Tout est dit. Dans ce dossier, nous parlerons de CES jeux. Ces jeux vous avez sans doute déjà rencontrés, que ce soit sur NES, SNES ou Megadrive, ornés de jaquettes épiques et de noms pompeux (oui, Nobunaga's Ambition, c'est de toi que je cause), ils semblaient vous promettre du combat, de la guerre et de la virilité mal placée à en faire pâlir les Village People.
Pour finalement vous apercevoir que la réalité est toute autre. Et que la réalité pique. Argh.
Kou Shibusawa, aussi connu sous le pseudo Eiji Fukusawa, mais qui s'appelle en réalité Youichi Erikawa (cherchez pas), est un producteur de jeux vidéos japonais, travaillant pour Koei. Ses jeux les plus connus sont les Romance Of the Three Kingdoms et autres Nobunaga's Ambition ou Uncharted Waters, bien qu'il ait également été responsable de titres voire de séries plus obscures (sur Megadrive notamment) telles que Genghis Khan, Liberty or Death ou Gemfire. Mais le nerf de la guerre se situe dans le genre de prédilection du bonhomme, le point commun de toutes ces séries : il s'agit de jeux de gestion. Des jeux de gestion JAPONAIS.
Argh derechef.
Ce qu'il faut comprendre par là, c'est que ce ne sont pas des jeux pour les faibles. Si vous ramez comme des galériens sur Sim City en facile, vous ne survivrez pas vingt secondes ici. Ces jeux sont aussi bêtement abscons que le code fiscal et d'une austérité à faire se suicider un moine cistercien. Oh, et vous ai-je dit qu'il n'y avait pas de tutoriels dans les jeux ? (ahr ahr grösse rikholâde)
Bon, maintenant que les bases ont été jetées et que vous savez à quoi vous attendre, intéressons nous en profondeur à ces jeux qui ont causé plus d'un anévrisme chez de jeunes joueurs mal informés (ah l'internet, quelle belle invention).
(Petite précision, nous ne parlerons ici que des jeux sur systèmes approuvés par le parti et n'aborderons donc pas les jeux sur la console du mal, et ce qui s'en suit, cela va de soi)
Romance Of the Three Kindgoms
On commence donc par du lourd. LA série principale, qui a fait de Koei ce que Koei est aujourd'hui, qui a enfanté nombre d'épisodes, et presque autant de spin-offs (Dynasty Warriors, notamment). Pour ceux possédant un minimum de culture, nous n'avons sans doute pas besoin de vous rappeler que The Romance of the Three Kingdoms est un roman-fleuve Chinois, comprenant cent-vingt chapitres et plus de mille personnages. Ça va vous situez le monstre ? Bien. Et Koei a donc décidé d'en tirer un jeu. Ha ha, îles son foux.
Romance of the Three Kingdoms est aussi la série qui se trouve à la base de la plupart des jeux que nous avons traité dans ce dossier. Son premier épisode, sorti en 1985, a posé les bases des jeux Kou Shibusawa, comme la carte séparée en différentes provinces (ici, la Chine), ou encore le côté gestion intercalé avec des portions de jeu de stratégie au tour par tour lors des combats. Alors autant le dire clairement, ces jeux sont durs. Particulièrement hermétiques aux débutants, complexes et bourrés de détails, et dotés d'une intelligence artificielle qui ne fera aucun cadeau. Vous devrez constamment jongler entre politique, guerre, économie et romance (assurer la succession, s'assurer que la succession ne viendra pas vous couper l'herbe sous le pied, tout ça). Négligez un de ces éléments et vous êtes partis pour le regretter amèrement.
Concernant le scénario je n'ai qu'une chose à dire : lisez le bouquin. Je ne vais pas me dégommer le fondement à résumer 120 chapitres pour vos beaux yeux, et ça vous fera une occasion d'enfin les décrocher de l'écran. Sinon que dire ? C'est une série exigeante, difficile, qui traite d'une culture qui n'est pas la nôtre, mais il faut s'y essayer. Elle mérite qu'on s'y intéresse et qu'on y consacre au minimum quelques minutes de sa vie, ne serais-ce qu'une fois. Cependant il serait à conseiller aux débutants de commencer par une des itérations les plus récentes (X ou XI, d'accès plus aisé) ou encore par Gemfire (voir plus bas).
