Mes petits amis. Si j’adopte d’entrée de page ce ton si solennel, c’est que nous nous trouvons là au pied du mur. Et chacun le sait grâce au grand trouvère Jean-Marie Bigard, « c’est au pied du mur qu’on voit mieux le mur ». Génie.
Je m’attaque ici à un roc, que dis-je, un cap –une péninsule ! – avec le papier électronique de Megaman 7. Qui est, pour ceux qui ne le sauraient pas, la dernière itération de cette série sur nos bonnes vieilles consoles de salon Nintendo. Ou du moins celles au sujet desquelles on a le droit d’écrire, ce qui ne change pas grand-chose au problème cela dit.
L’esprit espiègle aura peut-être repéré une incohérence dans la ligne précédente : et
Rockman & Forte alors ? Réponse simple et laconique : point de numéro accolé à celui-là, faisons comme s’il n’existait pas. Megaman 7 clôt la série dite « classique » de la franchise, ultime chant du cygne du héros bleu que la NES aura vu naitre. Tristesse et joie, toutes deux mêlées dans mes doigts frétillant au-dessus des touches qui claquètent sur mon clavier.
Mais quitte à parler de poésie, et pour insister sur l’exceptionnalité de la chose, je cite le premier paragraphe de la critique de
Megaman sur NES par Hebus San (critique que je vous invite à lire et à relire en famille si ce n’est pas déjà fait. Si vous n’avez pas de famille, offrez-la à votre voisin de palier. Et fondez-en une avec sa femme.) :
« Megaman. 7 lettres d’une rare perfection qui, nonobstant un patronyme aux frontières du ridicule le plus abouti, propulseront la société Capcom aux premières loges des éditeurs vidéoludiques. »
Vous ne remarquez rien ? M-E-G-A-M-A-N. Ca fait sept lettres. Merci Hebus de l’avoir repéré pour nous, et ce des années en arrière, à croire que notre humble troll savait déjà que ce détail aurait un jour son importance. Sept lettres pour Megaman, mais de quel épisode s’agit-il ici déjà ? Ah oui. Le septième. Qui est également le dernier sur console Nintendo, dois-je le rappeler.
J’entends déjà les contestataires hurler à l’imposture la plus totale. Ben non. Prenez le nom japonais pour voir. R-O-C-K-M-A-N. Sept lettres aussi. Cela sonne comme la plus pure des coïncidences, mais le fait est bien là : les astres s’alignent parfaitement et tout semble réuni pour que ce septième et dernier épisode soit festif, tel un dernier adieu lors du départ d’un bon ami que l’on ne reverra plus jamais.
L’avantage quand on sort de six épisodes immuables ou presque, c’est que l’on connait bien les meubles et que l’on se sent un peu chez soi. Quand on lance un Megaman on sait à quoi s’attendre : un écran de sélection, huit boss à exterminer, un scénario convenu. On reprend la manette là où on l’avait posée et on retrouve un bon copain tel qu’on l’avait laissé. Mais pas cette fois ! Capcom profite du changement de génération de console pour dépoussiérer un peu la chose, et pas qu’à moitié, de quoi désarçonner le joueur averti. Des choix audacieux, des prises de risque assez discutables parfois. Il était tant (petit navire), diront certains.
On débute ainsi directement par un niveau d’introduction. Quoi ? Mais je ne veux pas de ce truc, ramenez-moi sur NES, je veux choisir mon tableau directement, je refuse de prendre part plus longtemps à cette pantalonnade !
Je plaisante. Tout se passe bien, cette petite ouverture est balayée vite fait bien fait et s’offre même le luxe d’introduire un nouveau personnage. Gentil ou méchant, le mystère plane, je rappellerais juste volontiers qu’en tant que bon élément manichéen, celui-ci est tout de noir vêtu. Nous pouvons foncer au paragraphe suivant tête baissée…
BAM !!!
Mais non, « tête baissée » était une expression mon pauvre ami, regarde dans quel état tu t’es mis ! Bref. Nous retrouvons à présent le traditionnel écran de sélection des boss. Qui n’est pas si traditionnel que ça, car si vous regardez bien les captures d’écran disséminées sur la page, vous pourrez constater qu’il n’y a désormais plus que quatre niveaux à choisir. Les quatre suivants seront disponibles uniquement après en avoir terminé avec ceux-ci. On balaye les habitudes je vous dis !
Pourquoi un tel choix ? Je l’ignore totalement, certainement une décision scénaristique (puisque le scénario se veut un brin plus étudié qu’à l’accoutumée). Ce que l’on gagne en qualité d’intrigue se perd en termes de liberté de choix, et c’est bien dommage car c’était l’un des ciments fondateurs de la série. Personnellement, je voudrais commencer par le niveau du boss voiture de course ! Mais non, ce n’est pas possible, je vais devoir ronger mon frein et attendre le deuxième tour de piste pour m’adonner à ce petit plaisir (voiture de course / frein / tour de piste, ah ah ah, qu’est-ce qu’on s’poile !)
