L'auberge de jeux NES.
Alisia Dragoon
Sega - 1992
Gant de fer et slip de cuir par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Lorsqu'on aspire à une vie calme et peu primesautière au-delà du raisonnable, dans laquelle la plus intense des péripéties se limite au tuyau de la douche qui fuit, il est préférable de ne pas choisir de la passer dans un univers d'heroic fantasy. Car pour ne rien vous cacher, c'est un vrai bordel. Impossible de faire une sieste au bureau ou de regarder Motus en profitant tranquillement de sa Ricorée. L'aventure est au coin de la rue, même prendre le beurre dans le frigo peut s'avérer une péripétie de tous les instants.



Autant le confesser tout de go, pour qu'il n'y ait pas maldonne par la suite : j'ai choisi ce jeu pour sa couverture. Une impulsion, je ne saurais vous dire autrement. L'envie subite de faire sonner une misérable poignée d'euros sur le comptoir d'une boutique sans âme. Il trainait là, dans un bac misérable de vendeur de bonheur d'occasion, coincé entre un Fifa 96 et un Fifa 97, à deux enjambées de piles de jeux Playstation 2 abandonnés par des cohortes de jeunes enfants ingrats qui ne méritent pas le bonheur dont on les gave. Soupirant une fois de plus devant l'imbécile indice des prix pour des titres dont les emballages semblaient avoir traversé Verdun et Guernica un jour de tempête, elle m'apparut soudain. La jaquette avait subi les outrages d'une lumière agressive mais ça ne suffisait pas à voiler son éclat. Ce regard fier, cette pose irradiant l'héroïsme et la détermination, ce bras tendu vers les nues délivrant cet éclair de puissance : une guerrière des anciens temps, une vraie. Et elle était presque à poil. Oui, c'est seulement dans un second temps que j'ai vu le dragon derrière elle, cette rutilante créature de crocs et de feu, irradiant le souffre et l'adrénaline. Je ne l'ai vu qu'après cette peau dorée, ces muscles finement ciselés et ce slip en cuir. Oh oui, ce slip.



Souffrez un petit aparté. Surtout si vous êtes nés dans les années 90. En parcourant ce site, vous vous êtes probablement rendu compte que les années 80 revêtent une importance singulière pour la brochette d'adolescents attardés que nous sommes. Si, soyons francs. Allez, certains se roulent même dedans en riant bêtement. Il y en a carrément qui écoutent du Kim Wild. Vous voyez le niveau. Et les années 80, au-delà des vestes à épaulettes et des chanteuses en rouge et noir, c'est aussi l'âge d'or de l'heroic fantasy. Ces fiers guerriers aux muscles hypertrophiés et huilés qui traversaient des royaumes entiers pour aller corriger un sorcier à moitié fou, dans des territoires au nom devant au minimum se composer d'une apostrophe et la lettre K. Donnez moi du Conan, donnez moi du Frazetta, ne me donnez surtout pas du Kalidor. Ça découpait du gobelin à la hache, folâtrait avec des amazones peu farouches, défiait les dieux et ça payait son tiers provisionnel en or des nains et rubis de Kir'Athoum. Une période pour les durs, les vrais avec des testicules en fer forgé et un slip en cuir de ptérodactyle. Ensuite, Chirac est arrivé au pouvoir et les choses n'ont plus été les mêmes. Ou peut-être que cela n'a rien à voir, qui sait.



L'univers de l'heroic fantasy est un monde où la stabilité est rarement de mise comme énoncé plus haut. Et le royaume de ... allez savoir, on ne prend même pas la peine de nous le dire en fait. Quoi qu'il en soit, le royaume de bidule n'échappe bien sur pas à la règle. La faute en incombe une fois de plus à l'incontournable prophétie de mes deux joyaux qui sert de toile de fond à notre histoire. Un des grands pas en avant de notre monde moderne, avec l'invention de l'ogive nucléaire et du jambon sous vide, est d'avoir tranché le jabot de l'équipe de Barbapapas à moitié fous qui nous sert de la prévision apocalyptique depuis 10000 ans. L'avenir se présente désormais sous un horizon serein, élection présidentielle après élection présidentielle. Mais nous n'en sommes pas encore là et l'orage gronde encore au loin dans les montagnes. Vautrons nous donc dans le cliché tel le parisien oisif dans sa fange.



