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International Karaté +
System 3 - 1987
Wax in, wax off par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
L'Amiga. Tudieu. La légende gravée à tout jamais dans un coeur de silicium. La clé qui m'a ouvert les portes d'un vaste domaine en 64 couleurs simultanées où galopaient des troupeaux de sprites gras, sur des acres de plans parallaxes, en parfaite harmonie avec des mélodies jouées par un troubadour échantillonneur et sa chorale de canaux FM. Ah les après-midi gris illuminés par les exploits des gaillards de Team 17, les performances des maestros de Bitmap Brothers ou les enchantements des magiciens de Psygnosis. Ô temps suspens ton vol, que cette parenthèse enchantée dans mon coeur et dans mon âme ne se referme jamais.



Attendez une minute, qu'est que je raconte moi ? Je n'ai jamais joué que sur console de salon et la première fois qu'un Amiga a ronronné entre mes mains blanches, c'était en octobre 2008. Imposture, mascarade, Bygmalion. Je ne suis qu'un triste escroc divaguant dans des nuages éthyliques de bière de table, c'est lamentable. Passons. Cette vaine mise en scène n'enlève rien à la qualité du titre dont il va être question dans une poignée de lignes. Foutre non.

Trois coup qui résonnent. Rideau. La décennie 1980. L'Âge d'Or pour beaucoup de choses, à jamais perdues dans les limbes sinueuses et opaques de la nostalgie : les consoles 8-bit, Récré A2, le Tang, Jean-Claude Bourret, le Parti Socialiste. Strass, paillettes, joie, fantaisie, Benjamin Castaldi qui ne faisait pas encore de télévision, de la coke comme s'il en pleuvait. Aux coté des séries américaines dynastiques et des vestes à épaulettes, le truc à la mode c'était le karaté. Karaté, kung-fu, ninjutsu, shop-suey : n'importe quel art martial emballé dans les charmes et les vaporeux mystères de l'Orient en fin de compte, le public était excessivement peu regardant à vrai dire. Peu nous chalait donc si on nous servait du karatéka chinois ou du maître de taï-chi japonais. C'est à peine si on savait vaguement situer Shanghai sur une carte du Japon, alors hein. On se goinfrait alors sans modération du Karaté Kid, du Michael Dudikoff, du Kickboxer à rallonge et autres atemis dans la gueule livrés par palettes entières. Impensable que le secteur du jeu vidéo ne soit pas mouillé par cette déferlante, surtout lorsqu'elle s'accompagne d'une écume de pognon. Ont alors rejoint la farandole en sautillant gaiement les glorieux Karateka, Yie Ar Kung Fu, Spartan X et autres branlements dans les bambous. Et bien sur cet International Karate +, la légende des Cinq Pics de la tatane vidéoludique.



Parce qu'en voilà un cas d'école. Ou plutôt un cas d'Histoire. Un jeu témoin de son époque, une borne kilométrique sur la longue route des jeux de combat. Témoin d'une époque et baroud d'honneur d'un genre qui n'aura plus jamais le même visage à l'entrée des années 90, décennie durant laquelle il mutera en profondeur sous l'influence d'un Street Fighter et de sa prolifique descendance. Mais restons un peu dans notre période reaganienne. Et réduisons la taille de nos phrases dans la foulée. Je ne suis pas payé à la pige après tout. Je ne suis pas payé du tout à vrai dire.



Cet IK+, c'est la suite du premier. Té, l'autre. Le premier Karaté International était un héritier des Karateka et autres précurseurs du genre aujourd'hui ô combien encore populaire des "aventures de mon poing dans ta gueule". Le premier International Karaté se résumait à deux types en pyjamas qui se collaient des pains du coté de la baie de Sidney et c'était le bonheur. Il nous en fallait peu. Géographiquement parlant surtout. Puis vint, après un an de maturation, le successeur. L'adulte qui vient tapoter avec une bonhomie patriarcale sur l'épaule de l'adolescent impétueux pour lui dire qu'il prend désormais les choses en mains. Dans la gueule, donc.




Le fonctionnement du jeu est aussi sobre que la vie sexuelle de Maitre Miyagi : on le cerne en trois tours de joystick. Vous êtes trois gugusses en kimono qui s'échangent mandales et plante des pieds dans les narines sur les bords du Mékong. Fin de la fiche descriptive, on a même de la place pour caser deux ou trois images. Poussons tout de même un peu plus loin le détail.