Ce choix est assez étrange malgré tout mais bon, on n’a d’autre solution que de s’y habituer et de composer avec. Mouais. On finit tout de même par ramasser les armes après avoir vaincu chaque boss, heureusement ils n’ont pas touché à ça (en même temps ça n’aurait plus trop été le même jeu. Je digresse. Graisse. A moins que ce ne soit Grèce, je ne suis plus trop sûr là.)
Concernant les armes récupérées (ce qui est pour moi l’élément majeur de la série), on retrouve du classique mais aussi de la grosse nouveauté. Et ça, c’est bien ! On retrouve ainsi, aux côtés de la boule de foudre surpuissante et du projectile glacé, une bulle explosive qui capture les ennemis mais aussi (et surtout) un sonar qui gagne en puissance en l’absorbant suite à un rebond. Enorme ! Et mieux encore, la honte des familles, le stupide flash écran des épisodes précédents a enfin disparu ! Gloire ! Subsiste encore le non moins stupide bouclier rotatif vu et revu tant de fois, mais on ne peut pas trop en demander non plus. On y verra aussi de la bonne daubasse que l’on préfèrera oublier (représentée ici par une paire de ressorts chargeables (?!) et rebondissant), à croire qu’il faut toujours un quota d’échec pour nos amies les minorités désœuvrées moins gracieuses.
En fin de compte on se retrouve quand même pas mal dans ce jeu, tant de choses n’auront pas changé. Mais non, justement, il est temps de se pencher un peu plus sur le contenu ! Bon, déjà, graphiquement : ils ont osé, le sprite légendaire du robot bleu a été revu et corrigé. Si tu es trop mad ou trop con (voire même les deux cumulés, sait-on jamais) pour le connaitre, je ne peux rien pour toi. Quelques pixels de hauteur, deux nuances de bleu, une posture bien droite et immobile face au vent, un visage impassible et des yeux qui clignotent. L’air cool, l’ami du Tang. Et puis pouf, l’effet 16 bits est passé, une l’animation plus détaillée, un sprite plus gros et un air plus décidé en prime, et voilà que le bon copain de notre enfance subit un coup de lifting que je qualifierais de raté. Ca ne regardera que moi mais le mot est dit, c’est con.
Le sprite du personnage principal ayant été grossi, il en va de même pour les éléments du décor, plateformes, échelles, ennemis. Mais la taille de l’écran reste inchangée, évidemment ! Du coup le ratio taille écran/sprites est bien plus petit que dans les épisodes précédents, ce qui a pour conséquence de modifier les habitudes de jeu. Et oui, c’est que l’on n’y penserait pas forcément, mais elle est là la vérité.
On se retrouve donc face à des espaces plus confinés et beaucoup moins aérés que dans les épisodes NES. C’est assez flagrant et plutôt déroutant, car le rendu et les sensations ne sont plus vraiment les mêmes. Ne serait-ce que pour les modalités les plus évidentes, comme les esquives, qui en deviennent moins spontanées. On vire même au grotesque avec certains éléments comme les blocs qui apparaissent et disparaissent (gros classique de la série), puisque leur taille revue à la hausse ne permet pas d’en placer autant qu’avant à l’écran. Du coup cet exercice qui fut autrefois périlleux perd en saveur. Pour vous, ça ne signifie peut-être rien, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Et c’est aussi par ses détails que l’on juge les qualités d’un jeu, du coup je m’attarderai là-dessus aussi longtemps que nécessaire ! Je suis un forcené et je dirai n’importe quoi s’il le faut !
Bon. C’est pas que, mais le temps nous est compté, passons à la suite, celle qui fait plaisir. Car jusqu’à présent, je n’ai pas forcément été très élogieux avec le petit dernier. Au-delà du parti pris graphique douteux se cache une profondeur de jeu jusque lors inédite dans la série. A commencer par l’apparition d’une boutique où il sera possible d’acheter des items (vies, recharges d’énergie, …), ce qui implique l’apparition de monnaie par l’entremise de boulons à ramasser de-ci de-là. Le capitalisme sauvage a encore frappé ! C’est assez secondaire, mais on saisit l’opportunité telle qu’elle se présente.
En revanche et en plus notable, les tableaux sont plus longs, plus vastes et recèlent des zones cachées bien dissimulées. Un peu comme dans un Metroid, toutes proportions gardées, restons calmes. Et cerise sur le gâteau, certaines armes interagissent même avec les décors ! Exemple tout con, la roue de feu permet de brûler les arbres dans le niveau adéquat. C’est tip top, super bien exploité et ça permet une exploration bien plus variée tout en sortant du tracé rectiligne des tableaux. Je valide totalement, on touche là à l’un des points les plus remarquables du jeu.
Ajoutez à cela un zeste de petits secrets et vous obtenez là du fun en barre. On se retrouve ainsi à découvrir des parties plus tard des zones inconnues en fouillant mieux, on va de surprise en surprise. En passant aussi par le boss caché et son arme optionnelle, ça s’apparenterait presque à du tout cuit préparé pour les fans ! Mieux encore, une manipulation permet de changer la bande-son sur le niveau de Shade Man et de lancer celle de Ghouls’n Ghosts à la place. Culte !