*Romance of the Three Kingdoms - NES, SNES, Amiga, MSX
*Romance of the Three Kingdoms II - Megadrive, NES, SNES, Amiga, MSX
*Romance of the Three Kingdoms III : Dragon of Destiny - Megadrive, MegaCD, SNES
*Romance of the Three Kingdoms IV : Wall of Fire - 32X, SNES
Nobunaga's Ambition
"On change la carte et on recommence !" : voici ce qui a dû passer par l'esprit des gens de chez Koei durant une session de brainstorming particulièrement feignante, car il n'y a quasiment aucune différence entre Romance of the Three Kingdoms et Nobunaga's Ambition, si ce n'est le contexte. Et la carte du monde. Car pour ceux qui connaissent un peu la topographie du Japon, c'est une île tout en longueur, ce qui se traduit en terme de jeu par "vous serez attaqués sur deux flancs tout au plus".
D'accord, je l'admets, je suis injuste. Ce jeu n'est pas mauvais, il est même bon, bien que sentant un peu le remake de ROTK. Mais il y a des différences, alors parlons-en. Premièrement, le système de combat tactique est modifié par rapport à ROTK, comme le passage d'une carte divisée en carrés à une carte divisée en rectangles disposés en quinconce, ce qui d'un point de vue gameplay fait passer les possibilités de déplacement de 4 à 6.
Au final qu'y a t'il a retenir de cette série ? Qu'il s'agit, malgré ce que j'ai pu écrire ci-dessus, d'une bonne série : bien qu'elle a commencé comme un copier-coller de ROTK elle a réussi à s'en différencier au fil du temps. Comme quoi, une copie conforme d'un bon jeu peut donner un truc plus qu'honorable au final (ce n'est pas Soleil qui dira le contraire).
*Nobunaga's Ambition - Megadrive, NES, SNES, GB, Amiga, MSX
*Nobunaga's Ambition II - NES, MSX
*Nobunaga's Ambition : Lord of Darkness - Megadrive, NES, SNES
*Nobunaga No Yahô : Haoden - Megadrive, MegaCD, NES
*Nobunaga No Yahô : Tenshoki - SNES
Genghis Khan
Jamais deux sans trois, comme on dit. Bien, rentrons immédiatement dans le vif du sujet : Genghis Khan est un jeu de gestion ayant peu (et encore, j'amplifie) de différences avec ROTK ou NA. Il est même totalement identique sur certains aspects, et comme je suis un flemmard de première, plutôt que de vous décrire le gameplay, je vous renvoie au quelques paragraphes ci-dessus.
Voilà. Sinon, il s'agit de jeux se déroulant sur une carte allant de la France au Japon et narrant les conquêtes de Genghis Khan (vous savez, celui qui était malpoli à table et réussissait pourtant à pécho, ce connard). Donc même conclusions que pour ROTK et NA (j'assume ma flemme). Ah si, vous pouvez utiliser des éléphants de guerre, ce qui est un bon point.
*Genghis Khan – NES, Amiga, MSX
*Genghis Khan II : Clan of the Grey Wolf – Megadrive, MegaCD, NES, SNES
Historical Simulations Series - Les restes
Bon, là je vais faire encore plus court (si si). Les jeux qui composent cette série, à savoir L'Empereur, Liberty Or Death et Bandit Kings of Ancient China, reprennent le concept de ROTK en l'appliquant, respectivement, à L'Europe napoléonienne, aux USA et à la Chine (cherchez pas, je comprends pas non plus). Voilà.
Ces jeux sont donc de qualité variable avec des graphismes fluctuants, des musiques dans un entre-deux parfait, possédant un intérêt général moyen et des défauts plus ou moins bien partagés entre les trois titres (à part ça ma flemmingite chronique se porte très bien, merci pour elle).
*L'Empereur – NES, MSX
*Liberty or Death – Megadrive, SNES
*Bandit Kings of Ancient China - NES, Amiga, MSX
Uncharted Waters
Je vais être honnête, jouez-y. Non, sérieusement, cette série (et particulièrement son deuxième épisode, New Horizons) est une perle injustement méconnue.
