Aryen de souche, Français de racine, chrétien de zob.
Worms
Team17 - 1995
La banane, la banane ! par Enker

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
La guerre. L’odeur du sang et de la sueur. Le vrombissement saccadé d’un fusil mitrailleur. Le fracas des missiles sur la roche. La peur, les larmes. Les morts. Les héros.
Bienvenue sur Game Boy.

Car c’est bien sur Game Boy que tout cela est présent, dans une simple cartouche. Ou plutôt dans un défi fou. Ou plutôt absurde. A moins qu’il ne soit tout simplement très con, tant le pari est couillu : adapter Worms sur le pavé portable de Nintendo. Pari tenu, mettez donc vos plus belles rangers et en route !



Worms. Combien d’heures passées sur le PC familial dans ces vertes années d’innocence primaire et de premiers regards ridiculement lubriques sur les corps en voie de sculpture de ces jeunes filles dans la fleur de l’âge ? Cette fleur que nous avons tous voulu cueillir délicatement de nos blanches mains, en saisissant la terre d’une poignée ferme et (presque) virile, avant de s’apercevoir que mais qu’est-ce qu’il y a sous la racine, oh mais putain c’est un ver de terre !. Tant pis pour la petite blonde, elle se fera casser les reins une autre fois, il y a désormais mieux à faire avec ce nouveau compagnon de jeu.



Le jeu original avait déjà tout pour plaire : un affrontement à mort en tour par tour entre deux ou plusieurs équipes de vers, un attirail militaire loufoque à en faire pâlir un djihadiste en formation, des cartes denses et variées et surtout un esprit comique digne des meilleurs cartoons. A chaque tour, l’imagination du joueur pouvait se laisser emporter en déplaçant son ver dans les limites de temps et de terrain, le rapprocher de ses ennemis, le mettre à l’abri, user de toutes les stratégies possibles et imaginables, le tout pour faire subir l’humiliation la plus totale à son adversaire. Jouissif de bout en bout, surtout lors de ses sessions à plusieurs joueurs qui sublimeront les plus beaux coups de pute. Votre meilleur ami y devenait votre adversaire le plus perfide, plus de pitié ni de croissant, jetez donc une bombe au cluster dans le tunnel qu’il vient de creuser, ça lui apprendra.



Je ne sais pas ce qui a traversé l’esprit des développeurs du jeu au moment de passer Worms sur Game Boy. Peut-être une enfance brimée, à moins que ce ne soit une passion débordante pour les monochromes de Whiteman. Pourquoi pas, l’idée d’amener ce jeu partout avec soi ne pouvait être qu’audacieuse. Jeune fou que j’ai été de croire en cela, lorsque ma route a croisé celle de sa boite au détour d’une boutique duty free dans un aéroport londonien. Worms, je t’ai aimé et tu seras mien.



Des adaptations foireuses, nous en avons tous connues. Plein. Mais parbleu, pourquoi donc ce portage Game Boy ?, je m’interroge encore. Aux premiers instants suivant l’allumage de la console, l’impatience fébrile reste présente aux fils des notes de cette musique d’introduction. On croirait entendre au loin un "incomiiiiing" partisan, bercé par cette douce mélopée enchanteresse. A moins que ce ne soit par les prémices d’une sombre désillusion, allez savoir. Sincèrement je n’en sais rien, l’essentiel est ailleurs.
Bref. Cette musique, profitez-en, c’est la seule du jeu. Mais pas trop, elle devient rapidement énervante, surtout lorsqu’il est question d’explorer à fond les menus pour préparer sa partie. Et c’est justement là que survient le premier drame du jeu.



Trahison, les dits menus bénéficient d’une ergonomie pour le moins douteuse. Soit. Les paramètres, on s’en fout, ce que l’on veut c’est carresser du bout des doigts le miracle, c’est jouer nom de dieu ! J’aurais eu le choix d’aider les enfants africains ou de faire cette critique, je ne dis pas, mais l’Afrique c’est quand même un peu loin et j’avais la cartouche du jeu à la maison. Et puis j’aurai un peu l’impression de revivre le Rwanda, merde à la censure.

