Méfie-toi des ides de Mars disait-on à César avant que celui-ci ne nous quitte victime d'une overdose de bronze. De tous les trucs que les romains ont pu piquer aux grecs, le sens de la tragédie est probablement le plus intéressant. Les soupirs de Néron face à une Rome chauffée à blanc, la chute pathétique de Caligula (a-t-on idée de tenir les rennes d'un empire en s'appelant "petite godasse"), les répressions sanglantes de Caracala ou la mégalomanie de Commode, faites votre choix. Indéniablement un terreau fertile en légendes historiques, fictions théâtrales, fresques cinématographiques, bandes-dessinées, T-shirts, pin's parlants ou mugs décorés.
Quel rapport avec le jeu qui nous concerne ici ? Aucun. J'avais juste besoin d'une introduction et l'inspiration se faisait avare. C'est une escroquerie.
Pouf pouf. Road Riot 4WD. En voilà un jeu qui a une histoire. En fait non. C'est désespérant. L'histoire derrière ce jeu n'est en fait qu'un triste vagabondage dans la pampa girondine une dimanche matin incroyablement quelconque. Une fois de plus je fus abusé par l'annonce d'une brocante qui ne se révèlera être qu'une triste rangée de tréteaux offrant des reliques d'une époque s'étant éteinte à la mort de Pompidou. Je soupire. D'un autre coté sachons relativiser, cela pourrait être pire, je pourrais être dans le Médoc. Après un stand tenu par un homme du peuple dont le visage trahissait une appétence pour le mauvais vin et proposant des jeux Game Boy ayant visiblement effectué un séjour dans un champs de betteraves, je découvre in extremis une modeste pile de jeux Super Nintendo sur la misérable planche de bois clôturant ce triste débarras : Robocop 3, Dragon Ball Z et Road Riot 4WD. Au diable l'exigence, je prends. Soupir.
Que me promet l'étiquette de ce titre dont j'ignore tout ? De folles poursuites entre véhicules se riant des voies goudronnées et de la législation sur les armes à feu. Course et bourrage de gueule. Beau tableau en perspective. Je suis client. Mais ces fols espoirs, c'était avant le drame. Drame qui aura été en fait d'enfourner la cartouche dans la console et d'allumer cette dernière. Sainte Mère de Dieu, qu'ai-je donc fait.
Si je devais concéder une faiblesse, je veux dire, autre que la pédophilie, ce serait la naïveté. Au point d'avoir vu dans cette modeste cartouche un possible ersatz de Street Racer, l'ambition en moins peut-être. Une référence du genre qui illumine à sa seule évocation un kaléidoscope d'images folles dans la tête. Las. Si Street Racer était un Bordeaux Pessac-Léognan, Road Riot n'en serait que le dépôt, celui qui reste au fond du verre et qui pique la langue quand vous êtes assez con (ou francilien) pour le gouter. Road Riot 4WD est donc un truc qui pique et pas qu'un peu. Mais reprenons les choses par là où elles commencent voulez-vous.
On parle de buggies et de pruneaux dans le groin. Grosso modo. C'est du moins ce qu'il m'a semblé. On va dire qu'il s'agit d'une vague course de véhicules ressemblant vaguement à des quads pouvant se tirer vaguement dessus. Je sais, c'est vague. Ceci étant, ayant affaire à une chose ressemblant vaguement à un jeu, on retombe sur nos pattes d'une certaine façon. Vaguement. Dieu qu'il va m'être pénible de donner de la consistance à cet article.
Mais soit, je suis un dur au mal. L'autre jour j'ai même regardé un clip de Christophe Maé. Et puis j'ai payé pour cette saloperie, merde. C'est une question de principe. Assaisonnée d'un zest de bêtise peut-être. J'appuie avec vaillance sur le bouton start et entame ce qui ressemble vaguement à un mode championnat. Choix du niveau, premier écueil. Un panel de lieux associés à l'image d'un hôte indigène s'offre à moi : un esquimaux pour les terres gelées d’Antarctique, un redneck crétinoïde au-delà du raisonnable pour l'Amérique sudiste, un vague Elvis pour Las Vegas, j'en passe des vertes et des franchement tombées de l'arbre. Ô finesse. Peu importe, continuons. Début de course. Et là... Pardonnez-moi de rudoyer les oreilles chastes mais : putain de bordel de merde.
