Dans ce jeu, vous êtes un VRP du futur. Rassurez-vous, ça va bien se passer. L’histoire telle que nous la connaissons débute lorsque, au détour d’un système solaire dans une région reculée de notre galaxie, votre CX Break à injection ionique pète son joint de culasse et vous oblige à vous poser en catastrophe sur la première planète venue. Par chance, vous avez repéré une zone habitée lors de la descente. Arrivé sur les lieux, vous vous mettez en quête d’un téléphone pour contacter votre réparateur agréé. Au détour d’une ruelle sombre, vous avisez ce qui semble être un bar miteux. En poussant la porte, vous êtes immédiatement assailli par l’odeur caractéristique du mélange de transpiration des clients, d’alcool de contrebande frelaté et d’eau de Cologne bon marché des filles à matelots. Descendant une volée de marche, vous aboutissez dans une salle mal éclairée. La faune locale vous observe d’un œil torve. Sur le mur du fond, à travers l’atmosphère emplie de fumée grasse, vous distinguer un téléphone. Malheureusement, la table des joueurs de Shufflepuck se dresse en travers de votre chemin. Et ils n’ont pas l’air de vouloir vous laisser passer. Vous allez donc devoir participer au championnat local si vous voulez espérer regagner votre pavillon de banlieue.
Le shufflepuck (de puck, « palet » et shuffle, « passer toutes les pistes du cd dans le désordre »), ce n’est rien d’autre que du air-hockey. Oui, vous savez, cette chose poussiéreuse, évoquant vaguement une table de billard du futur des années 80, au fond du café des sports de Plougarnec-les-Besaces, là où vous avez passé tous les étés jusqu’à vos 18 ans. Le principe est enfantin : on file un grand coup dans un palet monté sur coussin d’air et on le regarde rebondir partout en espérant qu’il ira se loger dans la fente de l’adversaire plutôt que dans la sienne. On y a tous joué un jour ou l’autre. D’ailleurs, en parlant de fente, laissez-moi vous dire que le air-hockey a une place toute particulière dans mon cœur de rocker, puisque c’est après une partie endiablée dans une salle d’arcade glauque d’une station balnéaire anglaise que j’ai fait ma première conquête. Mais bref.
Il est temps de commencer le jeu. Après un écran titre sans chichis et une petite musique guillerette, on arrive à l’écran principal. On peut y choisir son adversaire parmi huit différents pour une petite partie du samedi soir à la cool, commencer le tournoi, ou encore s’entraîner avec DC-3, le robot serveur du coin.
Avant de se lancer corps et âme dans la compétition, quelques précisions : contrairement au air-hockey que nous connaissons, ici on ne doit pas défendre un but mais toute la largeur de la table. De plus on ne peut déplacer sa raquette que dans son tiers de terrain, pas sur toute la surface. Mais sinon c’est kif-kif : on sert chacun son tour et les matchs se font en quinze points gagnants.
En partie simple, on peut bidouiller plusieurs options : la taille de la raquette, sa puissance, ou encore placer des obstacles sur le terrain. Ça ne sert pas à grand chose mais c’est un petit plus bien sympathique. Par ailleurs, le robot d’entrainement est entièrement configurable : on peut en faire une larve aussi bien qu’une brute imbattable, pratique pour s’entraîner.
Bon, on n’est pas des ravioles, alors on lance directement le championnat. Il s’agit d’affronter les huit joueurs que voici, les uns après les autres, par ordre de difficulté croissante, évidemment :
Skip : le loser à lunettes de base, le même que celui sur qui vous renversiez la poubelle de la classe lors de vos folles années collège. Un jeu lent et archi-régulier, si vous n’arrivez pas à le battre du premier coup c’est pas la peine d’aller plus loin.
Visine : un gus à tête de rat dont les yeux arrivent à peine au niveau de la table. Son unique stratégie consiste à bouger sa raquette dans tous les sens le plus vite possible. Envoyez-lui un gros boulet en ligne droite, et il y a de fortes chances qu’il se le mette lui-même dans ses cages. Attention tout de même à son service : il envoie le palet quasiment à l’horizontal, ce qui fait que ce dernier se cogne à grande vitesse de chaque côté de la table avant d’arriver chez vous, ce qui peut le rendre difficile à renvoyer. Pour pallier à cela, positionnez votre raquette en haut à gauche de votre partie de terrain et ne bougez plus, le palet repartira de lui-même en ligne droite et il y a de fortes chances que Visine le laisse passer. Encore un adversaire bidon.