On lance donc sa première partie.
Hop, un premier ver, le deuxième attention les dégâts ! (oh oh oh, elle était facile celle-là), un bon calibrage de bazooka et au suivant. Bam, dans ta gueule, tu l’as bien méritée celle-là ! Mais c’est à cet instant précis que survient le grand moment de solitude. Putain mais pourquoi ce con de deuxième joueur ne joue pas, elle fout quoi la console ? Et c’est là que survient le frisson d’effroi dans l’échine, lors de la sinistre révélation. Non, ce n’est pas la console qui contrôle le joueur 2...mais bien le joueur lui-même. S’il fallait un échec, en voici un beau.



Redémarrage immédiat de la console. Cette fois-ci, les options sont incontournables et le détour par les modifications des équipes se veut obligatoire, et ce avant chaque putain de partie (car non, il n’y a pas de sauvegarde possible dans cette cartouche). Ok, c’est chouette, tout est paramétrable comme sur la version ordinateur, l’esprit est intact et c’est bien. Mais laisser au moins une équipe sur deux en contrôle par la console, c’était trop dur peut-être ? Ils n’y pensaient pas ces sagouins que peut-être, je ne sais pas moi, certaines personnes aient, au détour d’une journée hasardeuse, envie de jouer en solo ? Oui, je sais, cette perspective est affolante, mais rien ne pourra jamais empêcher ces petits plaisirs nocturnes en solitaire, lorsque l’on saisit son gros engin. Non, je déconne, j’en ai une grosse et vous en avez une petite dans votre poche (ah, ça, fallait réfléchir à deux fois avant d’échanger votre frigo contre une Game Boy Pocket !)
Donc on paramètre les données des équipes, on peut renommer ses vers si on le souhaite, le niveau de l’équipe dirigée par la console, on n’oublie pas de sauvegarder afin de ne pas avoir à refaire cette manip’ chiante à chaque nouvelle partie (ah ah. Non je déconne.). Et mine de rien, on prend presque autant de temps à paramétrer tout ce merdier qu’à faire un round entier sur le terrain, c’est dire. Et quitte à pousser la plaisanterie jusqu’au bout, un détour vers le paramétrage du jeu lui-même est appréciable (note : penser à augmenter le temps d’action, ça peut toujours être utile) et c’est parti.



Nous y revoilà. Après avoir sélectionné un obscur mode de jeu (league, friendly ou tournament) et les équipes participantes (de deux à huit selon le mode, maximum quatre équipes de quatre vers simultanées sur le même terrain), la partie peut enfin commencer. Cette fois-ci, plus de place au doute, le joueur 2 sera contrôlé par la consolé, on va enfin pouvoir mitrailler et dynamiter comme il se doit. J’espère que vous êtes solidement attaché, car nous allons dès à présent rencontrer et traverser plusieurs murs de la déception. Simultanément.



Tout d’abord, c’est moche. Ok, on est sur Game Boy et on y a déjà vu pire, mais si l’on ressort les cartes de l’original, on ne pourra que pleurer. Dans cette version, les cartes sont très limitées et se ressemblent toutes –j’ai vaguement reconnu ceux de la Lune et du far-west, c’est déjà bien croyez-moi–, mais pourquoi pas, on n’allait pas attendre une prouesse technique de ce côté-là. Comparativement, les cartes sont aussi plus petites que dans l’original, mais restent très grandes compte tenu de la petite taille de l’écran de notre Game Boy chérie. Et là, vous aurez aisément deviné le troisième écueil, le pire de tous : l’écran est minuscule. Pour une grande carte. Où il faudra viser de petites cibles perdues dans un décor brouillon où chaque parcelle de terrain ne ressemble qu’à une autre parcelle de terrain située de l’autre côté de la zone de jeu. Et compte tenu du fait qu’il faudra parfois chercher une cible lointaine perdue dans le décor, le temps de la trouver en visionnant la carte mettra à sec les précieuses secondes de déplacement initialement données, d’où l’importance de les revoir à la hausse.
'fin bon, ça ne servira à rien, vous tirerez à côté quand même.


"Aujourd'hui, nous allons apprendre comment faire un petit Grégory."


"Il y a un subtil mélange à respecter pour qu'il fonctionne, parce que...?"


"Parce que ses os sont poreux, exactement !"