Je suis là, l'air hagard, les yeux écarquillés, le maxillaire pendant, sans qu'aucun son ne puisse sortir de ma gorge. Durant un instant, je flotte dans une sorte de bouillon d'irréalité, où bruits et couleurs s'entrechoquent sans raison ni sens. Une sarabande composée par un alcoolique, chorégraphiée par des myopathes. C'est laid. Au-delà de ce que devrait endurer la rétine d'un contribuable moyen. En toute franchise, je ne pensais pas qu'un développeur puisse avoir les bullocks de proposer un truc pareil. Respect. Enfin, façon de parler. Mais la cerise sur le cageot reste à venir, tel un coup de grâce sur un animal malade.
Accrochez-vous aux poignées, il risque d'y avoir du vent. Car d'entrée de jeu, l'écran est scindé en deux. Comme ça, sans préavis, à jeun. Ai-je précisé que nous sommes en mode un seul joueur ? Voilà, c'est fait. Je tressaute dans un discret hoquet hystérique. Ahem, si vous me passez l'expression. Dans un éclair de démence qui aura été confondu avec de l'inspiration lumineuse, le démiurge aux commandes de ce machin aura jugé pertinent de réserver la moitié de l'écran à un véhicule contrôlé par l'ordinateur. 50% pour un putain de CPU. Un cognac vite, mes nerfs me lâchent. Dès lors, réussir à focaliser son attention sur la conduite se son véhicule lors d'une course relève de la gageure oculaire de haut niveau.
Et le chemin de croix ne s'arrête pas là. Tendez l'autre joue, il y a un second service. Passé le choc visuel on reprend ses esprits et on tente de tirer un minimum d'interactivité de cette crotte colorée. C'est là que les choses se compliquent, si tant est que ce soit techniquement possible. Road Riot 4WD n'est pas seulement ignominieusement laid : sa jouabilité est une marelle sur le bord du gouffre de la déraison. C'est bien simple, j'ai connu des brouettes de briques qui se maniaient avec plus de souplesse. Votre véhicule oscille de façon erratique entre le bloc de ciment et l'éléphant de mer passé à la vaseline. J'ai cru l'espace d'un instant que le mode démonstration était enclenché avant de réaliser que c'était bel et bien moi qui tenait le volant du ridicule petit tas de pixels à l'écran. D'autant que les mécanismes du jeu et la construction des circuits évoquent tout sauf la subtilité. On exige ici de vous ce que l'on exigerait grosso modo d'un chimpanzé dressé ou d'un supporter du RC Lens. Une course se résume à une bête succession de virages sans grâce, à la limite du Quick Time Event. Risible à en détruire ses sous-vêtements. Du moins en ce qui vous concerne. Parce que moi, je ne ris pas. Pas de quelque chose pour lequel j'ai donné de l'argent, aussi modeste soit-il. Ça vous fait marrer tas de cons ?
Je... je ne sais plus. Je ne.. je ne sais même pas si j'ai réellement joué à ce ... cette chose... ce remugle de toilette de bar de l'Enfer. Peut-être. De quoi peut-on être certain en définitif ? Je ne suis peut-être qu'un châtaignier qui rêve qu'il joue à ce jeu. Ou ai-je peut-être seulement besoin de sommeil et il faut que j'arrête de faire de la poésie automatique.
Quoi qu'il en soit il est grand temps que je mette un terme à cette triste pantalonnade. La simple esquisse d'une pensée critique est déjà trop accorder à ce jeu. C'est dire si je suis allé trop loin dans la concession en terminant un championnat tout entier. Un dur au mal vous dis-je. Mais là, c'est plus que je ne peux en supporter. Plus encore que la fois où j'ai utilisé des toilettes d'autoroute. Mentionner la seule existence de ce torchon merdeux est trop de crédit porté à son égard. Nous ne sommes qu'en présence d'une fade déjection du titre d'arcade dont il est tiré. Le posséder est déjà faire un premier pas dans le jardin de la souffrance. Et par extension, je viens de voler cinq minutes de votre vie. Que je ne vous rendrai pas. C'est une escroquerie.
Bonus : le trombinoscope des gracieux hôtes chez qui vous ferez chauffer l'asphalte. Une invitation au voyage.
Tu n'es pas en terre amie, étranger