Spec Ops : The LineJe ne sais pas vraiment ce qui m'a poussé à jouer à Spec Ops. Le jeu, de par son titre, sa jaquette, son teint général brunâtre, et les quelques minutes que jeu que j'en avais aperçu, semblait être un autre shooter militaire générique comme il en existe des centaines aujourd'hui. Peut-être est-ce que c'est l'univers post-apocalyptique d'un Dubaï ravagé par la tempête de sable du siècle ? Peut-être est-ce la révélation que Heart of Darkness est une des références du jeu, ce qui à première vue une manière prétentieuse de dire "On a vu Apocalypse Now, et c'est trop cool, on va pomper ça" ? Ou peut-être que j'avais simplement envie de jouer à un shooter générique "toi glorieux soldat 'ricain va flinguer du méchant étranger pour la démocratie et les valeurs de notre beau pays", la même pulsion qui nous anime quand on ne change pas de chaîne devant Patrick Sébastien parce que de toute façon, y'a rien d'autre à la télé, et c'est ça où se faire chier.
Mais je me trompais. Ooooh oui, je me trompais lourdement. Spec Ops n'est pas fun. Il n'est pas là pour te faire plaisir, et si jamais tu abandonnes le jeu à mi-chemin par simple dégoût face aux évènements que tu affrontes, les développeurs sourient en coin et murmurent "Mission accomplie".
Messieurs, bienvenue à Dubaï.
Le jeu commence pourtant en vous mettant en terrain connu. Vous incarnez le Capitaine Walker, chargé d'explorer Dubaï 6 mois après la catastrophe pour découvrir ce qui est arrivé à la 33ème, l'unité US envoyée en mission humanitaire qui n'a plus donné signe de vie. On a en guise d'équipiers le petit gringalet sarcastique et le black musclé stoïque, et on commence gentiment en flinguant de "l'insurgé" basané. Le gameplay, si basique, est efficace, et on admire le décor de grandeur et décadence architecturale. Bref, tout est fait pour vous mettre en terrain connu, afin que le coup de pied éthique aux couilles qui suit vous secoue encore mieux.
Bien sûr, on tombe sur le cliché habituel des "horreurs de la guerre" pour motiver contre les méchants et faire profond, mais là où Call of Honor 4 : Black Duty War Gun s'arrête là, Spec Ops pose sa tente. Rapidement, la différence entre "gentil" et "méchant" s'estompe, ne laissant plus à la fin que la notion de "survie". Le joueur, jouet des circonstances, devra répondre de ses propres crimes, tandis que les héros s'enfoncent de plus en plus dans l'horreur de l'enfer. Votre escouade et votre avatar sombrent lentement dans la folie, reflétée dans les dialogues et le gameplay, tandis que des hallucinations parsèment le jeu et que les "conseils" d'écran de loading commencent à moquer et questionner votre éthique.
Il est difficile d'explorer plus sur l'histoire de Spec Ops sans spoiler, mais c'est probablement la meilleure tentative de narration post-moderne dans un jeu vidéo depuis Metal Gear Solid 2, et c'est certainement une expérience "unique". Une expérience horrible, dénuée de fun et d'où on sort émotionnellement brisé, mais une expérience "unique" malgré tout.
Par contre, le jeu est bien court (entre 6 et 8 heures en difficulté normale) et le multijoueur est bof, donc je ne mettrais peut-être pas un prix plain dessus, je l'admets. Mais je conseille malgré tout Spec Ops dès sa première baisse sur Steam. Et, hey !
Yahtzee recommande le jeu aussi ! Peut-être que j'aurais dû poster ça avant de taper un bottin que personne ne lira.