1993. La guerre fait rage entre Nintendo et Sega. De nombreux soldats de chaque camp ont déjà laissé leur vie, ou du moins quelques dents de lait, sur les champs de batailles impitoyables des cours de récré. La bataille est en faveur de ces ordures d'adorateurs de plombier à moustaches, parce que bon, Zelda c'est encore plus fort que toi que Sega. Mais les choses sont sur le point de changer. Ouais.
J'ai envisagé assez sérieusement d'arrêter le test ici et de laisser la galerie de screenshots pour que tout le monde comprenne de soi même à quel point les gens de chez Climax Entertainment sont des génies. En plus je ne vous cache pas que ça m'aurait épargné un paquet de paragraphes supplémentaires. Et puis je me suis dit que non, franchement, c'était pas cool de ma part. Vous méritez mieux, vous méritez plus. Ça tombe très bien, Landstalker est de ce genre de jeu. Plus et mieux, mais en encore plus et en encore mieux. Rien que ça.
On commence avec le début de l'histoire, l'intrigue, le « pitch » comme aiment à dire les gens qui parlent de cinéma à la télé. (Ce qui est une honte, tout le monde sait que les Pitch sont des brioches fourrées produites par Pasquier. Rien à voir avec un scénario, en somme.) Vous incarnez Ryle, (ou Nigel, le jeu et le manuel semblent être, de manière assez troublante, en désaccord.) un elfe venant du royaume forestier de Maple, et votre kif dans la laïfe, c'est de chasser les trésors. Non pas avec un hélicoptère façon Sarah Palin, mais avec vos petits bras fluets (si si) et votre détermination. D'ailleurs la scène d'intro du jeu vous met direct dans le bain, puisqu'on y voit notre tomb raider à oreilles pointues s'emparer d'un artefact qu'une boîte de dialogue nous désigne comme la Statue de Jypta. Mais là n'est pas l'important. Rentré en ville, Ryle vend l'objet pour une somme qui, on l'apprendra plus tard, est assez coquette, avant qu'une grosse bestiole ailée lui rentre dedans. Cette bestiole, c'est Friday. Non, pas un compagnon caché de Robinson Crusoë; mais une sorte de petit succube volant. Enfin pas une fée, quoi.
Il se trouve que la donzelle a des ennuis. Elle est poursuivie par trois malfrats dont la chef est une certaine Kayla, qui s'habille en violet et qui manie le fouet. Ces deux éléments n'ont pas le moindre intérêt, il était donc important que je les signale. Pour que vous sachiez qu'ils n'ont pas d'intérêt. Vous voyez ? Vous voyez pas. C'est pas grave. Comme Ryle est une bonne pâte et que les sbires de Kayla sont très laids, il décide d'aider la petite Friday à leur échapper en se cachant astucieusement dans des sapins. (Oui même moi j'ai un peu de mal à saisir la logique des évènements que je décris, mais c'est sûrement parce que je raconte mal...) Pour le remercier, elle lui lèche les... Euh... lui révèle qu'elle connaît l'emplacement des trésors cachés du Roi Nole, et que c'est genre vraiment un sacré paquet de pognon, Vous embarquez donc tous les deux pour une mystérieuse île en quête du trésor caché d'un ancien roi maudit, et là vous vous dites « eh mais le monde est pas en danger alors ? »
Et c'est un peu ce qui fait le charme de cet action-RPG (pour parler en termes modernes. Je sais c'est pas la peine vu qu'on est sur un site Internet oldies, mais, comme vous l'aurez remarqué à l'énonciation de cet argument, nous sommes sur Internet, qui n'est pas quelque chose d'ultra oldies, surtout en ces temps de Facebook-2,0-Tecktonik-Skyblog. L'argument sus-cité est donc invalide.) : vous n'incarnez pas un gamin qui se découvre sauveur du monde libre sur un malentendu la veille de ses douze ans. Vous êtes un vieux de la vieille, un mercenaire, un dur à cuire qui survit deux ans dans le désert en mangeant uniquement du sable, et encore, les jours de fête. Vous roulez pour votre gueule et sur console, en 1993, ça n'arrivait pas souvent. Surtout chez la concurrence, haha, ils en étaient encore à « Sorry Mario, but our Princess is in another castle ! » Les pauvres, c'est presque mignon. Note pour les fâcheux qui se sentiraient insultés : vous pouvez venir vous plaindre, mais vous n'aurez qu'un tapotement paternaliste du dessus de votre crâne pour toute réponse. D'autant plus que Landstalker ne se contente pas d'être basé sur un scénario moins bâteau qu'à l'accoutumée et toujours mâtiné d'un humour discret mais de bon goût dans une ambiance plus dark qu'elle ne paraît de prime abord, il prend aussi un pari esthétique audacieux.
