C'est la sensation. Les journaux titrent en grand le triomphe d’un innocent. L'affaire qui a chamboulé l'Amérique de part en part est bouclée. Sans surprise. En tout cas pour moi car j'étais très vite convaincu de l'innocence du présumé Harding. Ayant été impliqué après les faits marquants de LasVegas car affecté au dossier, j'ai vite compris la trame. Mais pour que tout s'enchaîne si logiquement il m'a fallu un point de départ. Je l'ai trouvé à Chicago.
Présenté comme déséquilibré, Ace Harding n'en reste pas moins un détective privé. Efficace, de surcroît, et ancien boxeur professionnel. Très joueur. L'apercevant quelques fois par la fenêtre du commissariat, je songeais au risque d'il prenait de s'exposer ainsi en public. Inconscience, appel au secours ? Certes je suis policier, mais le reconnaissant à travers la vitre je ne le dénonçais pas. C'est certainement pour ça qu'on m'a blâmé lorsque j'ai essayé plus tard d'en parler. Je ne sais pas, mais cela me regarde. J'ai servi la justice comme je l'ai souhaité. ... je pensais plutôt à la boucherie héroïque se déroulant là-bas en Europe. Et puis, pour moi, les preuves accablantes envers Harding n'étaient pas suffisantes. Je l'ai laissé faire. Cette intuition s'est révélée juste.
J'eus l'occasion de rencontrer Harding lors des événements à LasVegas, avant la résolution de l'affaire cependant. Entretien sous le signe de la confiance, lui espérant que je ne dirais rien malgré mon engagement. Mais lui se sentait tel un gosse épié. J'essayais simplement d'éclaircir les points suspects de l'affaire. Occasion pour moi de comprendre la psychologie du personnage et son histoire. Fort complexe au demeurant.
Le questionnant sur le commencement de son implication, il me répondit :
"- J'étais dans les chiottes du bar de Joe. Je me levais en titubant, puis ...". Il ne semble pas se rappeler, mais il poursuit :
"- Puis j'me suis rendu compte que j'étais ... comment on dit déjà ? Ah oui, amnésique. Alors j'me suis dit, Oula, la situation est grave. J'ai un peu inspecté, j'ai compris qu'un coup avait été monté contre moi". Je l'encourageais à continuer.
"- J'ai commencé à trouver plein d'objets. De toute sorte. Médoc', paperasse, clé, argent, cartes, dossiers, vêtements, photos ...". Je lui demandais alors si cela l'avait aidé à progresser.
"- Evidemment ! C'était en fait un tas d'indices et de pièces à conviction qui m'ont permis de comprendre. Après, le brouillard s'est dissipé.
- Et votre amnésie, qu'est-elle devenue ?
- Oh, maintenant c'est terminé. Mais au début, je ne me reconnaissais même pas dans un miroir ! Lorsque je dévisageais les gens ou des endroits, ça me rappelait quelque chose, mais sans plus. Alors, j'ai pris des médocs'." Un cas classique quoi. Mais il continuait.
"- Et puis aussi, j'étais comme possédé. Je me suis vite rendu compte que j'étais drogué, mais une sorte ... comme une entité au fond de moi me donnait des ordres : utilise briquet sur clé, ouvre robinet de vin, frappe chauffeur de taxi, mange chewingum ... au début, mes gestes étaient comme dictés, je ne me maîtrisais plus.
- Etonnant.
- Pas tellement. Ils m'avaient accroché à une chaise électrique et m'avait injecté toutes sortes de produits. J'étais tout le temps sous cette emprise. Ma tête était souvent bourdonnante, j'étais souvent proche de l'évanouissement. Et puis, y'avait toujours une sorte de musique stressante qui
m'accompagnait, où que j'aille.
- Hmmm, mais comment avez-vous fait pour vous en sortir ? Recherché, pas sûr de vous, sans réelle aide ...
- J'ai fait comme j'ai pu. Je suis détective quand même ! Je découvrais quelques indices, je fouillais à fond les lieux où j'allais, et puis je trouvais toujours le déclic. J'ai rencontré quelques personnes, certes elles n'étaient pas toutes avec moi mais en discutant avec elles j'ai pu en apprendre un peu
plus. J'avais un peu d'argent aussi, j'suis donc arrivé à mes fins.
- J'aurais aussi voulu savoir les noms des coupables. J'ai été limogé, ça pourrait me servir pour continuer de mon côté.
- J'ai très vite dû rencontrer et faire équi ...". TCHAC.
Un couteau avait été lancé par la fenêtre, visant mon interlocuteur. Il se planta dans le mur, à une douzaine de centimètres de lui. Je courrai à la vitre et essayai de trouver celui qui avait lancé ça. Pas un chat. Avant de partir, Ace me dit qu'il devait chercher une grosse somme d'argent, car le temps jouait contre lui. Puis il partit. Sacré dossier quand même. Je décidai de ne pas moisir ici, on ne sait jamais. Alors je partis.
Cette petite discussion m'avait moi aussi mis sur le droit chemin. Désormais ma piste était logique, claire, sans zones obscures. Mes anciens collègues de la police ne m'étaient plus d'aucune aide. Tous corrompus, de mèche avec la pègre. Malone, Ventini, McMurphy, Stogie ... tous les mêmes. Des gangsters. Certes ils avaient finalement résolu l'affaire, mais Harding avait tout fait. Ils s'en sont servis. On lui met la responsabilité du crime de Joey Siegel sur le dos, à qui il doit en plus de l'argent. Il est recherché. Il commence à farfouiller de droite à gauche, trouve des adresses auxquelles il s'empresser d'aller. Il découvre alors la trame. Une femme bâillonnée dans un coffre de voiture. Un plan manigancé par des gens peu scrupuleux.