Mais puisque je parle de la bande-son, j’ai le regret de dire que les grands airs ne sont pas de la partie. Nettoyés, balayés, astiqués ! Ca manque cruellement d’inspiration, le génie a disparu et c’est bien triste. Subsistent quelques pistes sympatoches, mais l’ensemble est bien trop plat pour faire dresser le zizi de la foule. Mwarf. C’est con à dire mais j’ai l’impression que le processeur sonore de la NES resplendissait bien plus que celui de la Super Nintendo, qui balance des sonorités criardes et vilaines comme tout sur cette cartouche. Mais le pire, oui le pire, restent les bruitages.
Jamais je n’en ai entendu d’aussi mauvais que sur ce jeu. Ils ne sont pas tristes, ils sont bidons. BIDONS ! Au début je croyais que c’était la rom et l’émulateur qui étaient tout merdiques et contribuaient à briser mes oreilles à coup de blip, de blop et de bloup (ne riez pas, ce sont vraiment les sons que l’on entend). Jusqu’au jour où j’ai lancé la version japonaise sur ma bonne vieille console et au-secours ! Je ne sais pas ce qu’ils ont fabriqué, mais les bruitages sont horribles, des sons élémentaires comme un bruit d’éclair était bien mieux rendu sur NES. C’est un comble !
Sur un jeu d’une telle qualité c’est même inacceptable. Honte à Capcom, d’autant plus que l’on sait bien qu’ils étaient capables de beaucoup mieux sur leurs autres jeux de leur catalogue. A croire qu’ils se sont aperçus en toute fin de prod’ qu’il manquait un truc à la cartouche. Mais puisque Suzie du service compta avait coulé tout le budget au dernier team building dans la location de bus pour emmener tout le monde faire un ultimate frisbee sur la plage, ils se sont retrouvés à enregistrer des bruitages à la bouche dans le salon karaoké d’un obscur rade de Tokyo. A part ça, je ne vois pas.
Quelle conne cette Suzie.
Et c’est à peu près tout ce que j’ai à dire sur ce jeu qui est mignon tout plein, rempli de couleurs toutes aussi pastel les unes que les autres, offrira un bon challenge à qui voudra bien s’y adonner (note : le boss final est l’adversaire le plus horrible de la saga, tous épisodes confondus) et saura certainement donner la banane à ses fans de la première heure. Capcom a osé rafraichir une série qui restera à jamais associée à la NES, l’intention est louable en dépit de certains choix douteux. Le jeu reprend tous les éléments connus qui auront si bien marché, les a remis au goût du jour tout en renouvelant légèrement la formule et ça fonctionne ! Tant d’éléments réunis pour célébrer le dernier épisode d’une série de légende ne pouvaient que livrer un grand jeu.
En contrepartie, l’ombre du manque d’inspiration et du recyclage (en dépit des nouveautés comme les interactions avec le décor, ce qui est assez antinomique notez-bien), qui était le mal principal des derniers jeux NES, plane sur le titre. Du coup je reste un peu sur ma faim. On y passera du bon temps mais il a l’air tellement daté en dépit de son relooking que ça a du mal à passer…
C’est donc finalement un jeu en demi-teinte, mi-figue mi-raisin, qui a vraiment de quoi satisfaire son public en prenant le temps nécessaire à le parcourir de fond en comble, qui ne dévoilera toute la splendeur de ses charmes qu’aux plus persévérants et patients, mais qui peine à faire oublier que l’âge d’or de la série se trouve déjà des années en arrière…
Megaman 7 est le souffle discret qui ravive la flamme de la bougie presqu’entièrement consumée. J’ai une certaine tendresse pour ce jeu mais j’ai tout de même du mal à le prendre au sérieux, notamment la faute à ses bruitages de merde qui sauraient faire perdre toute contenance aux discours les plus emblématiques de l’Histoire. « Oh simple things, where have you *blop* »
New challenger approaching ! Je ne saurais terminer cette critique sans vous glisser une petite astuce routinière, le fameux cadeau Bonux du fond de boite de lessive, celle qui pique les doigts et gratte les yeux (mais ouiii, le petit bonhomme en plastique qui faisait la joie des petits pendant que maman lavait le kimono pour la compète du soir). Je l’ai déjà souligné, Megaman 7 est truffé de zones secrètes et a donc ses petits codes cachés. Tout d’abord, et comme énoncé plus haut, il est possible de changer la musique du niveau de Shade Man par celle du premier tableau de Ghouls’n Ghosts : pour procéder, rien de plus simple, il suffit d’appuyer sur B tout en sélectionnant le dit niveau (soit la même manip’ que dans Megaman 2 pour changer les étoiles en oiseaux, propre et efficace)
Mais Capcom ne s’arrête pas là et offre carrément un mode Street Fighter ! Pour deux joueurs, oui ! Son intérêt est tout relatif, mais il a au moins le mérite d’exister et rajoute une ligne supplémentaire au mythe. Pour y accéder, veuillez bien saisir le mot de passe suivant dans l’écran des mots de passe (j’ai essayé sur ma déclaration d’impôts, curieusement ça marche moins bien) : 1415–5585–7823–6251.