Le boîtier du jeu nous parle d'une mode d'affichage mystérieux, le DDS520 (Diamondshaped Dimension System, 520 ayant un rapport avec le nombre de plans affichables), Là on se dit « wouah mais c'est trop la folie dis-donc ! C'est, c'est... C'est quoi exactement ? » En fait c'est un nom plutôt compliqué pour dire le jeu est en 3D isométrique. Et là, en général, c'est le drame. Parce que, ami lecteur, il faut que tu le saches, la 3D isométrique et les jeux vidéo n'ont jamais vraiment fait bon ménage, notamment parce qu'on doit se déplacer en biais que que la croix directionnelle d'une manette standard est... Comment dire... à 45° de sa position optimale. Les essais qui avaient été lancés sur le marché jusqu'ici s'étaient tous écrasés tels des morves sur un mouchoir (amis de la poésie et du bon goût, bonsoir.) et il n'y avait que peu de chances que Landstalker y échappe. La loi des séries, tout ça...
Pour les deux du fond qui ne suivent pas, on va reprendre depuis le début. La 3D isométrique c'est un peu pénible parce que malgré la possibilité de faire apparaître des altitudes et donc d'évoluer dans trois dimensions de l'espace malgré un affichage en deux dimensions, la perspective y est gérée de manière assez... Inexistante, et une plate forme qui semble proche de vous et à la même hauteur peut parfaitement être, en fait, à une hauteur complètement différente et très décalée latéralement. Ce qui entraîne ce que les spécialistes appellent « un saut dans le vide. » Et c'est un facteur de frustration qui suit une loi non pas exponentielle, mais carrément factorielle, avec le nombre d'erreurs d'appréhension de l'environnement spatial. Et c'est pile là que Landstalker est grand : il fait de ce défaut intrinsèque un moteur du gameplay, en proposant notamment des petites phase de plate forme à base d'illusions de perspective, et surtout en ne rendant jamais une chute mortelle en soi. Tomber vous forcera à vous retaper tout un chemin, certes, mais vos points de vie seront a priori intacts.(oui bon si vous vous faites latter les gonades par les ennemis qui auront réapparu entre-temps vous risquez effectivement de mourir, mais tomber pour tomber ne provoque aucun dégât.) Bon je ne vous cache pas qu'après quelques sauts loupés le risque de voir rouge et de tout envoyer voler dans la pièce redevient élevé, mais vous n'êtes pas mort ! Vous êtes juste nul. Si, franchement. En plus de tout ça, la moitié des trucs intéressants du jeu sont planqués dans des recoins invisibles à l'œil, mais où vous pouvez vous promener à l'aveugle grâce au miracle du DDS520. Elle est pas belle la vie ?