Le pitch est simple : 16è siècle, Europe, nouveau-monde, pirates. Le jeu vous invite à suivre un personnage parmi plusieurs, venus des quatre coins de l'Europe, et à mener sa vie d'explorateur, de marchand ou encore de pirate : du commerçant Turc au noble Anglais en passant par la pirate rousse Espagnole (qui est à elle seule un argument en faveur de ce jeu), tous les choix de carrière (marrants) de l'époque s'offrent à vous, ou presque. Une fois votre personnage choisi et vos motivations esquissées le temps de quelques saynètes, vous voilà à la tête d'un navire. Avec beaucoup de surface aqueuse à couvrir. Vous pouvez au choix monter des routes commerciales entre différents ports d'Europe et du nouveau-monde ou bien vous adonner à la piraterie, ou pourquoi pas partir à la recherche des mystérieuses cités d'or !
Blague à part, les Uncharted Waters se jouent comme du RPG "light" teinté de gestion, alternant entre exploration (phases en mer), paperasse virtuelle (phases au ports), stratégie (combats navals), combat (duels entre officiers), etc... Le monde est grand, trèèèès grand même, avec une centaine de destinations différentes, des personnages attachants et le tout servi par une réalisation et des musiques qui, si elles ont un peu vieilli, restent magnifiques et conservent un charme 16-bits bien particulier. De tous les jeux de ce dossier, les Uncharted Waters sont ceux que je vous recommande le plus vivement (surtout le deuxième opus). Achetez-en, c'est de la bonne.
*Uncharted Waters - Megadrive, NES, SNES, MSX
*Uncharted Waters New Horizons - Megadrive, SNES, DOS
Gemfire
Contrairement aux autres jeux de ce dossier, Gemfire ne se déroule pas sur notre bonne vieille terre, mais dans un monde imaginaire, ce qui n'est pas plus mal. Car il faut bien avouer qu'au bout d'un moment, les Chinois, Japonais et autres Mongols aux déclarations homériques et autres tirades dramatique faisant péter le mur du pathos à mach 2 sans sommation, ça finit par lasser. Au final, un univers d'heroic-fantasy basique est tout aussi bien, simple, efficace, d'autant qu'on est en terrain connu, là où paladins et dragons prennent le pas sur shoguns et arquebuses. Un petit retour aux sources n'a jamais fait de mal à personne.
À ce sujet le gameplay a lui aussi été grandement simplifié (grumpf), réduisant la myriade d'options et de sous-menus à un choix de seize actions tout en mettant l'emphase sur la stratégie (avancer, taper). Le combat est ainsi mis en avant, ces phases ayant été embellies et rendues moins fouillis, sans être toutefois trop simplistes. Gemfire est à mon avis une excellente introduction aux jeux de stratégie estampillés Koei, car même si il manque la profondeur de certains de ses aînés, il reste un jeu agréable en bouche, un peu rêche (comme tout ce qui vieillit en fut), mais à essayer, car trouvable à vil prix.
*Gemfire - Megadrive, NES, SNES, MSX
Aerobiz
Aerobiz est de ces jeux où tout ou presque est expliqué dans le titre. Vous savez, comme Ninja Baseball Batman (sauf qu'il y a pas Batman dedans) ou euh, Super Robot Taisen (sauf que y a pas de "Super" robots...). Enfin oubliez ce que je viens de dire. Aerobiz donc, c'est du business avec des avions. Vous êtes une compagnie aérienne, vous choisissez votre époque (des années 50 jusque dans ... LE FUTUR !), votre ville d'origine, et en voiture Ginette. Ce qui est drôle c'est que comme tous les autres jeux de ce dossier, il y a une très forte emphase sur les faits historiques, mais quand on sélectionne la campagne 1955-1970 et qu'on voit arriver pèle-mêle (en léger différé) l'indépendance de la Tunisie ou encore les futurs jeux olympiques de Melbourne, il y a de quoi sourire.
