Demandez à un joueur oldie de vous citer un jeu de block puzzle de la grande époque et il y a de fortes chances que la réponse soit Tetris ou Columns en fonction du clan qu’il avait choisi dans la cour de récré. Demandez-lui un deuxième puis un troisième nom et les réponses vont commencer à être plus variées. Si on prend les chiffres des ventes comme référence, Dr. Mario devrait figurer en bonne position dans la liste.
Revenons donc à cette belle époque où il était plus judicieux pour Nintendo de coller une blouse blanche à sa mascotte favorite plutôt que d’associer un docteur connu, par exemple un certain Ryuta Kawashima, à sa nouvelle production. Si le marketing ambiant était alors moins nauséabond qu’aujourd’hui, il est bien évident que mettre Mario sur la boîte d’un jeu allait largement contribuer à en booster les ventes, même si le concept dudit jeu n’a absolument rien à voir avec l’univers de Mario tel que nous le connaissions à l’époque.
Pour justifier la chose, la notice nous donne un semblant de scénario. Mario serait chercheur dans un laboratoire de virologie du Royaume des champignons lorsque Peach lui apprend qu’une expérience a mal tourné et que des virus se multiplient dans les flacons. Je suis déjà perdu… On parle de virus ou de champignons du coup ? Peu importe, elle doit pas vouloir lui avouer que sa chiasse garburienne d’il y a deux jours l’a forcée à faire ses besoins au labo avec les moyens du bord faute de temps pour atteindre les chiottes du service. Comme par hasard, Mario a de jolies pilules colorées qui permettent d’éliminer les virus. Tiens donc…
Retrogameurs, retrogameuses, n’en croyez rien. On ne nous dit pas tout. On nous ment, on nous spolie. Moi ce que j’en dis, c’est qu’en 1990, ça fait déjà 5 ans que nos deux tourtereaux se font des papouilles quand Bowser les laisse tranquille. Et ils se sont pas privés pour faire leurs cochonneries dans toutes les pièces des châteaux où ils sont passés. Même le box 4 y a eu droit, c’est dire. Ils y ont été vus, et plus d’une fois. Alors à un moment donné, pour redonner un peu de piment à tout ça, la tentation fut grande de passer au délire blouse blanche et petite tenue d’infirmière. Non franchement, ces virus ne sont qu’un prétexte imaginaire. Derrière cette histoire se cachent des fantasmes sexuels inavouables dont les Japonais sont si friands. « Oh Mario, vient mettre ta grosse pilule dans mon petit flacon, son goulot est si étroit… » Ah ça, on est plus dans le même registre du coup.
Mais peu importe, Mario est donc devenu fournisseur de pilules. A cette époque on parlait pas trop de dealer pour les drogues chimiques, il a été baptisé docteur. Du coup il n’a pas à se cacher pour fournir ses doses à intervalles réguliers. Et hop, vas-y que j’te balance une petite pilule… Et une autre… Et encore une… Ces pilules sont jaunes, bleues ou rouges (2 moitiés de la même couleur en fait), ou encore bicolores. Comme les Malabars bi-goûts, les pilules bicolores ont deux moitiés d’une couleur différente. On en fait quoi de ces pilules qui tombent depuis le goulot du flacon ? On les fait pivoter d’un quart de cercle dans le sens des aiguilles d’une montre (bouton A) ou dans le sens inverse (bouton B) et on fait en sorte d’aligner horizontalement ou verticalement 4 blocs (ou plus) de la même couleur pour les faire disparaître, le but étant d’inclure des virus (également jaunes, bleus et rouges) dans ces 4 blocs. Une fois tous les virus éliminés du flacon, on passe au niveau suivant. Simple mais diablement efficace. Si Dealer Mario a fourni plus de pilules que ce que le joueur était capable d’éliminer, c’est l’overdose quand le flacon est plein.
Le jeu a des « levels » et on passe au niveau suivant quand les virus ont disparu. Pas besoin de recommencer au début à chaque fois, on peut choisir son level de 0 à 20, ainsi que la vitesse à laquelle les pilules tombent (lente, normale, rapide). Ca fait tout de même 63 possibilités. On commence avec 4 virus à éliminer au level 0, et on termine avec un flacon presque à ras la gueule avec 84 virus au level 20 puisque le jeu rajoute 4 virus de plus à chaque level.
Il y a aussi un mode 2 joueurs où le premier à éliminer tous ses virus gagne. Ou alors celui qui voit son flacon déborder perd, c’est selon. Trois victoires et c’est gagné, on remet les compteurs à zéro. Chaque joueur peut choisir un level de départ et la vitesse de chute des pilules, on peut donc mettre du handicap pour équilibrer les débats.
Simple et efficace dans son concept mais aussi pour tout le reste. Quasiment aucune animation à part les pilules qui pivotent et les virus qui se trémoussent, un décor de fond qui change juste de couleur en fonction de la vitesse sélectionnée, et seulement 2 musiques, excellentes au demeurant, au menu des réjouissances. Sur le papier, Gunpei Yokoi (paix à son âme) et son équipe se sont pas foulés. Et alors ? Est-ce que ça empêche d’en faire un bon jeu ? Pas le moins du monde. Il mérite d’être (re)découvert encore aujourd’hui.
Dr. Mario correspond à son époque. Pas de fioritures, l’essentiel et rien d’autre. La force du oldisme est avec lui.