Priez donc pour que le scénario tant redouté n’arrive jamais : le un contre un à deux extrémités du terrain. Après épuisement total de tous vos missiles à tête chercheuse, vos bombardements aériens ou bien même les téléportations (non j’déconne, il n’y a que la console qui utilise ça), ça devient vide fendard. Ou juste complètement ridicule.
Mais ne vous inquiétez pas, ceci n’arrivera pas souvent, car la console possède une arme unique en son genre : l’intelligence artificielle la plus affinée possible. Genre le ver qui pose un bâton de dynamite à sa gauche et fait deux pas sur sa droite…pour tomber en dehors des limites du terrain. Ou qui saute pour fuir mais rencontre TOUJOURS le même pixel embarrassant qui le renvoie TOUJOUS sur son bâton de dynamite (répéter trois fois la même action consécutive). Tant d’incompétence me laisse rêveur.



C’est donc moche et à la bordure de l’illisibilité totale. Pourquoi pas, mais on s’en fout tant que le fun, que dis-je !, l’esprit est là. Et l’esprit est là. Les bruitages sont bons, l’aspect cartoon est présent, même en noir et blanc. Et puis pouf, il disparait à nouveau dès qu’il est question de changer son arme (sélection pour le moins laborieuse s’il en est). Vous aviez rêvé de creuser sillons et tunnels, de surprendre votre ennemi avec une ingéniosité de tous les instants ? Ah ah, vous allez tomber de bien haut jeune fou. Point de marteau-piqueur ou de chalumeau, les déplacements se feront en surface uniquement. Argh.



Bah, tant pis pour le flacon tant qu’on a l’ivresse. Oui mais non. Vous sourirez moins lorsque vous apprendrez que la très large majorité des coups se résument à de brefs échanges de bazookas interposés. Hum. A vrai dire, la console ne connaitra pour seuls mouvements principaux que le bazooka, la grenade ou l’air strike, c’est dire. Shotgun ou uzi deviendront de simples accessoires à l’inutilité flagrante, mais encore plus troublante une fois la liste des différentes armes connue. Découvrir la sélection famélique des possibilités fera assurément couler une larme de tristesse mêlée de douleur sur votre visage. Et les fragments de terrain voleront sous les éclats de la bombe au cluster au même rythme que son gameplay boiteux. A ce sujet là, vous ai-je déjà dit que toute notion de vent avait disparu ?

Et là, ça fait vraiment mal.



Ultime aberration, ce jeu qui brillerait de mille feux à l’aide d’un simple mode multi-joueur…ne propose pas de possibilité de connexion entre deux Game Boy. Ah oui, quand même.
Je vous entends déjà dire que oui, le câble link est une merde infâme que bon nombre de joueurs n’ont jamais vue. Et vous avez raison. Mais il n’empêche que cette simple addition –ô combien basique !– aurait pu complètement revoir à la hausse l’intérêt général de cette cartouche.
Imaginez donc. Deux Game Boy. Deux cartouches de Worms. Un câble link. Le bonheur.

Mais ça, on s’en fout, je n’ai jamais qu’une seule console et je suis la seule personne de mon entourage qui a un jour possédé ce jeu. Et puis je n’ai jamais eu ce foutu câble, bordel.

Donc à la place, on se contentera de sélectionner plusieurs joueurs humains et de faire tourner la console de main en main entre chaque tour. Solution du pauvre, mais elle n’est pas non plus la plus déconnante possible. Il y a une certaine logique derrière, mais voilà, je me demande si j’ai un jour trouvé ne serait-ce qu’une personne qui veuille jouer avec moi à ce truc sur ma pauvre Game Boy. Ma vie sent quand même un peu du bout.



Voilà tout. Ce n’est pas si mal, on finira toujours par s’y amuser le temps d’une courte partie, assis sur le trône. Juste le temps de régler ses paramètres puis de bombarder son adversaire comme il le mérite, au rythme des éclaboussements des étrons dans vos chiottes. Rien de plus.

Worms Game Boy. Plus qu’un simple raté, un énorme gâchis.
Le point de vue de César Ramos :
Ne coute pas trop cher mais il n'y en a pas beaucoup. Il y a une logique dans ce monde, ouf.