement hallucinant si le jeu n'avait rien proposé d'autre qu'un mode co-op classique, mais pas de multi compétitif. Et le fait d'être très accrocheur n'aide pas à en profiter sur la durée: c'est donc un bon point qui en génère un moins bon...
• Le scénario est blindé de questions sans réponses, et d'incohérences qui n'auraient pas choqué dans le premier car il était vraiment sans prétention, mais qui dénotent vraiment dans cet épisode qui est censé en mettre plein la vue et s'imposer comme le jeu de l'année. Je n'ai pas (encore) joué à Batman mais il semble que sur cet aspect, Uncharted ait un peu de retard, et c'est dommage car les personnages sont sympathiques, relativement charismatiques, et l'intrigue contient d'incroyables promesses qui ne vont que rarement à leur terme.
Le personnage de Katherine Marlowe est incroyablement fascinant mais tellement sous-exploité, c'est dommage. On regrette aussi beaucoup que la liaison entre l'époque de Drake jeune (vue au début du jeu) et l'ère contemporaine soit si bâclée car il y avait un très bon truc à creuser à ce niveau. Au final, on croit qu'on va apprendre des trucs fascinants sur l'identité de Nate, et l'histoire se finit sur un putain de couac mal expliqué, dont je me demande s'il est volontaire et donc mal maîtrisé, ou totalement involontaire... et donc mal maîtrisé là aussi.• Cette sensation permanente d'avoir affaire, en fait, à un best of de tout ce dont le jeu vidéo moderne est capable, sous forme de gros pot-pourri. Un défaut que personne ne relève et qui ne tient sans doute que de mon appréciation personnelle, mais au-delà de son identité propre basée autour de ses personnages, Uncharted se cherche un peu entre film interactif, jeu de plates-forme / aventure, TPS/FPS... après, l'ensemble en met tellement plein la gueule que je pardonne assez facilement, mais nul doute que des joueurs plus exigeants trouveront à redire à ce niveau.
En résumé, malgré tout, j'ai vraiment pris mon pied, mais de façon trop brève. Je crois que le côté film d'action/aventure n'a jamais été aussi profondément exploité dans un jeu vidéo: c'est un divertissement impliquant merveilleusement le joueur, ça tient en haleine suffisamment d'heures pour ressembler à une courte série d'une saison ou deux pleine d'épisodes à cent à l'heure. C'est beau, ça en met plein la gueule, on s'identifie parfaitement au héros, et le plaisir de jeu demeure toutefois de par la simplicité d'un titre qui ne met pas des heures à démarrer et à se faire comprendre. C'est bien le principal et c'est ça qui me fait autant rêver dans cette série qui s'achève sur un excellent épisode, peut-être pas le meilleur, certainement pas le moins bon — mais y a-t-il vraiment une hiérarchie dans ce triptyque d'une telle beauté?