Chaque partie est un unique affrontement de trois adversaires en simultané. Une petite révolution dans le genre encore babillant du versus fighting n'offrant alors que des duos. Et un petit blasphème aux fondamentaux de l'art martial japonais soit dit en passant, un combat à trois s'orientant plus vers de la baston de bar que du noble affrontement sur tatami. Mais plus on est de fous, plus on RIZ nous dit la sagesse populaire de profond et vaporeux orient.



Deux adversaires et vous. Vous êtes blanc. Donc de facto du coté des gentils, des vertueux, des défenseurs d'une forme de noblesse virginale. Les deux autres sont le rouge et le bleu, les impurs. Respectivement la couleur du sang dans la réalité et du sang dans les publicités pour les serviettes périodiques. Dans les deux cas le symbolisme de la colère, de la violence et de l'humeur atrabilaire quelques jours par mois. Ces cons vont en prendre plein la hure pour par un rond.



Un fois que le signal est donné, les règles sont simples : avoiner comme un diable à droite et à gauche, comme un militant syndical bas du front. Si l'Amiga est relativement chiche en ne vous offrant qu'un malheureux bouton pour faire votre gymkhana, cette carence est néanmoins compensée par un astucieux système d'attaque dépendant de la direction choisie. En clair, en pressant le bouton à tataner et en maintenant le haut, je fais une attaque haute, en maintenant l'avant, je balance une attaque frontale, à vous de compléter la suite. La souplesse est toute relative, les coups sortant selon un déterminisme qui échappe un peu au joueur et atteindre son adversaire n'est pas systématiquement garanti. En contrepoint, la stratégie de combat n'étant pas d'une folle subtilité, cette raideur reste acceptable .



Le jeu est enrobé d'une élégante sobriété. S'il ne tutoie pas les cimes atteintes par certains titres légendaires de la machine, ce que l'on a sous les yeux est tout de même loin d'en dégueuler sur la moquette (ce qui, soit dit en passant, est le symptôme de quelque chose d'un tantinet plus grave qu'un jeu laid). Certes, le menu est frugal puisqu'on se contentera d'un seul et unique décor mais il n'est néanmoins pas réalisé avec une main sur les couilles. C'est joli quoi. Les combattants feraient un peu tache dans un Shadow of the Beast ou une soirée cocktail à l'ambassade du Japon mais l'aspect brut des sprites correspond bien au tempérament un peu frustre des combattants. Et ils me font penser à Aldo Maccione de profil mais ça vient peut-être de moi.



En revanche, on est un poil mieux loti du côté des oreilles. Car ignorer la musique du jeu serait en piétiner 50% de ce qui fait l'âme du jeu. Dès les premiers grattement de disquette terminés, on est assailli par des sons acidulés qui frétillent dans votre canal auditif et qui donne furieusement envie de repeindre une clôture ou de taper Michael Dudikoff dans Google. Les contraintes techniques du support mis à part, on se croirait dans une production Cannon de la grande époque. Virevoltant, électrique, vitaminé, sinusoïdal, c'est une averse de qualificatifs mélioratifs que l'on pourrait faire pleuvoir sur cette mélodie. Sur cette mélodie. Oui parce qu'il n'y en a qu'une, de l'introduction jusqu'à ce que votre adversaire respire les briques du ring. Mais baste, elle suffit à notre bonheur et constitue même la moelle du jeu.



Le jeu datant encore des âges farouches du jeu vidéo, on en saisit toute la subtilité en 5 minutes de jeu. Le tour du propriétaire est assez rapide. Pour autant, ce n'est pas cette frugalité qui empêche de passer des heures de poilade à s'agiter le stick pour faire renifler le bout de vos orteils à un ersatz de karateka ringard. Ce titre à une rejouabilité (LibreOffice ne m'autorise pas ce néologisme, je l'emmerde) merveilleuse, jouant la carte ô combien facile mais certes efficace de la course aux points (dans la gueule, toujours). C'est un peu comme baiser après 10 ans de mariage, d'un certain point de vue. Le terrain est connu mais la balade reste belle. Je me comprends.



Il y a des classiques qui s'imposent sans que l'on ait trop à les pousser au train ou les faire entrer dans le wagon de la gloire à grands coups de talon. International Karate + est à ranger sur l'étagère d'honneur, entre une distinction du Rotary Club, les œuvres reliées de Montesquieu et l'intégrale Picsou Magazine 1986/1995. Un classique que l'on montre dès que l'on cherche à vendre l'Amiga, comme le blanc cassé ou le bleu chiné dans un carnet d'échantillons de tapisserie.

Le point de vue de César Ramos :
c'est Amiga, c'est à chercher en lot, griffoné sur une disquette SONY ou JVC High Density