Salutations, je suis Clovis, humble pion au service de sa Majesté Hugue IV, dit "le combattant-à-qui-on-ne-la-fait-pas".
Aujourd'hui mes amis, nous menons une bataille décisive. Décisive ? On ne sait même pas pourquoi, mais les ordres sont clairs. Suivre à la lettre les directives du grand stratège, un cas zen, selon les chanceux qui ont eu l'honneur de le rencontrer.
Nos deux armées sont sur le pied de guerre, sur le qui-vive quoi, n'attendant que les instructions concernant l'assaut à mener contre ces viles crapules.
On va bien voir du lion ou de l'aigle lequel est le plus hardi au combat.
Moi, je fais partie de la faction ouest. En A2 si vous préférez.
Notre effectif est sensible au leur, la bataille sera équilibrée, cependant, on espère que les ordres ne nous seront pas donnés par le dernier Mickey venu.
Un vent d’hiver venant de l’Est vient lacérer nos visages meurtris, une légère brume s’installe et nous pouvons distinguer du mouvement du côté de ces croques-lardon.
Ça y est, je vois un l'un de nos pions s'avancer de deux cases, lentement mais sûrement.
La bataille a commencé.
Une délicate sensation parcourt mes sous-vêtements, un agréable sentiment de chaleur m'envahit, nous gagnerons cette putain de guerre.
Un pion adverse se met en route et avance de deux cases également, sauf qu'il se trouve maintenant en position de faiblesse par rapport à notre pion.
Ça sent la ruse.
Ou la connerie.
Notre pion lance l'attaque, nous verrons bien. Qu'est-ce que le sacrifice d'un pion sur un champ de bataille où trahisons et hardiesses se côtoient dans un seul et même but, la victoire ? Après tout, on a vu bien pire en 14-18, on dira à sa famille que c'était son idée.
Vlan, un coup dans sa gueule ! Le voilà à terre. Notre pion porte le coup final et le voilà hors d'état de nuire. Fripouille.
Leur cavalier s'avance à son tour et menace alors notre pion.
Que faire ... Envoyer des renforts pour protéger le pion ? Changer de tactique ?
Un pion s'avance, prêt à protéger notre aventurier. Ce mécréant encasqué n'est pas prêt de pointer le bout de son blaire pour chercher des noises à notre compagnon d'arme.
Non, l'adversaire a fait avancer l'un de ses pions et il menace maintenant de concert avec le cavalier notre camarade, vermine.
Il est bloqué. Si il avance il se fait grignoter le cul par un pion, si il reste il se fait tuer soit par un autre pion, soit par le cavalier, lequel ne bougera sûrement pas son cul par peur de se faire défoncer par derrière, poltron.
Bon, on se calme, si le stratège daigne conserver la vie du pion, tout devrait bien se passer ...
Notre reine s'avance pour protéger notre brave compagnon.
Il s'agit de la jouer fine, bien que redoutable et capable d'atteindre presque n'importe quel point stratégique du champ de bataille en un temps record, elle n'en est pas moins aussi fragile que les autres combattants.
D’ailleurs, pressée de montrer ce qu’elle sait faire, notre reine décide de faire fondre le pion bleu. Eh bien ma belle, j’espère que t’avais bien prévu que monsieur le cavalier s’empresserait de te rendre la pareille ! C’est génial, notre pièce maîtresse transformée en ptérodactyle quitte le terrain …
MAIS QUE FOUT LE STRATÈGE ?!
Bien, quitte à crever, autant le faire avec honneur, ce fieffé cavalier ne s'en tirera pas comme ça.
Vas-y, pion, attaque !
De ma place, je ne vois pas bien l'action, mais je crois discerner un bon coup de lance dans les couilles de ce "valeureux cavalier" qui s'écroule sous le choc.
Bien fait.
Comme il fallait s'y attendre, sa reine se venge et bute notre pion.
Notre offensive est à refaire et désormais, l'ennemi attaque avec sa pièce maîtresse ... Diantre.
*2 heures plus tard, le crépuscule approche*
La bataille continue, je n'ai toujours pas bougé de ma place, peut-être le destin ? Verrais-je la fin de cette foutue guerre ?
Pourrais-je rentrer pour la Noël, offrir la Super Nintendo que mes gosses m'ont réclamé l'année durant et un 33 tour de Francis Cabrel à ma femme ?
Maintenant, mes sous-vêtements sont humide et le climat s'est rafraîchit, l'agréable sensation de chaleur est devenue une source de gène considérable et rend pénible tout mouvement. Je comprend enfin ce qu'a dû endurer Sir Bubus Ier qui lors du dernier festival bovin s'est uriné dessus face à une ma foi forte bien belle pièce de jambonneau. Je vous raconterais si je survis.
Le champ de bataille se résume à une myriade d'éléments rouges et bleus, je ne distingue plus mes amis de mes ennemis tant je fatigue, mais l'ensemble fait un très joli tableau.
