"Au nord c'était les Gorons" - Pierre Bachelet
Ruff 'n' Tumble
Renegade - 1994
Et là c'est Rohff qui joue de la timbale. par Kazend

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Que sais-tu de la tristesse, ami lecteur ? Rien, en fait. Laisse-moi te parler de la détresse du oldies celle dite "du dimanche pluvieux d'un mois de novembre", concept inhérent à la notion de retrogaming. Ça se saurait si les hits mitterrandiens se découvraient par hasard à la plage en plein mois d'août à Portigliolo, vous saisissez l'esprit. Mais reprenons je vous prie. Lorsque j'écris ces mots, nous sommes en Juillet. Je vous vois déjà frétiller, avide de contredire l'autorité et de faire le malin, sauf que j'ai ici les pleins pouvoirs et vous allez calmement reposer vos ingrats fessiers sur vos chaises en bois. Je dis ça, je ne suis pas du genre à balancer, mais un certain Snowden aurait récemment révélé que certains rédacteurs influents auraient rédigé des critiques au printemps, dans quel monde vit-on je vous le demande. Ceci dit, c'est compréhensible, il arrive parfois que le besoin d'écrire une critique vous prenne comme une envie de pisser. Une envie de pisser que l'on aime partager avec des gens du Bien en plus, mais comme on dit, similia similibus curantur. Oui, un peu de latin ne peut faire de mal à personne et puis ça occupe le spectateur pendant qu'on perd son temps à trifouiller des vieux émulateurs Amiga à l'ergonomie douteuse.



Bref, vous en avez assez lu, je vous vois trépigner sous vos bureaux et envoyer des petits messages à la petite Amélie que vous n'intéressez pas de toute manière. Et pour des raisons très précises, puisque ce sont celles qui vous ont amené ici. Nous sommes ici pour parler d'Amiga. Oui, ça vous plait, je le vois aux petites lueurs qui illuminent vos yeux de bouvier bernois et qui trahissent immédiatement votre envie de découvrir un nouveau jeu vidéo. Vous êtes incorrigibles. J'aime ça.
Ruff'n Tumble, donc. Ce jeu représente quelque chose pour moi, c'est le jeu qui se rapproche le plus dans mes souvenirs d'un autre jeu que j'avais découvert dans les CD-rom de sharewares offerts dans les magazines des années 90. Et dont j'ai évidemment parfaitement oublié le nom. Je croyais avoir découvert grâce à Ruff'n Tumble l'identité de ce fameux jeu, mais à défaut d'avoir fait le clair sur cette affaire, j'ai au moins découvert un hit qui devrait avoir sa place dans toutes les ludothèques en tant soit peu sérieuses des possesseurs de cette sainte machine. (Ou plutôt devrais-je dire, dans les boîtes à chaussures remplies de disquettes piratées, vous ne trompez personne)



L'Amiga est réputé essentiellement pour ses point'n clic, ses shooters, quelques jeux de stratégie atypiques, les premiers STR et ses simulations militaires textuelles qui ne parleront qu'à une poignée d'individus actuellement retranchés dans les montagnes du Kosovo. Du côté plateforme, on a ce qu'il faut mais force est de reconnaitre qu'à l'époque, l'offre des consoles de salon dans ce genre était plus cohérente. Ça n'a pas empêché les possesseurs d'Amiga de se pavaner au milieu des Zool, Shadow of the Beast, Fire and Ice et autres joyeusetés et donc, Ruff'n Tumble pour les plus chanceux. Oui, je place Ruff'n Tumble dans la catégorie des jeux de plateforme et je vous merde bien fort.



Pour rappel, le jeu est sorti en 1994, soit les dernières années de l'Amiga dans le coeur des quelques joueurs qui n'étaient pas encore définitivement passés sur PC voire, si ils étaient du genre à s'asseoir sur leurs convictions, sur consoles. Mais qui dit fin de vie dit gros gavage et Ruff'n Tumble sera là pour électriser les slips des plus sensibles d'entre nous.
Vous incarnez donc Ruff, un chiard en CE2 qui cherche ses billes oeil-de-chat dans des environnements que même Indiana Jones hésiterait à fréquenter si on l'avait équipé d'un protège-bite en fonte. Ruff n'est pas le dernier des morveux de son âge et comme tout gamin débrouillard qu'il est, il est équipé d'un uzi probablement bricolé avec les carcasses des armes stockées par papy dans le grenier. Tout ça pour dire qu'il ne part pas à l'aventure équipé d'un pistolet à ventouse, et c'est plutôt bon pour votre moral car vous allez en chier des ronds de pelles.



