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Cosmic Carnage (32X)
Sega - 1994
La tête dans les étoiles et les pieds dans la merde par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Ce n'est pas une défaillance de votre téléviseur, n'essayez donc pas de régler l'image. Nous maîtrisons à présent toute retransmission. Nous contrôlons les horizontales et les verticales. Nous pouvons vous noyer sous un millier de pixels ou dilater une image jusqu'à lui donner la clarté d'un bol de gruau et même au-delà. Nous pouvons modeler votre vision et lui fournir tout ce que votre imagination peut concevoir. Nous contrôlerons tout ce que vous allez voir et entendre. Nous partagerons les angoisses et les mystères qui gisent dans les plus profonds abysses, au-delà du réel.



En pensant faire le récit de cette aventure dans les lignes qui vont suivre, j'ai été rapidement saisi d'un doute : l'avais-je réellement vécue ? Fut-ce une expérience tangible ou n'est-ce qu'une brume éparse distillée par un esprit fatigué par l'abus de caféine et de bière bon marché ? Que sais-je du réel ? Et comment ? Pourquoi est-ce que je parle comme dans un roman de Marc Levy ? J'ai l'impression de courir dans un brouillard écossais, les sens inhibés, la tête comme dans une boite remplie de coton. Une légère diarrhée aussi, mais ça n'a peut-être aucun rapport.



En fouillant les papiers qui encombrent mon bureau, entre deux tickets de caisse d'Euromarché, je tombe sur des notes éparses, un récit hachurée de cette expérience au-delà des sensations connues de l'homme de la rue, écrit probablement dans un état second où un éclair de lucidité m'aura permis d'en conserver une trace. Je n'aurais donc pas rêvé ces terrifiants instants. Peut-être. Ces quelques traces de carbone sur papier sont le seul lien qui rattache cet évènement à la réalité. Tout est là, noirci sur quelques centimètres carré. Vais-je avoir le cran de m'y replonger ? Courage, il le faut.



L'air a quelque chose de pesant ce soir. Une chape de plomb indicible noie les cris des rues de Villenave d'Ornon. Il se passe quelque chose. Je me sens inhabituellement las. Une mauvais digestion peut-être. J'ouvre la porte de mon appartement et une atmosphère inhabituelle me saisi tout entier. Qu'y-t-il de différent ? Pas mon voisin qui écoute le même album de Mylène Farmer pour la 43éme fois. Il y a autre chose. Un regard machinal en direction de ma télévision et ce qui cloche me saute au yeux. Ma Megadrive, cette forme étrange, qui lui est-il arrivé ? Je bondis. C'est bel et bien ça : un horrible excroissance, un affreux champignon tumoral orne ma belle dame sombre et couvre ses 16-bit d'un 32X orgueilleux. Je ne comprends pas ce qui se passe mais il est déjà trop tard. C'est un tourbillon de formes et de couleurs. Mes repères disparaissent, mes certitudes aussi. Le sol semble se dérober sous mes talons et le néant me prend tout entier.



Puis vint l'espace. Infini. Une sarabande continue d'étoiles en mouvement. On me parle. C'est une histoire.
Ce récit à quelque chose d'irréel. M'est-il narré ou suis-je en train de l'inventer ? Cette bière Leader Price n'était peut-être pas une bonne idée. Ils sont 8, dérivant dans l'éternité d'un cosmos où ils ne sont rien. La navette a une avarie. Il y a eu un rébellion, des échanges violents, de la destruction de matériel d'Etat, des couloirs inondés de sang. Ils se sont libérés de leurs chaines, rompu les barreaux de leur geôle et supprimé leurs gardiens. Mais la liberté n'est pas encore leur. Les jours sont comptés et la tension à bord est sur le point de dépasser les limites du supportable. Un autre navire croise leur sillage, ils ont des capsules de sauvetage. Mais cette échappatoire est un luxe et tous ne pourront pas se l'offrir. Il faudra triompher par le sang et les cris.



Par les saintes chausses de Philippe le Bel, quelle est cette abomination ? J'ai en face de moi une troupe d'ignobles saltimbanques, des rescapés d'un chapiteau de Barnum d'une autre dimension. La folie aurait-elle déjà rongé mes sens ? Ou bien est-ce vraiment une putain de sauterelle mutante qui gigote sous mes yeux ? Et à ses cotés, ma rétine se joue-t-elle de moi ou ondule bel et bien un cobra imaginé par un cinéaste japonais fou ? Je ne peux me résoudre à croire ce qui est présenté à ma vision. Auquel cas je devrais admettre l'existence d'un jeu dans lequel un ourang-outang cybernétique côtoie sans honte un... un... j... je ne sais pas, ce truc ne ressemble à rien. Et là, qu'est-ce ? Un ninja ? Vous vous foutez de ma gueule ? C'est une foutue mangouste fluo oui. Seigneur, tout ceci n'est qu'une monstrueuse parade, Tod Browning qui aurait rencontré Andy Wahrol dans la constellation du mouflon. Et c'était open-bar.



