Dans la douce période d’insouciance et de naïveté qu’est l’enfance, on a souvent une vision assez spéciale de la préhistoire, pour ne pas dire complètement débile et erronée. Le plus souvent, le nom scientifique de cette très lointaine période est le Jurassique. Dinosaures en tout genre y côtoient mammouths et insectes de dix mètres de hauteur. N’oublions pas, bien entendu, les hommes préhistoriques qui sont vêtus de peaux de bêtes, chassent le dinosaure à coup de massue, font des bandes dessinées sur les murs et s’expriment uniquement à l’aide de l’onomatopée « GLOUK ! ». Parfois même ils se mettent le kiki dans le cul-cul, mais ça c’était dans les bandes dessinées que tonton Louis m’avait offertes pour mes 8 ans. Personnellement, j’aurais préféré des Pokémon, mais là n’est pas la question. On a donc une image biaisée de cette longue époque mais agréable à concevoir. Et là, c’est le drame : votre professeur de biologie (mais si souvenez vous : le chauve à lunettes au regard vicieux) vous apprend que non, les hommes ne se sont jamais payés une tranche de Tricératops, non la famille Pierrafeu n’a pas réellement existé et non les Longs Cous n’avaient aucune chance face aux Dents Tranchantes. En revanche, il est fort possible que les hommes d’antan aient été équipés de kikis et de cul-culs, nous sommes donc sauvés.
Ainsi donc, exit Fred Caillou et La vallée des merveilles, place à la guerre du feu. Et je peux vous assurer que c’est bien moins drôle comme ça. Mais heureusement il y a [s]Findus[/s] Titus. En effet, en l’an de grâce 1995, les développeurs de Titus se permettent de réunir tous ces clichés d’enfants en un seul jeu. Oui, tous. Et comme le veut l’expression consacrée : ça déchire sa maman qui travaille tard le soir. Décortiquons ensemble le pourquoi du comment.
Sam est un homme préhistorique, un vrai de vrai. Sam porte un slip panthère, comme tous les hommes qui en ont. Sam a un gros ventre, des cheveux longs et une queue de cheval (sur la tête hein, c’est un jeu tout public quand même). En bref Sam est un gros beauf, il ne ressemble à rien, même pas au dessin qui est censé le représenter sur la boîte de jeu. Et déjà ça c’est quand même vachement culotté : le Sam de la boîte a des baskets et des lunettes de soleil avec des cheveux brun alors que celui du jeu est pieds nus, sans lunettes et a des cheveux d’un noir intense. On commence déjà à sentir la bonne entente qui devait exister entre tous les membres de l’équipe du jeu, notamment entre les graphistes et les illustrateurs. Alors Sam est un beauf mais pourtant c’est le héros de l’histoire. Mais comment est-ce possible ? Et bien tout simplement parce que tout est possible dans l’univers de Préhistorik Man. Cette phrase est bateau, je sais, pas la peine de me le faire remarquer. Mais j’ai rien trouvé de mieux comme transition après la présentation de mon personnage.
Tout est possible donc, puisque ce jeu est totalement irréaliste et ce pour notre plus grand plaisir. J’en veux pour exemple l’histoire du jeu, totalement décalée. A l’époque de Sam, tout se vend tout s’achète. Eh oui : les hommes préhistoriques sont des capitalistes, c’est comme ça. Une bonne poignée d’os suffit pour acheter hamburger de diplodocus ou 50 cl de soda. Mais pas de bol, toute la réserve d’os a été volée par des méchants dinos. Bref, c’est la cata puisque le village sans monnaie ne pourra plus marchander avec les autres villages, du coup sa réputation va en prendre un coup, baisse du taux de fréquentation des touristes, administration chamboulée, perte des élections, suicide des dirigeants. Le monde est cruel. Il faut donc se dépêcher fissa de renflouer les caisses de la commune avant que le village brûle et que la Terre explose (j’aime dramatiser les choses, ça captive le lecteur). Et qui qui n’est désigné comme volontaire pour sauver tout ce beau monde ? Mmmm ? Mais si, au paragraphe précédent… Relisez bien. Vous avez trouvé ? Eh oui c’est Sam qu’on envoie au charbon. Il serait soi-disant le guerrier le plus valeureux de tout le village. Je vous laisse imaginer à quoi doivent ressembler les autres habitants. Personnellement je voterais pour un mixage entre Guy Carlier et Homer Simpson. Rien que d’y penser j’en ai des frissons dans le dos. Brrr.
