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Jurassic Park
Ocean - 1993
J'ai testé sans compter par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Une fois n'est pas coutume, je vais commencer cet article en parlant de moi. Car [Nes Pas ?] c'est un peu notre psychanaliste de garde à tous, notre thérapie par apposition du pixel. Grignoté par le mal, j'en fais donc une fois de plus appel à ma panacée des internets. Il le faut. Même si ce n'est pas remboursé par ma mutuelle. Vous comprendrez pourquoi j'ai décidé de passer ce jeu par la moulinette de la critique . Bon certes, c'est avant tout parce que je l'ai trouvé à vil prix dans un ignoble dépôt vente ressemblant au grenier du IXème Cercle des Enfers mais pas seulement. Oui, aussi parce que j'ai une fois de plus envie de me faire mousser auprès de mes petits camarades. Mais il y a une autre raison, bien plus intime celle-là. Limite freudienne, tiens. Soyez sans crainte, je ne vais pas vous parler de mes envies contre-nature concernant ma cousine. Il s'agit plutôt d'une terreur enfantine, devenue un cauchemar récurent de mes nuits moites, intercalé entre une classique aventure chez le boulanger en ayant oublié mes sous-vêtements et un songe érotique avec Elise Lucet.




La cause de cet émoi ? Un putain de dinosaure. Voilà ce que c'est, ni plus ni moins : un putain de lézard doté de plus de crocs que la raison ou la main de Dieu n'en donnerait à une entité biologique. Une machinerie organique dont la capacité à tuer passe avant celle à survivre. Oui, vous l'avez reconnu. Celui qui vous a fait frémir dans votre bermuda d'enfant. Le monstre dont le corps est composé à 50% par sa tête. Le mangeur d'avocat sur chiottes. L'abomination qui renvoie le Kraken et le dragon de Siegfried à de joyeux lurons du carnaval de Dunkerque. J'ose à peine laisser passer son nom au travers de mes lèvres : le Tyrannosaurus Rex. Voilà, le nom est lâché. Ou la putain-de-saloperie-de-bestiole-à-écailles-de-merde comme je l'ai longtemps surnommée au plus profond des ténèbres de mes nuits sans sommeil. Depuis lors, c'est course à la viande au pays des songes. Avec votre serviteur dans le rôle de la friandise sur pattes. Il veut faire du kebab avec mes fesses, de la terrine avec le reste. Jusqu'à aujourd'hui encore, il revient de temps à autre me passer le bonjour, de son sourire plein de couteaux à désosser. Partons en chasse. Je ne saurais tolérer plus longtemps une domination de la part d'un machin même pas foutu de résister à une pluie de météores.





Jurassic Park, on connait, vous connaissez, ils connaissent. Carton à l'échelle mondiale, coup de pied avec un élan considérable dans le fion de l'industrie du cinéma, dinomania à tous les étages, procès de Maurice Papon. Le scénario catastrophe parfait, celui du parc d'attraction où Donald pète une durite et boulote le petit Benjamin et ses parents. Adaptation dans la foulée sur tout ce qu'on peut trouver comme support vidéoludique, emballez c'est pesé. Focus ici sur la version NES sortie à une époque où la console avait déjà un pied et pas mal d'orteils du second dans la tombe.





Le joujou à l'échelle d'une ile d'un vieux milliardaire à moitié gâteux est en train de partir en brioche et c'est à vous que l'on fait appel pour corriger tout ce merdier. Vous c'est le professeur Alan Grant, le paléontologue que le monde s'arrache. Du moins le monde de la paléontologie. Et ici, notre Pr. Alan Grant crame une durite et passe de l'autre coté de la clôture en allant buter du lézard. On notera donc que l'on dirige un paléontologue qui pulvérise des dinosaures au bazooka. Probablement la résultante d'années à se saccager les lombaires en époussetant de misérables fragments d'os sous l'aride soleil des gorges du Colorado. Il devait bien craquer un jour ou l'autre. Désormais, il prend les devants et crée lui-même les fragments.





