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Wolfenstein
Imagineer - 1993
Le château brillant par Kazend

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Les nazis, c'était pas des quenelles en sauce.
Primo Lévy

Quel serait selon vous le point commun entre un marchand juif, la Bavière et Doom ?
Je ne vous prend pas pour des jambons et si j'introduis une critique avec une énigme complètement à jeter c’est que la réponse est forcément celle du jeu en question : Wolfenstein, et puis ça m’évite une intro pompeuse à base d’histoire du FPS et de références obscures aux premiers jeux en vue subjective. Retenez simplement que les mécaniques de Wolfenstein ont été reprises pour Doom, lui-même étant devenu la base d’un genre à part entière : Le Doom-like, qui a aujourd’hui laissé la place au FPS moderne, lequel n’a finalement gardé que la visée à la première personne, les cibles mobiles et un contexte militaire pour faire plaisir aux adolescents attardés. En tout cas, tout ça pour dire que Wolfenstein, c’est pas un petit jeu de plate-forme sympa qu’on découvre par hasard à Crèvecoeur-le-Grand lors d’une brocante pluvieuse pourrave. Non, c’est un Mythe, une Légende.



Le FPS est un genre chanceux, là où la plate-forme, les jeux de tennis et les puzzle-game sont arrivés lors des balbutiements du Jeu Vidéo et en ont quelque peu pâti, il a bénéficié du savoir faire et de la maîtrise de la 2D alors à disposition des développeurs qui nous ont pondu là un jeu légendaire, car joli, jouable, complet et surtout, novateur. La fine équipe de ID Software (dont l’on retiendra surtout John Carmack et John Romero) accouche en 1992 de Wolfenstein 3D qui relègue Hovertank et Catacomb au rang d’expériences (ce qui est toujours le cas aujourd’hui, on ne peut décemment pas se lancer dans ces dernier pour le plaisir ou alors il faudrait être Mad, voir très con. Ou les deux, même).



Vous incarnez William Blazkowicz’s, alias “B.J.” (sans doute un surnom qu’on lui donnait à l’armée depuis qu’il s’est illustré dans les douches après un malheureux pari raté, allez savoir), un espion capturé et jeté dans les geôles bleu-schtroumpf de la forteresse de Wolfenstein et qui, à la force de ses gros bras et de ses aptitudes au lynchage de nazis finira par mettre fin au régime du IIIème Reich à lui tout seul. Ou du moins, ce sont là des exploits que vous n’hésiterez pas à vous approprier, en joueur aguerri et hypocrite que vous êtes. Laissez-moi vous dire que si nous autres joueurs avions été à la places des français en 40, on se serait bien mieux défendus au lieu d’aller cafter tous les Lévy du boulevard. Mais l’histoire est immuable, les nazis ont déployé la fanfare et les feux d’artifice en défilant sur NOS Champs-Élysée et il nous aura fallu attendre 1994 avant que Wolfenstein 3D ne soit porté sur Super Nintendo, et c’est la version qui nous intéresse aujourd’hui, même si c’est vraiment un prétexte pour parler de ce jeu fabuleux amputé ici de son pied d’appel mais nous y reviendrons plus tard.

Il y a tout dans Wolfenstein. Tout ce qu'on a retrouvé par la suite dans les meilleurs doom-like. Il faut savoir qu'il fût une époque où un FPS n'était pas constitué de vagues couloirs sinueux, de barres de vie auto-régénérantes et de cinématiques lourdingues. Et pourtant, l'immersion de Wolfenstein 3D est simplement exemplaire. Aussi tôt l'intertitre disparu, vous voici livré à vous-même. Il vous faut quitter cette prison à tout prix mais la panique laisse place à la confiance en soi. Au bas de l'écran, la tronche de BJ. VOTRE tronche. Nous sommes dans un shooter à la personne est celui qui voit, c'est vous. Vous ne contrôlez pas BJ, vous êtes BJ et vos ancêtres seraient fiers de vous si vous pouviez vous démerder pour en finir avec le IIIème Reich. (Quoique pour les résidents d'Alsace-Lorraine, rien n'est moins sûr)



Aussi, armé de votre krüger, vous vous aventurez par delà la porte turquoise qui s'ouvre dans un vacarme auquel il va falloir vous habituer. Soudain, un premier garde. Vous l'abattez de trois balles zu das Köpf et celui-ci s'éteint dans un dernier râle, un cri désespéré. Vous avez tué quelqu'un et il est trop tard pour faire demi-tour. Finalement, oubliez ce que j'ai dit, car des demi-tours et des aller-retours, il y en aura autant que de nazillons dans la forteresse de Wolfenstein. Certes les limitations techniques de l'époque expliquent en grande partie cet attrait absolument charmant du jeu, mais c'est à ma connaissance le seul shooter se déroulant intégralement dans des couloirs à hauteur de plafond fixe. L’oppression y est totale et il faudra fermement s'en tenir à la perspective de récupérer ça-et-là l'or des nazis au long de votre escapade pour surmonter la folie à laquelle un être humain lambda aurait tôt fait de céder. (le jeu aurait été beaucoup trop court si vous aviez dû incarner le Maréchal, laissez-moi vous le dire)



