Un jour Coco Chanel a déclaré et je cite " La mode se démode, le style jamais. ". Venant de celle qui a donné ses lettres de noblesse à la haute couture française, on peut considérer cette phrase comme une vérité universelle. Et quand je regarde en arrière je ne peux que plussoyer les dires de " Mademoiselle ". Des années 70 à nos jours nous avons vu nous succéder nombre de modes vestimentaires plus ou moins grotesques. Mais s'il y a bien une période qui n'a pas été épargnée, c'est celle qui va de la fin des années 80 au milieu des années 90. Rappelez vous lorsque vous portiez des chemises hawaïennes mauves fleuries de petits carrés jaunes, de triangles verts et de ronds oranges. Il faut dire que Miami Vice battait des records d'audience à la télé. A l'époque c'était la classe de se balader avec ces vêtements, on avait le look jeunesse dorée de Miami mais avec le style en moins. On était des mecs à la cool, on était pas des enculeurs de mamans. On arborait fièrement la banane parce qu'on était des mecs chébrans. Et du coin de l'œil on mattait les meufs (sauf si c'était la reusda d'un tepo, il en est convenu) qui s'habillaient avec de gros zonblou en cuir noirs, surmontés de grandes croix du Christ en métal. Il faut dire qu'à l'époque Madonna faisait des émules. Et comme on voulait les péchos, on leur proposait d'aller gammelle au O'Kitch du coin. Mais ces tasspés préféraient les cailleras, ces mecs en Air Jordan et jogging fluo. Il faut dire que Public Enemy et Mc Hammer étaient en tête des charts. Enfin les derniers réfractaires à notre système revendiquaient le look chemise de bûcheron canadien, baggy troué, cheveux longs et surtout gras. Oui vous l'aurez deviné, Nirvana trustait l'esprit antisocial de notre jeunesse.
Nous étions donc dans un melting-pot socio-culturel très intense. La mode se déchirait entre diverses influences musicales. Si j'avais tourné un western adapté à l'époque je l'aurais nommé " le cool, la provoc' et le rebelle ". Et je n'ose imaginer ce que cela aurait donné. Malheureusement si tu es un(e) lecteur(rice) dit(e) " Next Gen " c'est à dire né(e) après 1994, tu as certainement du mal à t'imaginer cette période. Si tu souhaites en savoir plus, il te suffit simplement d'aller sur les sites de partage de vidéos et de taper " Parker Lewis ne perd jamais ", " Le Prince de Bel-Air " ou " Sauvés par le gong " ( dont son générique est l'allégorie du bon goût des 90's) pour comprendre toute l'ampleur de mes propos.
Bref, nous sommes en pleine transition entre deux décennies. Patrick Bruel, dit " Patrickkkk... " fait hurler les minettes, le choc pétrolier est loin derrière nous, le grunge et le rap sont en pleine explosion. Un vent de nouveauté dont les ados sont les têtes de proue souffle sur le monde culturel. Et bien évidemment, à l'époque s'il y a bien un domaine qui vit uniquement grâce aux kids, c'est le jeu vidéo. Qui n'a jamais vu ces ados remplissant les salles d'arcades américaines la casquette à l'envers, le joystick dans une main, un Slurpee dans l'autre. Je voulais écrire un joint dans l'autre mais j'avais oublié que " Winners don't use drugs ". Bref le jeu vidéo va être en première ligne de cette déferlante de coolatitude. Qui ne se souvient pas de ses infâmes merdes telles que Shaq Fu ou Michael Jordan : Chaos in the Windy City qui se sont vendues parce qu'il s'agissait de jeux à la cool avec des basketteurs populaires. Ou même les Mortal Kombat qui partaient par palettes entières grâce, ou plutôt à cause de ses fatalities sanglantes. Clairement sous couvert de " coolatitude " on se permettait de vendre l'impensable, et même des jeux inspirés de personnages de publicités.
Oui vous avez bien lu, nous connaissions déjà les jeux inspirés de marques comme avec Global Gladiators pour Mc Do. Mais nous n'avions encore jamais vu l'effigie d'une compagnie sur nos consoles de salons. Bien heureusement ce n'est pas un jeu basé sur les aventures de l'ami Banania ou même encore de la Mère Denise. Non, n'oubliez pas, nous sommes dans une ère de protagonistes qui assurent. C'est Cool Spot qui a eu le droit a cet honneur. Cool Spot? C'est bien normal que cette mascotte ne vous dise rien, puisqu'elle n'a jamais mis ses pieds en France. Il s'agissait d'un des emblèmes de la marque 7-up, celle qui employait déjà Fido Dido, le surfeur qui étonnamment était... " Cool ". Je pense que vous commencez à entrapercevoir ma ligne éditoriale. Bref Cool Spot est l'archétype même du héros qui vit de plain-pied dans son époque. Il porte des lunettes de soleil, a des baskets et possède même un yoyo, c'est dire s'il est branché. Bon il n'a pas de pogs et encore moins de jojos, mais quand même, il assure le bougre.
Mais peut-être en avez vous déjà marre de lire ce qui s'apparente uniquement pour le moment à une dissertation sur la mode fin 80/début 90 ? Oui mais en même temps si je vous avais pondu une critique conventionnelle cela aurait pu se résumer à : " Cool Spot est un jeu de plateformes classique, qui s'inscrit typiquement dans la lignée des jeux de l'époque, avec de très beaux graphismes mais que l'histoire n'a pas retenu ". S'en serait suivi une trentaine de ligne où j'aurais plus ou moins brasser du vent. Mais bon puisque vous insistez tant, allons-y, parlons du jeu.