Balade champêtre et dégommage de saurien sont les deux mamelles du jeu. Votre mission se résume grosso modo à traverser l'ile pour rendre à nouveau opérationnel le système de sécurité et alerter le monde entier que des gueules sur pattes se baladent en liberté et croque du généticien à tout va. On fait le malin à folâtrer innocemment dans ce grand jardin tropical mais assez rapidement, on sue des cochonnets en guettant le moindre frémissement de buisson, craignant une vague de crocs et de griffes. Il y a un peu de Chaos Engine dans ce jeu. Ce qui m'amène à cet excellent concept : les dinosaures explosifs. Oui, quand on les dézingue, ils quittent l'arbre de la vie dans un fracas de bruit et de fumée. Je trouve ça génial tant cela tutoie l'abscons. Ils sirotent du mazout ou quoi ?





Parce que dans ce jeu, c'est l'ensemble du monde du vivant qui vous est hostile. Tenez, prenez le vélociraptor : ha la sinistre créature, ha le fieffé animal. Ha le putain de lézard à la con. Sa sournoiserie n'a d'équivalence que sa capacité à faire du carpaccio de n'importe porte qu'elle créature vivante. J'en profite pour lâcher ce que j'ai trop longtemps gardé en moi : ces machins m'ont toujours évoqué une professeur de français au collège. Mme Bonnefont, si vous me lisez, c'est qu'au moins vous n'êtes pas en train de martyriser des élèves qui ont suffisamment de soucis avec leur acné galopante.





Le leitmotiv du jeu : chercher des oeufs. Oui, présenté comme ça, on a du mal à sentir le souffle chaud de l'aventure nous caresser le cou. C'est un schéma commun à tous les niveaux : une certaine quantité d'œufs d'une bestiole quelconque (je dirais pour ma part un Conarausore pour laisser trainer ses ovules un peu partout comme ça) est disséminée sur votre parcours. Les collecter fera de vous l'heureux possesseur d'une carte d'accès permettant d'entrer dans les bâtiments. Je ne sais pas trop : un fan de piperade, un programmateur né d'une fécondation in vitro, un sombre symbolisme crypto-païen. Des œufs qui donnent des cartes d'accès. Soit. Une sorte de Kinder Surprise nano-technologique nous dirons. Cette quête est d'ailleurs l'axe principal : on récolte des œufs, la carte ouvre une nouvelle zone, dans laquelle se trouvent des œufs, GOTO 10. Le jeu tente toutefois de rompre la linéarité lors de certains passages. Comme celui où vous devrez récupérer des bombes pour allez faire sauter des cavernes ou cet autre dans lequel vous aurez à activer des terminaux informatiques dans un ordre précis. Voire un poil artificiel mais pas déplaisant. Ce qui n'est pas le cas d'une abominable séquence (absente du film mais présente dans le livre, cocasse) : la séquence du canot pneumatique dont la jouabilité est à deux doigts du procès en malfaçon.





Et dès le deuxième niveau j'affronte ma nemesis : putain de saloperie à dents, je vais te bourrer raz-la-gueule de boulettes calibre 12. Je vais rétablir l'ordre biologique des choses, tu vas voir. Tu as disparu de la chaine alimentaire depuis 65 millions d'années et mon espèce a inventé l'horloge pointeuse, la littérature et les congés payés. C'est l'heure de ma psychanalyse à base de plomb fondu. Ce petit passage catharsique me permet d'attirer votre attention sur une des pires inventions de l'histoire du jeu vidéo, au coude à coude avec la Jaguar : le joueur à protéger contrôlé par l'ordinateur. Une source de prescription de Xanax à lui tout seul. Le gag ici est que vous devez non seulement protéger votre croupion mais également ce quart de gourde d'Alex qui, ô riante subtilité, ne vous suit pas directement mais de façon aléatoire (et revenir) offrant ainsi des brouettes d'occasions de garnir le gosier de la charmante créature sus-nommée. Foutreburne.