Le reste du gameplay est d'une grande simplicité, manette standard de Megadrive à trois boutons oblige. On a un bouton d'action (parler ou donner un coup d'épée ou soulever un objet ou poser un objet ou jeter un objet si on est en train de sauter.) et un bouton de saut. Et le troisième bouton on s'en fout, on appuie jamais dessus une fois qu'on a compris que rebelotte, c'est le bouton d'action. On se dit qu'on ira pas loin dans ces conditions, mais en appuyant sur Start (quelle idée, franchement !) on découvre, joie, un inventaire en deux parties. L'une est réservée aux objets consommables (clés, soins, EkeEke, objets de combat) et l'autre à l'équipement. Equipement plutôt garni puisque mine de rien composé d'une épée, d'un plastron, de bottes et d'une bague. Oui, Ryle est un dur, mais il est aussi coquet. Ce qui est complètement cool (oui toi aussi parle le faux-jeune des années 90 et dansons ensemble sur du Coronna et du Reel 2 Real !) c'est qu'au fil du jeu on trouve de nouvelles épées et de nouveaux plastrons, et que ça change l'apparence du sprite de Ryle. Alors je sais, je sais, je SAIS, dans A Link to the Past c'est pareil, mais je vous merde, je vous cule et après je fais pareil avec vos mères. Deux fois. (et bien sûr, merde à la censure, mais je crois qu'elle avait compris. Hein ma grande ?)
Le plus perspicaces d'entre vous n'auront pas été sans remarquer que j'ai parlé des EkeEke, et que j'ai omis de les définir. Un peu comme un mauvais prof de maths. L'EkeEke est une plante à baies locale que Friday peut utiliser pour lancer un sort de soin qui vous rend la moitié de vos points de vie, et ce même quand vous mourez, par exemple en vous faisant harceler par des monstres super méchants au cours de votre douzième remontée du donjon parce que vous tombez toujours au même endroit dans le vide. (Parce que vous êtes nul, vous vous rappelez ?) En fait, ces baies sont si importante que l'interface des phases de jeu inclut un compteur d'EkeEke (vous voyez le nombre entre 0 et 9 à côté de l'espèce de sac ? Ben c'est ça.)
Puisqu'on parle de mourir à cause de méchants monstres, parlons baston. Elles sont en temps réel et peuvent impliquer un nombre très élevé d'ennemis en même temps si la zone est grande, bien garnie et que vous allez tous les embêter sans les tuer. Pour faire disparaître un méchant y'a pas trente-six manières, faut cogner. Dur. Certains sont étonnamment résistants au début du jeu, mais un système original d'expérience caché simplifie les combats ultérieurs contre ces monstres-là. En gros, plus vous avez de points de vie (obtenus en trouvant dans des coffres la plupart du temps bien cachés ou bien gardés ou en achetant des réserves de vie parsemés un peu partout dans le jeu) plus vous cognez dur. Vous commencez avec 4 malheureux points de vie mais ça grimpe vite. Et quand on voit que les derniers ennemis du jeu ne meurent qu'en quatre ou cinq coups d'épée, on flippe en imaginant ce qu'il aurait fallu leur mettre quand on était jeune et fou. Ou alors vous n'êtes pas sensibles à ça et vous vous en tapez, mais ce serait vraiment naze de votre part. (déjà que vous êtes nuls et que vous vous tapez tous les précipices...) A chaque fois que vous tuez un monstre, il laisse soit des pièces d'or soit, plus rarement, un objet de soin. Donc pour devenir riche, si vous avez du temps à perdre, vu que les ennemis réapparaissent dans une zone quand vous la quittez, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Une fois riche vous pourrez aller acheter des trucs super fun chez les divers marchands qui traînent dans les villes que vous visiterez, comme des EkeEke, par exemple. Si.
Les villes sont en général assez bien peuplées pour un RPG et au fur et à mesure que le scénario avance les gens auront à un rythme très régulier de nouvelles choses à vous dire, ce qui est un vrai bonheur et contribue très fortement à l'immersion dans le jeu. Surtout que certaines de ces répliques exploitent de véritables running-gags qui, bien que modérément drôle en eux-même, sont plaisant à voir.