La première chose a dénoter à propos de Cool Spot, le héros qui fond dans la bouche pas dans la main, c'est que sa version européenne est légèrement différente de sa version Us. La mascotte n'étant pas connue en Europe, tous les éléments mentionnant la marque 7-up ont été remplacés par ceux de la marque Virgin. Hormis cette petite histoire de notoriété publique, le contenu est identique. La version testée ici est celle des States, car même si Georges Michael était dans l'air du temps, à Nespas nous ne sommes pas des lopettes. On a des couilles grosses comme des melons et on joue aux jeux sur leur support original. Cool Spot fait parti de ces jeux sans histoires. Non pas qu'il n'a jamais fait un tour au poste, il faut dire qu'hors-caméra il doit en griller; mais plutôt que son intérêt ne réside pas sur son scénario. Jugez donc sur pièces. Le héros appartient à une espèce/tribu/bande/crew ( rayez la mention inutile) de choses/smarties/rondelles/jetons ( idem ) rouges. Ceux ci on était enlevé par on ne sait qui, pour on ne sait quelle raison. Vous voilà donc projeté sauveur de votre espèce. Si j'étais un chroniqueur jeu vidéo des émissions télévisuelles de l'époque je vous aurais certainement dit quelque chose comme " A toi de diriger ton héros à travers 10 niveaux fan-tas-tiques. Récolte les pastilles rouges nécessaires pour t'en aller délivrer tes amis dans un monde miniature ou chaque élément devient un obstacle redoutable. Aventure et action t'attendront dans ce jeu de plateformes sur-vi-ta-miné. Sauve ton espèce tout en restant cool, et qui sait peut être après pourrons-nous boire un bon verre de Banga pour fêter ta victoire. ". Oui mais voilà je ne bosse pas pour Micro Kid's.
Cool Spot est un jeu de plateformes tout ce qu'il y a de plus classique. Un niveau, des ennemis, du temps, des obstacles, un modèle vu et revu en somme. L'intérêt réside dans le fait que vous voyez le monde extérieur dans la peau d'un être minuscule. Là encore rien de bien original, ce jeu me fait même furieusement penser à Tom & Jerry sorti lui sur Nes. Les deux héros jettent tous les deux des billes, évoluent dans un monde microscopique et certains ennemis sont quasi identiques. Je ne sais pas s'il s'agit d'une pure coïncidence mais pour ceux qui se sont déjà essayés aux deux softs, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement. Mais bon, laissons-lui le bénéfice du doute.
Niveau Gameplay l'ensemble est plutôt bien calibré, hormis pour certains sauts et une caméra qui ne suit pas le héros. Chaque saut à un étage inférieur se résume à un plongeon dans le vide. Et même si le pénitent est humble devant dieu, Cool Spot finira le plus souvent comme cette connasse d'autrichienne. Sachant que les adversaires débarquent eux aussi souvent à l'improviste, le jeu s'en révèle tout de suite un peu plus corsé. Autant en facile le jeu se résume à une escapade sur la côte d'azur, autant en normal le tout fait plutôt moteur cassé en plein Larzac. Enfin je n'ose faire une métaphore pour le mode dur, ou alors cela serait à base d'exploration, de tribus africaines et de cannibalisme. Au final c'est à vous de choisir, mais le jeu en vaut-il la chandelle?
Tant qu'à finir avec les formalités d'usages, passons sur l'aspect sonore. Toutes les musiques se ressemblent et sont insipides, elles sont basées sur un rythme à la cool mais lent. Comme disait mon instituteur " Ça rentre par une oreille, ça ressort par l'autre ". Quant aux bruitages ils ne relèvent malencontreusement pas l'ensemble.
Mais alors qu'est-ce qui fait que Cool Spot avait quand même eu un certain succès d'estime à l'époque?
Tout bonnement pour ses graphismes et son animation. Les niveaux sont très colorés et sont un régal pour un œil avisé. Certains arrières plans sont très riches visuellement parlant, et le jeu regorge de petits détails. Mais c'est surtout l'animation qui mérite la palme, ne serais ce que celle du héros. Il suffit d'attendre quelques secondes sans toucher aux commandes pour le voir claquer des doigts, faire du yoyo ou encore bayer aux corneilles. Son double saut périlleux finira de convaincre les sceptiques.
Au final Cool Spot me fait un peu penser à Pinocchio lui-même issu des mêmes Studio Virgin. C'est à dire un jeu magnifique sur un plan purement graphique, mais qui pèche pour le reste. Pourtant je garde une certaine dose de sympathie pour ce personnage. Peut-être est-ce dû au fait que j'y ai touché à l'âge de dix ans, c'est même certainement à cause de cela. Car pour celui qui s'y essaye aujourd'hui le jeu sera considéré soit comme un délicieux mélange d'une période révolue, soit comme une aventure où l'on ne dirige ni plus ni moins qu'une pastille rouge à la con qui porte des lunettes de soleil.
Et en fermant cette critique je me rends aussi compte qu'une page du jeu vidéo s'est achevée. Les personnages au côté cartoon ont laissés place à des héros plus matures. Les ados attardés des salles d'arcades sont devenus des trentenaires chevronnés et aguerris. Les fans de la Madonne se sont transformées en fans de Britney. Les rappeurs qui brandissaient des grosses pendules les ont troquées contre des chaînes en or. Le grunge est mort avec Cobain et aujourd'hui c'est le rock émo qui dirige les hordes de jeunes révoltés. Enfin les ados qui portaient des chemises hawaïennes sont devenus de sacrés pédales en slim qui dansent sur de la musique tecktonik. Et moi, tel le vieux singe, perché sur mon arbre, vêtu de mon indémodable polo/jean, je regarde les saisons et les modes changer, en me rappelant de ce que disait Mademoiselle Chanel.
Oh, simple thing, where have you gone?