J’eus la chance de le revoir, une seule fois. J'étais à la gare, et je vis Ace à travers la vitre du train en partance pour Chicago.
"- Alors, ça avance ?
- Avec ce foutu compte à rebours, je dois toujours être à l'affût, me répondit-il.
- Si tu as besoin d'aide, passe me voir là-bas. Si tu n'as plus de vêtements sinon, haha !
- Ha, tu fais allusion au Lucky Dice ! J'étais mal embarqué déjà, c'est vrai ... Boah, tu sais, là où je vais quand même, je trouve toujours des choses intéressantes.
- Par exemple ?
- J'ai rencontré un ancien ami, Rudy, du temps que je faisais de la boxe ! Ca m'avance pas trop, mais quand même !
- Tant mieux ! Bref, je vais pas jusqu'à Chicago, je m'arrête avant. Je vais essayer de te glaner quelques informations. Les gens ne sont pas bavards, j'essaie d'en dire le moins possible, mais je m'en sors."
Je le laissai, tandis que le contrôleur passait dans le compartiment. J'avais appris la mort de Thomas Bondwell il y a peu. J'aurais aimé le rencontrer, ne serait-ce que pour savoir ce que lui savait. En attendant, il était temps pour moi de voir Carlston. Je sais que je commence à être recherché par mes anciens collègues, mais qu'importe, j'y vais.
J'avais malheureusement oublié de demander à Ace s’il n'avait plus besoin de certaines pièces à conviction. Un bout de papier recopié m'aurait peut-être permis d'avancer. Mais à vrai dire, dans ce milieu, mieux vaut ne faire confiance à personne. J'étais devenu un proche de Harding.
Quelques jours plus tard, pas de traces d'Harding. J'aurais pu le chercher, prévenir la police, mais ils sont tous les mêmes. Ca n'aurait rien arrangé, car en plus je progresse. Petit bout par petit bout, voyageant par train ou par taxi aux quatre coins du pays, j'ai récupéré quelques infos. J'ai compris, sans que Ace puisse me l'expliquer pleinement, que Malone était derrière tout ça. Apparemment, une grosse somme d'argent aurait été perdu et c'est à lui de la trouver. Je l'ai croisé une dernière fois, très rapidement. Il m'a alors dit d'un ton très stressé : "J'ai pas beaucoup de temps, désolé. Une semaine, ça fait court". Alors je suis retourné à Chicago, j'ai essayé de montrer quelques trucs à des gens pour voir s’ils pouvaient m'aider. Mais là où je comprenais plutôt bien les évènements de la "première affaire", la seconde de LasVegas m'a carrément donné du fil à retordre. Pourtant je suis débrouillard, j'ai même pu avoir quelques pièces à conviction, approcher la pègre, mais ce prtendu délai de 7 jours m'empêchait de comprendre.
Finalement le salut n'est venu qu'à une fusillade qui finalement, s'est bien finie pour Ace. Tout est rentré dans l'ordre, et une fois de plus on s'en est sorti. Je suis allé à LasVegas, au casino du Lucky Dice Hotel, et j’ai suivi le filon du détective. Chercher dans le sable s’il n’y avait pas quelques pièces. Il m’avait raconté que c’était une technique car dans la première affaire il avait souvent eu besoin de jouer au bandit manchot pour payer les taxis.
« - Ah, tu allais au casino ?f
- Non non, m’avait-il répondu. J’ai ma combine. En traînant dans les égouts, juste après avoir tué un alligator, j’ai trouvé une salle de jeux déserte. Les malfaiteurs avaient tout prévu.
- Incroyable ! Et même les taximen ne te reconnaissaient pas ?
- ‘Faut croire que non. L’un deux étaient plus sympathique que l’autre, parfois il acceptait que je parte quand j’étais à sec. Mais pas plus !
- Et personne ne t’a reconnu ?
- J’avais mon manteau toujours sur moi, et l’affaire ne venait que de commencer. Et puis souvent aussi, les gens que je rencontrais étaient endormis.
- Tu as agi comme un vrai détective privé !
- J’ai risqué ma vie. J’ai même frappé un serviteur dans une maison. Il faudra que j’aille m’excuser, je ne l’ai toujours pas fait. »
Devant le croupier, j’ai pensé à lui. Et j'ai un peu joué au blackjack. Je me demandais alors pourquoi Harding n'avait pas amassé tout l'argent recherché à ce jeu. Puis j'ai réfléchi. 112000$, ça se fait pas en une semaine de blackjack."
Extrait de «A policeman and Ace Harding », 1948.
Première point'n'click de l'histoire du jeu vidéo (bien avant LucasGames !), le premier Déjà Vu avait tout pour plaire. Ambiance prenante, intrigue bien menée, réalisation graphique très correcte. Certes peu connu, le second épisode offre encore plus de possibilités et permet de se plonger dans une des affaires policières du jeu vidéo la plus savamment dosée, quoique très difficile et complexe. De nombreux ajouts ont été faits, ce qui permet d’imprégner encore plus le joueur et de rendre l’affaire plus passionnante. La reconversion sur GameBoy Color permet d'apprécier pleinement, et partout, ces petits bijoux d'un temps révolu. Chapeau Kemco.