Comme le disait fort à propos Edouard Baer, la vie c’est avant tout des rencontres, des gens qui tendent la main, et que le hasard et les rencontres forgent une destinée. Aurais-je fait des pieds et des mains pour avoir une Nes si mes voisins chez qui mon grand frère et moi allions jouer n’en avaient pas eu une ? Serais-je ici, là, devant vous, à rédiger de belles proses si je n’avais pas rencontré mon grand frère, qui avait lui aussi eu la bonne idée de rencontrer ledit voisin ? Et si sa jeune sœur ne m’avait pas un jour prêté Burai Fighter sur Game Boy, seriez-vous en ce moment même en train de lire ce texte ? Je vous le demande, prenez le temps d’y penser.
C’était il y a… longtemps. Le propre du temps qui file n'est-il pas qu’il a tendance à embellir les souvenirs les plus flous ? Ce Burai Fighter Deluxe, je l’avais beaucoup apprécié, puis je n’y ai plus jamais retouché et laissé agir les années passant et leur savoir-faire unique pour magnifier l’image de mes souvenirs, les rendre aussi formidables que la plus formidable aventure terrestre. Un régal, un plaisir intense, une pointure même : voilà tout ce que ce Burai Fighter m’inspirait. Mais maintenant, qu’en est-il ? Patience, patience, on y vient.
Avant toutes choses, soyons un peu factuel : Burai Fighter Deluxe est le portage de Burai Fighter sur NES, un shmup efficace auquel je n’ai pour le moment jamais joué. Point de comparaison dans ce papier, si ce n’est que des banalités entrevues sur le net comme quoi le jeu est plus court et les écrans plus petits (ah bon ?). Mais c’est aussi Space Marauder, un remake vraisemblablement à l’identique et en couleurs sur Game Boy Color. Mais quand l’immaculée clarté du blanc est l’une lisibilité aussi limpide, pourquoi s’encombrer de quelques teintes colorées purement superflues, je vous le demande ? (Ceci est une question totalement rhétorique, en fait je ne demande pas votre avis, j’ai déjà tranché sur la question)
Burai Fighter Deluxe, ce sont cinq niveaux à traverser avec un boss à la clé pour chacun d’entre eux, des ennemis fendant l’air par vagues successives, des petits tirs pas bien nombreux mais suffisamment vicieux, des murs et autres cloisons parfois labyrinthiques (il parait qu’il y a des zones secrètes, je n’en ai trouvé aucune), mais surtout un scrolling forcé tantôt horizontal, tantôt vertical, qui aura la subtile idée de changer de direction sans prévenir. Et qui occasionnera nombre de crashs contre un ennemi mal anticipé ou coincé dans un des dédales préalablement cités, ce qui est, ne nous le cachons pas, le sel même du jeu.
Ah ça, il faut vivre la situation d’un scrolling forcé dans une voie sans issue pour voir l’échec se rapprocher inéluctablement sans pouvoir faire quoi que ce soit. Mais vu que l’on retiendra rapidement les mauvais chemins, on finira par pardonner rapidement ce petit impair, d’autant plus que le jeu n’est pas avare en points de passage.
En fait, le jeu n’est pas forcément bien compliqué. En échouant, on retient les passages un peu plus complexes, jusqu’à parvenir à les traverser avec aisance, les boss sont quant à eux plus impressionnants que retors. Ils peuvent même devenir une véritable promenade de santé à condition d’arriver avec une arme bien améliorée : comme dans tout jeu du genre qui se respecte, une petite sélection d’armes alternatives qui augmentent en puissance au fur et à mesure des récoltes. Le R (Ring), moins puissant mais qui a la faculté de traverser les parois, le L (Laser), intermédiaire et qui perce les lignes ennemies, et le M (Missile) qui est le plus puissant mais également le moins fonctionnel. Dès que le personnage se fait toucher, il perd une vie et l’arme qu’il utilisait à ce moment redescend à zéro, mais les autres cumulées conservent leur niveau. Ce qui permet une petite pointe de stratégie, en laissant sur le banc une arme bien gonflée à bloc en vue de l’affrontement avec le boss tout en faisant le niveau avec une munition moins avancée. Et pour les urgences, une pression sur le bouton A envoie une bombe qui nettoie les alentours.