L'absence des troubadours et de leurs musique à la con me manque un peu je dois dire, bien que la simple sonorité des armes qui s’entrechoquent suffise à motiver les troupes.
Je me décide à attaquer, mais le stratège semble ne pas être d'accord et me fait mine de ranger mon épée.
Il fait avancer l'un de nos golems devant moi, comme pour me protéger.
Le golem s'avance pour détruire l'autre cavalier bleu.
Haha, d'un coup de poing il écrase cette sombre merde, comme si son corps était planté jusqu'au cou dans la terre. Pathétique spectacle que celui-ci, mais néanmoins hilarant ... Je me repisserais bien dessus, tiens.
Le pauvre hère laisse échapper un profond râle, sursaute deux trois fois puis rejoint le saint royaume paradisiaque des bornes d'arcade à 5 crédits pour 1 écu.
D'ailleurs, la reine rebrousse chemin.
Auraient-ils changé de stratégie ?
Quoiqu'il en soit, nous devons saisir cette opportunité...
*Il est bientôt minuit*
Nous avons l'avantage.
La plupart de leurs guerriers ont été décimés.
Nous devons lancer intelligemment l'assaut final.
Quant à moi, j'ai avancé. Si je parviens dans le camp adverse, je serait promu au rang de mon choix, l'adversaire a intérêt à garder ses fesses au chaud avant que je les lui dégelées à coup de lance rouillée.
Mes sous-vêtements se font de plus en plus froid et me paralysent l'entre-jambe.
Je doute ... Arriverai-je entier dans le camp adverse ?
Je n'ai pas le temps d'y penser.
Notre fou attaque la reine, elle va y passer.
Haha, je la vois se faire transpercer alors qu'elle préparait un tour de magie.
C'est au tour du pion chargé de sa protection de la venger.
Il fait apparaître sous mon fou un gouffre dont j'ignore la provenance, surprise totale, nous perdons une pièce importante. Paix à son âme.
Un collègue va se charger du compte de cet enculé.
Ils ne sont plus que 5 et nous 10, non, 9, un pion vient de succomber.
C'est mon tour, je DOIS parvenir au bout du terrain.
Je m'avance fièrement.
Sauf qu'en chemin l'inévitable se produisit ... Mes couilles gèlent.
Pétrifié, à la merci du fou qui n'a pas l'air d'avoir encore remarqué ma présence.
Me voici simple spectateur de cette bataille à laquelle j'étais sensé participer ...
Bien, je vais contempler mes amis remporter la victoire durant ma lente et douloureuse agonie ...
L'un de nos cavalier tue un pion, bien ... Cet homme méritait un avenir ... Les scènes semblent se passer au ralenti ...
Le pion rétorque avec sa lance mais contre qui ? Je ne discerne plus rien ...
L'un des nôtres s'avance et met en échec le roi adverse ... Non, quelqu'un le stoppe ... Le fou bleu me semble-t'il ... Tout est si confus ...
Ah, le roi adverse s'attaque à l'un de nos golems, on dirait qu'il le fait rétrécir, ... Je ... Non, je ne rêve pas ... Papy avait plus d'un tour dans son sac ...
D'ailleurs, moi aussi je vois les autres grandir ... J'ai l'impression de flotter ... *Gasp*
Adieu ...
*Le matin se lève*
J'entre-ouvre les yeux.Je perçois parmi la masse rouge un petit point bleu cherchant désespérément à s'échapper ...
Ma vision se précise ...
Nous sommes sur les traces de la victoire, le roi bleu est seul et ne tiendra plus longtemps ...
Le destin semble vouloir tenir à ce que je vive ... Ou alors il tient à ce que les gosses reçoivent une Super Nintendo, qu'en sais-je ...
Tout ce que je sais, c'est que je suis en vie ... Et sans burnes ...
Je dois les aider ...
Je dois ... Atteindre ... La rive opposée ... Elle n'est plus qu'à deux cases ...
J'entends un bruit de pas ... Un fou se déplace ... Et met magistralement le roi adverse en échec ...
(Vous connaissez l’histoire du con qui oublie de prendre un screenshot de fin de partie ?)
Je suis resté pion, je n'ai plus de couilles, mais nous avons gagné.
Oui, c'est une victoire.
Pour moi, Battle Chess me rattache à beaucoup de souvenirs, il fait parti des premiers jeux vidéo auxquels je me suis essayé. On passait des soirées du réveillon entières avec les cousins à tenter de vaincre les enculés d’en face en subissant des temps de chargement indécemment longs.
C’est aussi pendant des parties de Battle Chess que je faisais tourner en boucle un best-of de Gold emprunté à mon père. (Oui, je sais. Et j’écoutais Louise Attaque en jouant à Heretic). Mais indépendamment de tout ça, il reste un très bon jeu. Divertissant, tactique et old-school jusqu’à la moelle. Et puis il fait moins passer les échecs pour un sport de vieux.