Bras armé de la justice royale, notre petite Alisia s'en va purifier la lande de toute présence démoniaque et tuer dans l'œuf toute ambition apocalyptique d'un quelconque archidiacre cinglé jusqu'au bout de la mitre. Et ceci avant l'heure du thé si possible. Le cuisseau découvert pouvant entrainer moult excès (allant de la papouille timide au cannibalisme pervers), notre jeune fille est accompagnée de sbires (oh oui, des sbires) l'épaulant dans son opération de défrichage. Un quatuor de bestioles qui constituent d'ailleurs le principal attrait du jeu. Ils sont quatre, comme le Club des Cinq après ce fameux accident d'autocar. Quatre charmantes créatures : une salamandre lanceuse de boomerang, un dragon, un feu-follet et un, heu... oiseau du tonnerre probablement emprunté à une quelconque mythologie précolombienne. Présenté comme ça, il y a un petit goût de Pokemon. Pas faux, puisque vous pourrez faire évoluer vos compagnons au cours des niveau. Une évolution qui se présente sous le schéma "plus gros et qui fait plus mal" mais qui permet de rompre un tantinet avec la linéarité de l'ensemble. D'où légère tromperie sur le titre : l'honnêteté du service marketing aurait du être de nous présenter "Alisia Dragoon, Salamender, Thunderbird et Will-o'-the wisp". Quoique cela sonne comme une troupe de cirque itinérante des Balkans.



Mais baste, Alisia Dragoon est avant tout un shooter à sandales. L'occupation principale est de réduire en copeaux fumants tout ce qui se trouve sur votre passage et de vous goinfrer de bonus. Outre ses Pokemons volants, la guerrière court-vêtue se défend à coup d'éclair. Ce qui est ici intéressant, c'est que votre arme est un faisceau continue qui se décharge en cas d'utilisation prolongé. Un peu comme un Tazer, sauf qu'ici la bavure est encouragée. Votre éclair prendra de la vigueur au fur et à mesure que vous le nourrirez en améliorations. Du classique. Mouais, voire. Le déroulement est plutôt avare en surprise, d'aucun diront qu'il est même linéaire. Pas faux : on traverse un niveau, on dégomme du méchant, on améliore son tir et ses bestioles et on apprend la politesse à un boss. Répétez le mélange plusieurs fois et vous aurez un jeu entier.



Heroic Fantasy, quoique. On lorgne tout de même un peu du coté du Space Opera. De cet univers où l'on traverse les systèmes solaires à bord d'un astronef mais en portant tout de même une cape de cuir et une couronne d'ivoire. Ambassadeur de l'élégance new age à travers le cosmos. Cet esprit se retrouve dans des phases de jeu d'un classicisme parfois éprouvé comme la balade aérienne sur une espèce de gros vaisseau militaire (là, une sorte de rorqual mutant à hélices). De même, les phases à pied dans la grotte côtoieront des balades dans un vaisseau spatial en révision bien après l'expiration de la carte grise. Avec, à la clé, du mutant géant ou du magicien en guise de dessert, au choix. On ne se refait pas.



Sur le plan visuel, on est dans une correcte moyenne de la Megadrive. En concordance avec l'époque charnière à laquelle le jeu est sorti : ni laid ni magnifique, mi figue mi raisin, mi beauté micheline dax. Tare classique : l'ensemble est un peu trop sombre. La Megadrive nous fait encore son complexe d'infériorité. Certes l'apocalypse est en approche mais tout de même, ne faisons pas grise mine pour autant. Au-delà de ça, les graphismes sont relativement fins sans pour autant affoler les processeurs de la machine. L'ambiance médiévo-spatiale est bien retranscrite, la cuisse légère de notre héroïne joliment dévoilée par un plis d'étoffe soulevé par une brise friponne. Ou dites tout de suite que c'est moi.



Coté oreille, la console ne sue pas sang et eau pour le coup. Ou du moins l'eau possède un petit goût de pipi. On est loin de crier au scandale mais aucun thème ne trottera dans votre esprit, si ce n'est celui d'ouverture, fugace. Et les bruitages donnent dans une discrétion encore plus prononcée : qui un couinement de gobelin virevoltant, qui un petit gémissement de mademoiselle lorsqu'elle est indisposée et hop, rideau. Ou peu s'en faut.



La maniabilité se résume en peu de mots : les niveaux ne sont pas particulièrement exigeants et les mouvements de votre brave petite seront vôtres en un tournemain. Du reste, il n'y a rien de bien compliqué : du saut, du laser et le changement de votre bestiole. Emballez, c'est pesé. Cela donne une difficulté que l'on aborde comme la petite Emilie : un peu de doigté mais on peut tout de même avancer avec fermeté. Assez rapidement, le jeu posera un pied à terre en une heure. En supposant que vous y reveniez, le jeu ne possédant peut-être pas assez de fumet pour avoir un petit goût de reviens-y, hélas.



Mais probablement que le propos n'est pas là. Non, peut-être que l'on ira vers ce jeu pour d'autres raisons, celles qui nous poussent aujourd'hui encore à entasser ces vieilleries de silicium pour nourrir dieu sait quelles nostalgies électroniques. Pour raviver un court instant dans nos esprits adultes au-delà du raisonnable la fugace sensation qui pouvait nous parcourir l'échine à une époque où l'achat d'un jeu ne se décidait parfois que sur la base d'une jaquette affriolante. Des dragons, des chevaliers, des vaisseaux spatiaux, des rayons lasers à foison ou même des mutants dégoulinant de vilénie. Et ce slip de cuir. Oh oui, ce slip.

Le point de vue de César Ramos :
Peu coté, peu recherché, peu cher. Fatche de con.