Non, vous êtes fait du bois dont on fait les gagnants, pas les connards. Lorsque votre niveau de santé sera au plus bas, vous n'hésiterez pas une seule seconde à vous baffrer de la bouffe des berger-allemands que vous aurez neutralisé au préalable. Il faudra bien ça, car le regard confiant de celui-à-qui-on-ne-la-fait-pas affiché par BJ au bas de l'écran se transformera vite en un tas de viande violette sur laquelle on aura déposé des cheveux et un œil. En tout cas, moi à 7 ans, ça me faisait flipper, je culpabilisais à mort d'avoir fait subir de tels dégâts à mon compagnon de route. Mais il faut régulièrement se remonter les couilles, la forteresse est un véritable labyrinthe. On ne trouve pas la fin du niveau en allant à droite comme dans un Sonic, et puis les nombreux pièges, les trappes et les boss vous flanquerons une frousse pas possible au détour du moindre couloir. Je crois que si j'avais rédigé ce papier à l'époque dans un Tilt, je ne lui aurais trouvé aucun défaut. De la direction artistique criarde mais assumée au point de foutre des portraits du Führer partout (PARTOUT), les musiques aussi recherchées que merveilleusement adaptées au jeu en passant par un challenge qui ne s'offre pas au premier connard venu, non vraiment. Le jeu n'est pas une légende juste parce qu'il fût « le premier ».



Mais inévitablement, toute forme de créativité s'oppose à un moment ou à un autre à la censure. Oh, pas celle des années 30, heureusement, quoique la politique de Nintendo envers les jeux borderline lorgnant vers sa Super Nintendo s'en approchait dangereusement.

Oui non parce que outre la jouabilité, l’immersion, l’expérience et blablabla, Wolfenstein 3D est surtout réputé car on y castagne du nazi, la bonne poire des scénaristes quand il faut trouver un méchant à opposer à notre héros bien propre sur lui-même qui n’aurait jamais idée de génocider des juifs et des pédés, lui. Seulement, chez Nintendo, on se contente du panache d’avoir sauvé une princesse dans un donjon où le boss final aura pris soin de disposer des objets utiles à la progression du héros alors pensez-vous, il ne faut pas emmerder les joueurs avec des national-socialistes et comme on ne va pas non-plus demander aux développeurs de refaire les ennemis, ils devront simplement défigurer les croix-gammées et les portraits du führer qui ornent l’essentiel des pans de mur du château de Wolfenstein. Ah et puis vous me recolorerez ces tâche de sang pour en faire de la sueur, c’est plus amusant, et puis la Horst-Wessel-Lied en intro, c’est un peu de mauvais goût les mecs. Mais à la politique de Nintendo s'ajoutaient les foudres des allemands encore chatouilleux sur le sujet et les organismes de protection des animaux qui ont vite fait de réclamer que l'on remplace les chiens par des rats mutants.



Ce portage édulcoré de Wolfenstein 3D est donc privé de la saveur qui le rendait si unique, si important dans l’histoire du Jeu Vidéo même si nous tenons-là le premier FPS réellement jouable et agréable à parcourir. Il faut savoir que dans les années 90, les joueurs PC ne cassaient encore les couilles de personnes en prétextant qu’il est interdit par le code civil du Jeu Vidéo de jouer à un FPS avec une manette, puisqu’à ce moment là, on se contenter d’avancer, de tourner, mais jamais de viser selon l’axe Y. La maniabilité a donc été correctement adaptée à la sacro-sainte manette de la Super Nintendo et ça tombe bien, car la difficulté du jeu ne se serait jamais permis d’en imputer à une maniabilité approximative. Il faut savoir que Wolfenstein, comme tous les Doom-like à suivre, ne s’offre pas au premier venu : Pas question de découvrir 15 plus tard qu'on pouvait avoir une map en appuyant sur select. Non vraiment, on se perd très facilement passé les 3 ou 4 premiers niveaux et on passe une grosse partie du temps de jeu à se rappeler d’où l’on vient, et où faut-il utiliser cette clé nazie. Le jeu a beau avoir été recoiffé pour plaire en société, vous en chierez des schtrüdels pour qu'il ne daigne pour adresser la parole.



Je pense que mon attachement à ce jeu me fait sans doute fermer les yeux sur quelques lacunes qui rendent le jeu inaccessible pour qui sera d'abord passé par Doom, Blood, Duke Nukem et qui risqueraient de vite abandonner le challenge imposé par les labyrinthes de la forteresse nazie. Vu que j’ai commencé à lancer les jeux MS-dos par moi-même sur l’ordinateur du père vers mes 4 ans et que je me revois en 6ème toujours sur Wolfenstein, je sais que j’ai passé des après-midi, très jeune, à essayer d’actionner tous les pans de murs d’un niveau pour trouver des passages secrets, ou quand j’étais bloqué, la suite du niveau. Je sais que j’ai flippé ma race lorsque j’ai vu les premiers magiciens Hitler. Je sais que j'ai fui comme une tapetteface aux zombies nazis à la gestuelle macabre. Je me rappelle que mon cœur battait la chamade lors du boss final. Wolfenstein pour moi, ce sont aussi des musiques, des sons, des cris de douleurs allemands, des “Eva … Aufwiedersehen”, etc... Un des jeux les plus importants à mes yeux.



Wolfenstein est donc un jeu auquel il faut avoir joué, ne serait-ce que pour son contexte IIIème Reich rigolo. Ceci dit, privilégiez la version MS-Dos (voir sa ré-édition GBA ou même la version Mac de l'époque pour les bourgeois) histoire de profiter du jeu tel qu’il fût. Non et puis ça va, sauver des princesses, recommencer tous les niveaux à cause d’une bague, rétablir la paix dans les terres du milieu et vaincre les Super Nashwan, c’est bien peu de chose comparé à la victoire que l'on arrachera à Mecha-Hitler. Ma plus grande fierté à ce jour.

Le point de vue de César Ramos :
Plus accessible que l'or perdu du Reich, sans avoir besoin d'aller en Suisse