Avez-vous déjà rêvé d’être un cowboy ? D’avoir, à l’instar de John Wayne, la Classe Américaine ? De chevaucher, seul face au soleil couchant, dans ce plat désert qui est le mien, n’ayant que des canyons pour uniques montagnes ? De défendre, armé de son Colt Pacificateur, la veuve et l’orphelin des brigands en buggy attaquant les trains, des robots à chapeau, des cyber-crabes géants et autres monstruosités mécaniques ? Vous allez sûrement me répondre que j’ai du consommer du champignon surprise, parce que des robots et tout le toutim, y’en a pas des masses dans le Far West. Eh bien non, le Belge n’a pas encore sombré dans les méandres de la drogue, et si sa vision des westerns est un peu édulcorée, c’est la faute à un jeu : Wild Guns
Flashback. Pchhooouuuu (je vous serai gré de prononcer cette onomatopée à voix haute). 1994. La Super NES est en fin de vie, et tout le monde attend déjà Celle dont on ne doit pas prononcer le Nom (autrement dit, la Playstation. Ehhh meeerde.). Et c’est donc dans l’indiférence quasi-générale que sort Wild Guns, du développeur Natsume (créateur de la série Harvest Moon). Car en plus de sortir sur une console moribonde, WG représente un genre déjà en mansuétude à l’époque : le shoot de dos « à la Cabal ». Malgré un succès d’estime des magazines de l’époque, le jeu peina donc à se faire un nom auprès des joueurs. Et pourtant, s’ils savaient…
Sans plus attendre, penchons-nous sur le plat de résistance. Wild Guns est donc un shoot de dos, avec un perso se déplaçant latéralement devant un décor fixe grouillant d’ennemis présents uniquement pour venir mourir sous vos rafales assassines. Un jeu d’arcade pur, donc, où l’oldies moyen sait qu’il va en chier des parpaings avant d’en voir le bout. Heureusement, en plus des continues infinis, le jeu nous offre une maniabilité aux petits oignons : passé la surprise de se voir contrôler avec la croix le réticule de visée ET le personnage, on maîtrise les deux héros avec brio. Et comme il n’y a aucune différence entre les deux excepté le look, vous êtes libres de choisir qui d’Annie ou de Clint (hommage évident à McFly dans Retour dans le Futur III) sera votre favori.
On commence donc, seul ou à deux, le mode scénario : des enfoirés ont massacré la famille d’Annie, et elle part se venger avec son pote Clint. Un bon prétexte pour pourfendre bandits malodorants, delta planistes, mitrailleuses automatiques et autres méchas géants à travers tout l’Ouest. Parce que pour les gens de Natsume, western rime avec science-fiction, revolver avec lance-grenade et cowboy avec cyborg. Et on regrette presque qu’il n’en soit pas ainsi en vrai, tant cette ambiance cartoon nous parait naturelle dans le jeu. On pourrait penser que ces niakoués allaient tout saloper notre belle culture occidentale, mais non, c’est frais, c’est délicieusement décadent, Kevin Costner combat des tanks, et le peuple aime ça. Du tout bon, donc.
Comme dit plus haut, ceci est un jeu de fin de vie de la console, et qui dit « fin de vie » dit « crache ses tripes ». Le jeu est beau, et maîtrise la bête avec éclat : explosions, distorsion des sprites, décor qui se couvre d’impacts de balles, effets sépias de l’écran « Game Over », gros boss, c’est du caviar pour les mirettes. Le son n’est pas en reste, avec des rythmes discos entraînants dignes d’un Travolta. Non, je plaisante, ce sont des sonorités western de bon goût, avec une mention spéciale au jingle « 1UP » piqué à Morricone.
Les niveaux s’enchaînent, du traditionnel saloon au canyon aux dinosaures en finissant par la base du grand méchant, avec une aisance admirable. Le gameplay, à première vue simpliste, révèle finalement sa richesse : notre justicier(e) peut double-sauter, faire des roulades, renvoyer les bâtons de dynamite envoyés par les malandrins, cogner les fourbes qui se glissent au premier rang pour vous poignarder, et récolter des armes bonus comme un shotgun ou un lance-grenades. Tout pour éviter la lassitude, d’autant que sur les 6 niveaux, les 4 du milieu sont à effectuer dans l’ordre de votre choix.
6 niveaux ? Oui, c’est un peu court, et pour les plus aguerris, le jeu se clôture en 20 minutes. Cela peut paraître handicapant pour Wild Guns, mais sa courte durée de vie a le mérite de lui faire éviter la lassitude inhérente au genre. Et si vous avez encore faim, vous pouvez tenter le mode Versus, contre l’ordinateur ou un ami, mais avouez-le, tirer sur des silhouettes en carton et des tonneaux fous, ça n’a pas le charme de coller du plomb dans les fesses d’un fourbe déguisé en buisson, avec sa démarche ridicule qui laisse deviner « Ah ah ah, quel idiot ce héros, jamais il ne remarquera un buisson qui marche ! ». Alors on se bat pour imposer son nom dans les hi-scores, et on le ressort de temps en temps pour une partie, une clope roulée au coin des lèvres, accompagné d’un air d’harmonica, pour s’adonner à un jeu mal accueilli à l’époque, mais qui mérite amplement son étoile de shérif.