Ces choses comptent sur moi. Je dois les guider pour les amener à la victoire. Le tunnel qui mène à la salvation est long et sombre. Dans ce cas précis c'est plutôt le trou du cul du Diable. Qui aurait mangé mexicain. Je suis maitre de leurs mouvements et pourtant ces sinistres créatures bariolées ne semblent pas m'obéir. Qui est la marionnette ? Qui contrôle qui ? Putain mais tu vas décocher un coup de pied sauté bestiole de merde ? Ce n'est pas possible. C'est comme si le temps et l'espace s'étaient altérés, au point de devenir une grosse barrique de mélasse dans laquelle pataugeraient de grotesques grenouilles obèses. Ma pathétique créature gigotera plus alertement si je lui change ses pièces d'armure. Ha non, visiblement cela la fait juste passer d'un accoutrement de carioca de Rio sous acides à celui d'un Gilles de Binche daltonien.



Mon souffle est court, ma gorge est sèche, mes yeux me piquent. J'ai même l'impression que ma cornée fond. Ma vision semble d'ailleurs me jouer des tours. Je vois un maelstrom de couleurs criardes et de pixels incontrolables. C'est horrible. Je ne sais pas ce qui se passe. La manette de jeu m'injecte du LSD ou quoi ? Ce ne peut qu'être une illusion, aucun graphiste sensé n'aurait pu créer un tel tableau criard. Ce ne sont pas tant des graphismes que du Gloubiboulga de Casimir technoïde. J'ai l'impression que les pixels peuvent venir me gratter le nez, je peux presque sentir leur odeur, si tant est qu'ils en aient. Ce ne sont plus des sprites mais des tableaux de Piet Mondrian en pleine crise de Delirium Tremens. Dire qu'après les photos de lingeries de Jeanne Moreau je pensais avoir tout vu.



J'ai un genou à terre. Ils sont prêts à en finir. Je dois fuir avant qu'il ne soit trop tard. Mais voilà que viennent les sons. J'ai envie de hurler mais ces gémissements stridents couvrent ma voix. C'est une abomination. On dirait des cris d'enfants incestueux qu'on torture. Le cri de Béhémoth qui aurait coincé ces testicules dans les portes de l'Enfer. Impossible que ces musiques aient été composées par un individu sain. Elles me rappellent plutôt un chat coincé dans un climatiseur. Je voudrais tendre le bras pour couper le son mais il est paralysé par la peur. Dieu sait de quoi ils peuvent être capables. Il va falloir que je tienne bon. Je ne sais pas si je vais résister longtemps. Mon esprit vacille, le néant me gagne, je...



Edifiants souvenirs. Ce n'est que maintenant que je me rends compte de mon irresponsabilité. Je n'aurais jamais du prendre ces notes et encore moins les relire. D'abominables images dansant la sarabande du Démon virevoltent devant moi. J'ai réouvert la Boite de Pandore moderne. Et elle reflue méchamment les cabinets de festival de rock. Que tous les dieux du Wahlala maudisse ceux qui ont pactisé avec le Malin pour engendrer ce fléau. Maudits, soyez tous maudits. Que la dixième génération de votre descendance soit marquée au fer rouge du sceau de l'infamie.



Cosmic Carnage n'est pas un jeu. C'est une sinistre farce, un éclair de démence de programmeurs que la raison a depuis longtemps quitté, un odieux bubon agressant les sens, la sentence d'un Dieu en colère. Il volera votre vie et dévorera votre âme. Cosmic Carnage n'existe pas. Ce test non plus. Vous n'auriez d'ailleurs jamais du lire cet article. Fuyez, fuyez tant que votre esprit n'a pas sombré dans les tréfonds d'une folie noire. Cognez-vous le crâne avec le dernier Bernard Werber jusqu'à ce que vous ayez oublié les quelques paragraphes que vous venez de lire. Tout ceci ne doit pas laisser la moindre trace.

Quant à moi, il est déjà trop tard. Trop de choses ont été vues et qui ne peuvent être oubliées. A l'heure où vous lisez ces derniers mots, j'aurais brûlé les notes que je n'aurais jamais du coucher sur le papier, condamné les portes de ma maison en espérant que la démence qui s'insinue dans mon esprit n'affectera pas les autres. Mais seul, je ne suis qu'un faible rempart devant le Mal.

Le point de vue de César Ramos :
Peu importe le prix, vous ne VOULEZ PAS acheter ce jeu.