Vinnie : un gros mou. Il renvoie plutôt bien et ses coups sont assez puissants, mais il déplace sa raquette très lentement. Jouez d’un côté de la table puis balancez une diagonale à l’opposé, il n’aura pas le temps d’aller la chercher.
Lexan : un extraterrestre alcoolique, très typé « cantina de Tatooine », qui ne se sépare pas de son verre. Il ne laisse rien passer et fait des coups puissants et rapides ; il est imbattable en début de partie. Heureusement pour vous, à chaque point marqué, il boit une gorgée de son verre et au fur et à mesure du match, l’alcool a raison de sa concentration. Laissez-le donc marquer les huit premiers points, vous pourrez enchaîner les aces ensuite. A la fin de la partie, il s’effondrera par terre, terrassé par la bibine.
Eneg : les choses se compliquent ! Cet alien à tête de porc qui revêt un uniforme Premier Empire (pourquoi pas) a un jeu très puissant, et son service est redoutable. Heureusement il sert à peu près toujours au même endroit (sur la droite). Il n’a pas vraiment de défauts, c’est d’ailleurs le joueur le plus difficile à battre après Biff. Le mieux est de jouer d’un seul côté puis de sortir une diagonale, avec de la chance il ne sera pas assez rapide et laissera passer le palet. Vous pouvez aussi tenter de marquer sur un retour de son service, avec de l’entraînement ça marche de temps en temps.
Nerual : Ce kakou qui se la joue Palpatine en se dissimulant sous sa capuche joue exactement de la même façon que vous ! Faites-lui un coup puissant en diagonale, il renverra le même, envoyez une demi-molle en ligne droite, son retour sera encore plus lent. Le mieux est de ne pas s’énerver car vous perdriez à coups sûr. Faites des échanges lents au milieu de la table, puis quand il ne s’y attend pas déportez votre raquette et frappez dans un coin pour la lui mettre à coup sûr.
Bejin : cette femme de petite vertu sert d’une manière pour le moins originale : elle fait léviter le palet jusqu’au milieu de la table, puis l’envoie à toute blinde dans un coin de votre terrain, et impossible de prévoir lequel. Ceci dit, sachant qu’elle tirera plutôt du côté où vous n’êtes pas, on peut arriver à rattraper deux services sur trois. Bof, à part ça son jeu est assez faible, donc au pire vous gagnerez par quinze à quatorze.
Biff : votre pire cauchemar, et par la même occasion le boss de fin. Ce biker, non content d’être une insulte au bon goût (comme tous les bikers), avec son gilet en cuir laissant apparaître son bide poilu gonflé par la bière, est un adversaire redoutable. Son jeu est le même que celui de Eneg, en plus rapide, plus puissant et sans faire de faute. Franchement, il est presque impossible à battre.
Voila pour le tournoi, parlons maintenant de la partie technique. Graphiquement, c’est tout simplement magnifique, les personnages réussissent à être détaillés et colorés sans souffrir du syndrome « gros pixel moche de quinze centimètres » propre à l’amstrad. Ils se permettent même le luxe d’être animés : ils suivent le palet des yeux et ont des petites mimiques quand ils marquent ou encaissent un point. D’ailleurs, l’animation de Lexan qui picole fait ramer la bête. Du côté sonore, c’est moins brillant : une petite musique à l’écran titre, qui est sympa vingt secondes puis qui se ramasse complètement ensuite, un peu comme si on avait donné un orgue Bontempi à un préposé de la Poste maniaque du tampon. Pendant les parties, il n’y a que quatre sons : un pour votre raquette, un pour celle de l’adversaire, et deux quand le palet rebondit sur les bords de la table.
Bon, c’est cool tout ça, mais est-ce que c’est fun ? Oui, Nicolas ! C’est vraiment très rapide, fluide (ce qui sur un amstrad relève de la science-fiction, ayez l’amabilité d’en convenir), le palet cogne dans tous les sens, on est à fond dedans. C’est typiquement le genre de jeu qu’on lance pour faire une petite partie de dix minutes, puis qu’on quitte trois heures plus tard, quand les mains transpirent trop pour continuer à jouer. Le seul défaut que je lui trouve est le déplacement de la raquette au clavier (ou au joystick, c’est pareil) un peu lent et chaotique par moment, ce qui peut rendre le jeu vraiment difficile, surtout contre Biff. Mais ça reste un des titres les plus fun de l’Amstrad, à mon sens c’est même l’un des seuls qui peut être apprécié par quelqu’un qui n’y a pas joué « à l’époque ». Bref, un incontournable.