Et impossible de dire si c'est lié au fait que le jeu est dans un environnement plus récent, plus familier, mais niveau interface et commandes disponibles ça reste majoritairement moins paumant que d'autres jeux du présent dossier. Passé la première phase de "je teste tous les boutons tiens c'est quoi celui là ah merde c'est pour lancer un meeting avec tes employés raah *trente lignes de dialogue*" on se prend au jeu : faire fructifier sa compagnie, acheter des avions, ouvrir des lignes vers de nouvelles cités, avoir le plaisir de voir sa firme poutrer le connard d'en face à la fois en trafic et en chiffres d'affaires, tout ceci a quelque chose de satisfaisant, en des temps ou l'économie est en berne. Tout ça pour dire que Aerobiz est un jeu accrocheur et même plutôt fun. Conseillé donc. Préférez par contre la suite au premier, pas grand chose ne les distingue, si ce n'est que Aerobiz Supersonic est légèrement plus complet, plus clair et plus agréable à l'œil et aux oreilles. Également (et pour une raison inconnue) les version SNES semblent être d'une lenteur catatonique comparées aux versions Megadrive, mais sinon c'est kif-kif.
*Aerobiz - Megadrive, SNES
*Aerobiz Supersonic - Megadrive, SNES
World War Series
Dans la famille "vu et revu", je demande le grand-père. Ces trois titres formant la World War Series traitent en effet de ... la seconde guerre mondiale. On a déjà vu plus folichon comme programme. Mais même un truc relativement moisi sur le papier peut donner un jeu un minimum sympa. Là non, c'est juste mauvais. Pas nullissime, pas carrément daubique. Mais mauvais. N'est pas Daisenryaku qui veut.
Le principal problème de ces trois suspects est leur lenteur, car, pour le dire franchement, on se traîne la bitte d'amarrage en plomb, et par un mètre cinquante de profondeur. Chaque bataille, qu'elle soit navale ou terrestre, tire en longueur. Et les batailles représentent 90% du temps de jeu. Le reste est constitué de légions de menus rébarbatifs. De plus cette série est typique "début de vie de console", assez moches, vert-de-gris, palettes ternes et pixel "art" à l'avenant. Pacific : Theatre of Operations est centré sur le conflit dans le pacifique (entre les Amerloques et les Japs) tandis-ce que Operation Europe se déroule en Europe (ce qui a pour seul atout d'admirer un superbe Hitler en seize par seize pixels). En définitive ces jeux n'ont pas grand chose pour eux, en dehors de nazis morts, ce qui est toujours une bonne façon d'égayer une journée.
*Operation Europe : Path to Victory - Megadrive, NES, SNES, MSX
*P.T.O. - Megadrive, SNES, MSX
*P.T.O. II - SNES
Inindo - Way of the Ninja
Inindo est le genre de jeu qui déçoit. Car Inindo semble avoir été, dans un univers parallèle au nôtre, un jeu qui se tient à peu près. Il y a quelques bonnes idées dans ce titre. D'abord, ce n'est pas une énième copie de Romance of the Three Kingdoms : ici on est plus proche du J-RPG classique, c'est basique mais ça peut être sympa. Seulement voilà, Inindo est ce qu'on pourrait appeler un jeu médiocre en tout point, tout simplement. On se retrouve à nouveau devant un background historique véridique, mais outre le soin qui semble y avoir été apporté (je dis "semble" parce que je ne me suis pas cassé pour aller voir si les faits historiques y étant relatés était tous kasher), le reste paraît bien fade, voire raté.
Les graphismes, en premier lieu, font penser à un jeu NES porté sur SNES sans lubrifiant, comme ça, cash. Les personnages sont minuscules, les décors vides, répétitifs, sans originalité et ne faisant pas honneur à la console (quand on regarde Final Fantasy IV sorti un an plus tôt, c'est le jour et la nuit). Et c'est justement ça le problème : Inindo fait moins bien que ses compatriotes de la même époque, en proposant un contenu qui semble dénué de toute ambition. Les musiques sont insipides, les personnages moches (même lors des scènes de combat en vue rapprochée), et le tout accuse un certain manque de rythme et d'intérêt. À oublier donc, à moins que vous ayez déjà arpenté la ludothèque de la SNES en long, en large et en travers.
*Inindo : The Way of the Ninja - SNES (portage des versions PC-88/98, X68000, MSX2)
En conclusion
Comment conclure un dossier qui n'est en fait qu'une suite de tests de jeux ?
La méthode simple serait de ne pas conclure justement, mais je respecte mon auditoire moi, alors je dirais qu'en général les jeux cités ci-dessus peuvent être des perles (Uncharted Waters, Aerobiz) ou des daubes (PTO et Operation Europe), mais qu'il s'agit en moyenne de bons jeux, qui valent qu'on y investisse ne serait-ce que 10 Francs pour se faire sa propre opinion.