Pour ce qui est des mirettes, force est d'avouer que c'est un peu le choc thermique. Si les petits génies d'ILM nous avaient perforé le fondement en 1993 avec leurs créatures saisissantes de réalisme, leur transposition en pixel 8-bits passe un peu comme une tranche de quatre quart breton un peu trop épaisse. Pas de quoi tomber en disgrâce mais pour un jeu d'une console jouant son champ du cygne (10 ans au compteur tout de même), ça reste assez frugal. Oh les personnages et créatures sont fins, les décors de bonne facture, pour ça oui. Mais la palette des couleurs reste... discutable. Une colorimétrie lorgnant plus du coté des séries policières allemandes des années 80 que du florilège pastel. D'autant que le renouvellement des niveaux se limite au minimum légal et de manière général au diptyque clôture/jungle. Pour un enfant qui claque 400 francs nouveaux dans un jeu à une époque où la Super Nintendo pulvérise déjà tout ce qui bouge, c'est un peu léger.





Dans la même lancée, il y aurait de quoi faire fonctionner le bureau des réclamations si un troupeau de dimétrodons ne s'en étaient pas servi de bac à litière ("c'est vraiment un gros tas d'merde"). Les bestioles justement. Visiblement, la 5ème extinction des espèces a de nouveau débarqué puisque le catalogue proposé est plutôt maigre : des mini-dino (""), des vélociraptors sa mère, des dilophosorus, le troupeau des tricératops, la putain de sa race d'immonde T-Rex et basta. Pas sûr que le vieil Hammond ait dépensé sans compter finalement. Et cette austérité danse le quadrille avec la linéarité de l'ensemble où vous aurez peu ou prou à faire la même chose du début à la fin.





Mais soulignons du pinceau de la colère la principale incohérence de ce titre : les boites bonus. Ces dernières sont essaimées tout on long des niveaux. Mais la subtilité, ou plutôt la coquine saloperie comme je préfère dire, c'est qu'elles sont toutes des boites surprises. Toutes. Pas la moindre possibilité de savoir ce qu'elle cachent. Résultat : alors que vous ruisselez de sang et que les buissons regorgent de raptors n'attendant que votre passage pour faire un tajine de vos miches, vous vous ruez sur une boite dans l'espoir de panser vos blessures. Boum, elle vous pète à la gueule sans autre forme de procès. La seule solution est de mémoriser l'emplacement de toutes les boites saines. Sauf que lorsqu'on a des saloperies du crétacé aux trousses, on a autre chose à foutre. Not glop.





En contrepoint, je reconnais avoir un petit faible pour les musiques : elles ne sont pas sans rappeler les sonorités Amiga, toutes proportions gardées. Vous savez, de celles qui accompagnaient les démos hypnotiques diffusées en générique de fin de Micro Kids (Jean-Michel Blotière, pourquoi nous as-tu abandonnés ?) au travers desquelles de jeunes apprentis sorciers faisaient tourbillonner un cube sur fond de spyrographe épileptique. Quoiqu'il en soit, elles détonnent un tant soit peu avec les sons chauds que l'on peut entendre habituellement sur la petite machine grise. Ce qui est loin d'être à leur désavantage, tant ces sons confèrent un petit charme suranné à l'ensemble.





Au passage, je vous exhorte à lire le roman dont est tiré le film dont est tiré le jeu dont est tirée cette critique (cet effet de style est une mise en abime, alias "l'effet Vache qui Rit"). Un foisonnant pavé rempli raz la gueule de petits caractères d'imprimerie et d'idées passionnantes, au-delà du génial spectacle de montagnes russes offert par tonton Spielberg. Allez, allez, courrez à votre bibliothèque de quartier, ça vous changera des assommantes lignes du tutoriel du dernier Assassin's Creed.





Jurassic Park sur NES s'essaiera comme une curiosité, un peu comme la culotte gainante de la cousine Berthe. Pas très sexy de prime abord mais intéressant à découvrir. C'est le vestige d'un temps où une licence n'était pas une copie conforme de l'oeuvre originale, quelle soit bonne ou mauvaise in fine. Après, préférerez peut-être visiter Disneyland et tripoter Tic & Tac, cela s'avèrera nettement moins risqué.

Le point de vue de César Ramos :
Plus facile à débusquer qu'un squelette de plésiausore, au prix d'un ticket de RER.