Voilà donc notre bon Sam qui part jusqu’au légendaire cimetière des dinos pour y chercher quelques squelettes qui fourniront une fantastique réserve d’os. Seulement ce cimetière des dinos, ce n’est pas vraiment la porte à côté. Comme de par hasard. La route est donc semée d’embûches. Mais toutes ces épreuves vous ne serez pas le seul à les affronter. En effet, toutes les personnalités du village vous accompagnent pour ce long voyage. Chose amusante en soi puisque vous avez été désigné comme seul homme capable d’arriver en un seul morceau au cimetière des dinos et que le chef et doyen du village vous précède dans chaque niveau, comme ça, à la fraîche, sans jamais se faire dévorer sauvagement par la moindre bête féroce. Et heureusement qu’il est là le brave homme car c’est lui qui vous dictera votre objectif au début de chaque niveau. Car chaque niveau a un objectif, eh oui. Outre la collecte du maximum de nourriture, il vous faudra à chaque fois remplir un objectif vous permettant de terminer le niveau. Bien sûr, on ne joue pas à [Insérez ici le titre d’un jeu avec des missions excessivement compliquées. L’auteur, malgré son infinie culture, n’en connaît point], votre objectif se résumera souvent à trouver tel ou tel objet pour l’amener à un endroit précis. Cela semble rébarbatif et répétitif sur le papier mais la qualité du level design est telle que l’on n’a jamais l’impression de faire la même chose. Ces différents objectifs amènent donc un peu de variété bienvenue au soft.
Cette variété est aussi apportée par les protagonistes qui vous accompagnent tout le temps de votre voyage. Si la fille du chef n’a d’autre occupation que de vous aguicher et de se perdre à tout va, les autres habitants du village seront d’une autre utilité. Il y a d’abord celui que j’aime à appeler le Herr doctor : il a un accent allemand, une blouse blanche, la moustache et une tignasse blanche désordonnée. Qui a dit cliché ? Ce petit vieux, car c’est un petit vieux, deviendra vite votre personnage préféré. En effet, il est responsable de la conception de tous vos moyens de locomotions : roue, deltaplane et bâton sauteur. Ces éléments, vous vous en doutez sûrement, offrent aux joueurs avides de nouveauté que nous sommes des phases de gameplay différentes de l’accoutumée. Ces phases sont assez agréables à jouer mais elles ne resteront certainement pas dans nos mémoires, sauf peut être à cause de cette putain de roue de mes couilles dans le village de ces chômeurs consanguins de yétis de mes deux tentacules (merde à la censure). Le second, appelons le Groumpf, deviendra vite votre personnage préféré (oui, tous les personnages de ce jeu sont tellement adorables qu’ils seront tous vos personnages préférés). Groumpf est le forgeron du village : c’est donc lui qui s’occupe de votre pergola en fer forgé. Accessoirement, il vous fabrique des armes. Grâce à lui à vous le doux plaisir du dézingage de grosses bêbêtes via massues, haches, lances et autres œufs de dinos. Le troisième et dernier luron à vous accompagner est le seul à avoir un nom. Jack le chasseur ne vous donnera rien, le chien. Il se contente de vous donner des conseils, ce qui finalement n’est pas plus mal, tant la nature est hostile et les dents des dinos aiguisées.
C’est donc une joyeuse troupe de six personnes qui va explorer notre planète préhistorique. Notre belle planète ai-je envie de dire. Notre magnifique planète même. Car oui, Préhistorik Man est très beau. C’est du grand art, une maîtrise du pixel art comme on en voyait peu à l’époque et comme on en voit encore et toujours aussi peu. Chaque personnage et chaque décor pue le souci du travail bien fait. De plus, le tout est servi par une animation agréable qui fait littéralement vivre un monde préhistorique devant vos petits yeux humides d’émerveillement. La palme revient, vous vous en doutez, au personnage principal de notre aventure : Sam. Le jeune guerrier possède en effet une palette immense de mimiques totalement hilarantes. C’est simple, on dirige un vrai petit personnage de cartoon. Je voudrais d’ailleurs attirer votre attention sur la posture de Sam lorsque vous pressez la touche bas de la croix directionnelle. J’adore.
Les musiques sont super et correspondent bien à chaque niveau. Les bruitages sont très sympas. Tout est dit de ce côté-là, je ne vais y passer trois plombes non plus. Ce n’est que du bruit après tout.
Sans transition passons au point faible du jeu : le gameplay. C’est horrible, Sam se dirige comme un rocher rachitique en fin de vie après avoir mangé une choucroute suivie d’un cassoulet et dont la digestion se fait difficile : c’est mou. Mais naaaaaaaaaan, j’déconne. Avoue que tu m’as cru jeune padawan. Non, une si belle réussite technique ne pouvait que cohabiter avec une maniabilité sans faille. Sam répond au doigt et à l’œil, surtout au doigt d’ailleurs (les manettes optiques sont effectivement assez peu répandues en 1995). Sam frappe, hurle, saute, court, « rampe » et souille la fille du chef du village avec une facilité déconcertante.
Pour ne pas épiloguer des heures, sachez que ce jeu est un excellent jeu à ne rater sous aucun prétexte. Le jeu est magnifique, le level design au poil, le son parfait, les boss énormes, la difficulté excellemment dosée et la durée de vie gigantesque. Certes on regrettera l’absence de mots de passe ou de sauvegarde, mais les cheat codes sont là pour ça. Il faudrait être mad, ou très con ou les deux mêmes pour s’arrêter à ce détail pour ne pas jouer à ce jeu. Un must-have qu’il vous faut absolument acheter, d’ailleurs dépêchez vous, l’enchère se termine dans vingt minutes.