D'une jungle grouillante de robots que n'auraient pas renié Konami à un château qui ferait passer celui des Castlevania pour le préau d'une école maternelle, votre but sera de récupérer vos billes oeil-de-chat disséminées dans chaque niveau. Etonnament, leurs emplacements sont suffisamment accessibles pour ne pas rendre cet élément de gameplay plus agaçant qu'autre chose. Cela reste une contrainte et il nous arrive de faire deux ou trois aller-retours pour retrouver cette putain de bille bleue qui en vaut trois calots et qu'on aimerait bien mettre en jeu demain à la récré, mais c'est remarquablement bien intégré avec l'ensemble du jeu. Ruff évolue dans de grands tableaux ouverts qui ponctueront de temps à autre votre progression par des portails pour lesquels il vous sera demandé la clé correspondante. C'est globalement avec une aisance toute particulière pour un jeu Amiga que l'on court et que l'on sautille de talus en talus pour dénicher des tas de billes et dézinguer les petits robots rigolos qui se dresseront sur votre chemin. Les habitués de Megaman esquisseront un sourire poli devant certains patterns mais ceux-ci sauront titiller avec acharnement votre barre de vie, ajoutant du challenge au jeu. A cette seconde difficulté s'en ajoute une qui, malgré elle, sera la plus susceptible de repousser les amateurs du genre. Au cas où vous soyez complètement demeurés, je vous rappelle que nous sommes toujours sur Amiga et par conséquent que nombre de jeux se pratiquaient avec un joystick à un seul bouton. Cela signifie donc qu'il va vous falloir sauter avec la direction haute, et pas question de maintenir des diagonales. C'est donc passablement déroutant et il vous arrivera probablement, comme à moi, de reprendre plusieurs fois de suite une série de sauts qui vous fera regretter une bonne manette de Super Nintendo. Mais vous n'êtes pas du genre à chouiner pour si peu, d'autant qu'on aura beau faire nos sucrées, force est de reconnaitre que le moteur physique confère à Ruff'n Tumble une inertie tout à fait gérable dans vos déplacements qui fait que finalement, on se ballade sans réel problème.



On tient donc là un action/plateforme somme toute classique dans son rythme, on bourrine avec les divers power-up une multitude d'ennemis rigolos, on sautille sur des plate-formes larges comme un badge du parti socialiste et on récupère ses billes sur trois niveaux avant d'affronter un Boss un brin relou. La sauce prend immédiatement pour peu que vous soyez doté d'une once de bon sens ; mais si ce n'était pas le cas, vous ne seriez pas là, n'est-ce pas ?
Et je ne vous connais que trop bien, vous êtes des gens besogneux et vous aimez le travail bien fait. Laissez-moi vous garantir que pour un jeu de 1994, Ruff'n Tumble se montre digne des derniers instants de l'Amiga. C'est aussi rapide que fluide, c'est visuellement abouti et sur le plan strictement sonore, les compositions musicales pourraient à elles seules humilier le gros des groupes qui font leurs kékés au Hellfest. On y retrouve d'ailleurs un peu du sens du rythme de nombreux jeux des Bitmap Brothers (qui sont d'ailleurs à l'origine de la création de Renegade Software, comme quoi la vie est parfois bien faite) à la Chaos Engine.

En bref, Ruff'n Tumble c'est l'indispensable de la ludothèque Amiga pour ceux qui ne sont pas des mous du glands et qui n'ont pas de temps à perdre en cliquant sur tous les pixels du premier tableau d'un obscur point'n clic. C'est un plateformer tout ce qu'il y a de plus classique à ceci près qu'il défoule comme peu de jeux sur Amiga. Son seul défaut si il fallait lui en trouver un, c'est qu'il aurait sans doute gagné en jouabilité à être sorti sur consoles. Mais il aurait été moins beau et les musiques auraient été nulles, et pan.
Le point de vue de César Ramos :
Comme tous jeux amiga : peu cher, présent en lots...