Plaisant à voir, ça définit d'ailleurs plutôt bien l'ambiance graphique générale du soft. Sans casser trois pattes à un canard, l'univers est coloré et choupi quand il le faut, plus sombre dans les donjons et autres cavernes, et l'animation de Ryle est vraiment très poussée. Ce n'est pas vraiment le cas pour tous les autres sprites que vous rencontrerez, mais ils bougent tous pas trop mal. En fait ce qui est le plus drôle à observer, c'est le recyclage astucieux dont se servent les développeurs pour booster la diversité des environnements. Par exemple, il y a une essence TRES largement dominante dans les forêts de cette île, ce sont les sapins. A quelques exceptions très particulières près, il n'y a que des sapins dans Landstalker. Partout, tout le temps. Mais il n'ont pas toujours exactement la même couleur ! Les ennemis, c'est un peu pareil. Pour souligner à quel point un monstre d'un type donné est fort, il existe en quatre couleurs différentes. Attention, je parle de recyclage mais ça ne veut pas dire qu'il y a peu de types d'ennemis différents. Bien au contraire, la faune locale est très étendue et vous aurez l'occasion de mourir de la main de nombreuses créatures très différentes. C'est juste qu'à la toute fin du jeu vous reverrez certaines. Avec des couleurs kitsch. Et vous comprendrez que oui, vous devez avoir peur. D'un truc mauve. Parce que la dernière fois que vous en aviez vus ils étaient jaunes. Terrifiant, n'est-ce pas ? Cela dit, les graphismes ne sont pas la preuve la plus marquante du fait que Landstalker est un jeu qui aime abuser du recyclage technique pour se concentrer sur le déroulement du jeu en lui-même. Préparez vous pour la partie « mythes en tous genres » de ce test.
Ceux qui savent voient où je veux en venir. Les autres aussi, parce que c'est le seul truc dont je n'ai pas encore parlé, mais ils sont loin d'imaginer ce que je m'apprête à leur exposer. Attention, certains d'entre vous risquent de voir leur enfance voler en éclats.
Nous allons parler... Des musiques et sons de Landstalker.
En fait, pour être précis, il faudrait dire « de LA musique et des sons de Landstalker. » Et c'est ça qui fait toute la beauté du jeu. Il y a un thème principal. Répété en boucle. Tout le temps. Seulement, selon les zones, l'arrangement musical et les instrumentations varient. Mais c'est toujours la même foutue musique ! Elle variera en quelques occasions, évidemment, mais 90% des zones du jeu sont accompagnées de la même série de notes. Et ça, il fallait franchement oser le faire à cette époque. Mais ce n'est même pas ça le plus mythique. Non, ce qui fait de Landstalker un jeu complètement fou, complètement dingue, et complètement recyclé, c'est le bruit que fait Ryle quand il saute. Parce que voyez-vous, mes amis, quand Ryle saute, il le fait en émettant un son bien particulier. Il saute comme Sonic le Hérisson. Pile poil. Y'a pas à dire, quand ils s'y mettent, Sega c'est vraiment plus fort que toi !
J'aurais encore eu des tonnes de choses à vous dire par exemple sur la censure qu'a subie le jeu au cours de son adaptation pour le marché européen et qui rend parfois la traduction (en français, la classe !) relativement approximative, j'aurais pu parler de l'histoire plus en détails, des objets et de leur utilité, des techniques de combat que vous pouvez vous amuser à développer pour gagner à coup sûr sans vous faire mal, des trucs complètement stupides que vous devez faire genre vous déguiser pour infiltrer un bordel ou jouer au casino, mais ce n'est qu'un test, mes enfants, pas un dossier complet sur un site spécialisé en action-RPG de la grande époque, et puis cette phrase commence à être super méga longue, donc je vais l'arrêter, bientôt. Voilà. Je sais, ça vous déchire le coeur, et à moi aussi, d'ailleurs, mais soyez forts, et pensez à moi quand vous jouerez à ce grand et beau jeu, un véritable pilier de la ludothèque Megadrive.
En attendant de prochaines aventures, puissent vos sens de chasseur de trésor éclairer votre route vers de nouveaux trésors. Oui j'aime les phrases bien clichés à la fin des articles en général, je me sens comme un présentateur télé ringard quand je le fais, c'est trop bien.