Parlons vite fait du personnage : on dirige un scaphandrier qui peut se déplacer et tirer dans toutes les directions, aussi bien horizontales que verticales, mais aussi diagonales. La maniabilité est irréprochable. Les développeurs ont également fait l’effort de faire un sprite différent selon la position de notre spationaute, c’est vraiment plaisant dès lors que l’on y prête attention. Les tableaux font quant à eux un peu vide avec bien peu d’éléments décoratifs et rappellent que l’on est sur les débuts de la console, tout comme quelques clignotements mal maîtrisés par-ci par-là. Mais comme dit plus haut c’est vraiment limpide, l’essentiel est là et c’est bien ce qu’on demande.
Rajoutez un soupçon de bande-son à la cool, pas de celles que l’on se remémorera la larme à l’œil, mais de celles qui savent se faire discrètes dans le feu de l’action et qui n’irriteront pas nos nerfs au bout de la trente-cinquième boucle. Du travail de pro.
A l’heure du neuvième paragraphe de cette critique, serait-il temps de récapituler ? Un level design bien en adéquation avec un scrolling forcé, une progression tactique réfléchie, un bon travail aussi bien graphique que sonore, mais un challenge pas forcément au rendez-vous. Voici le moment de dégainer le dernier atout du jeu de derrière ma cape : on peut régler la difficulté ! Eh oui ! Trois modes sont disponibles dès le début du jeu, du plus simple au plus difficile, cachés derrière des sobriquets pas clairs pour un rond. Imaginez plutôt : Eagle, Albatros et Ace. Savoir que l’aigle, symbole de testostérone, est le niveau le plus faible me fait beaucoup rire intérieurement. Ah là, ça la ramène moins les amerloques !
Mais voilà : quand on est assez COUILLU pour finir le jeu en Ace, non seulement on a accès au véritable écran de fin, mais en plus le jeu nous gratifie d’un code pour accéder au mode de difficulté ULTIMATE qui, comme le nom l’indique, est le défi le plus relevé.
Et comme il en va de ma crédibilité auprès du lectorat du site, la rédaction de ces quelques lignes aura été l’excuse idéale pour m’y mesurer. Et étrangement, c’est surtout sur le mode Ace que j’en ai bavé : la redécouverte du jeu, déjà, mais aussi le fait de le faire en plusieurs fois et de recommencer ma partie au dernier niveau atteint grâce aux mots de passe (j’avais oublié d’en parler, il y a des mots de passe dans ce jeu ! Un par niveau et par mode de difficulté, point positif supplémentaire qui s’ajoute à la pile) ont mis mes nerfs à rude épreuve. Alors que le mode Ultimate, je l’ai fait d’une seule traite à la suite, en conservant tous mes power up au travers des niveaux : c’est vraiment bien plus facile.
Un message de félicitations pas piqué des hannetons vient souvent récompenser le joueur le plus besogneux. On peut définir celui dispensé à la fin du mode ultime de « culte », je vous laisse en juger par vous-même.
Les souvenirs sont très souvent des salopards qui nous renvoient à une dure réalité. Mais il arrive qu’ils soient d’une douceur caractéristique, chaleureuse et réconfortante, qui nous berce avec la satisfaction de s’y refugier avec nostalgie. Comme ce Burai Fighter Deluxe, qui reste indéniablement une excellente valeur intemporelle sur Game Boy où l’on peut se replonger avec plaisir, des années plus tard.
Et une bonne valeur refuge dans les temps qui courent, ça n’a pas de prix.
Ce qui n’a pas de prix non plus, c’est le petit cadeau Bonux de fond du paquet : vous vouliez du mode Ultimate ? Profitez-en, c’est gratuit :
GDCP.