Pas de bras entre tes seins, pas de chocolat dans ton cul.
Bionic Commando
Capcom - 1992
Le jeu qui balance pas mal par Silver

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Camarade oldiste, l'heure est grave. Hier, à 21H00 précises (je m'en souviens, c'était Super Nanny sur M6), l'Armée Doraize, dans la première phase de son plan de domination mondiale, a frappé de ses missiles plusieurs grandes villes de la planète. Comme tu as sauvé la Terre plus de fois que Bruce Willis et Al Gore réunis, tu sais que la réponse se doit d'être immédiate. Ainsi, le gouvernement a décidé d'envoyer un homme dans le duché doraize, afin d'infiltrer les forces ennemies, les neutraliser, et découvrir et détruire le mystérieux projet Albatross avant qu'il ne soit trop tard.






Bien sûr, cette mission semble être trop grande pour un seul homme. C'est pourquoi il n'a pas été choisi n'importe quel coiffeur pour cette mission, oh non. Ce sera le héros de guerre Super Joe qui attaquera de front les troupes doraiziennes. Un homme d'expérience, qui a prouvé sa valeur en massacrant à lui seul des centaines d'ennemis dans le mythique jeu d'arcade Commando (à ne pas confondre avec la sympathique bourrinade sur grand écran de Schwarzie, ni avec le « tube » homonyme de Vanessa Paradis – qui se joue désormais dans votre tête, je suis diabolique).




Sauf que visiblement, l'ami Joe a de l'arthrite dans les guiboles, vu qu'à peine parti, il se fait chopper et capturer par l'ennemi comme un vulgaire scout du Patro. Comme l'idée d'envoyer un seul homme contre une nation entière avait si bien marché la première fois, on décide d'envoyer Rad Spencer, membre du groupe d'élite Bionic Commando, pour accomplir la double tâche de sauver Super Boulet et accessoirement le monde.




Malheureusement, si Super Joe avait de l'arthrite dans ses genoux, pour Rad c'est plutôt du calcaire, vu que le bougre n'est même pas capable de faire un saut. Une sombre histoire de chute en brouette... Mais si notre homme ne sait pas enjamber une caisse, il reste un grand guerrier, grâce à l'utilisation d'un grappin bionique greffé sur le bras qui lui permet de se hisser, se balancer ou se lancer au-dessus de tous les obstacles qui bloqueront sa progression. Nous sommes donc en présence du premier héros de jeu vidéo handi-capable, comme disent si bien nos amis américains.




C'est que c'est quand même ce fameux grappin qui a fait la réputation de l'opus NES de Bionic Commando. Ça, et la possibilité d'exploser la tête d'un clone d'Hitler, dans toute sa beauté gore et pixelisée. Car originellement, Bionic Commando s'appelait « Top Secret : La Résurrection d'Hitler » au pays du bukkake, et vous mettait en face de méchants nostalgiques du troisième Reich, ce qui n'a pas plu aux bien-pensants de Nintendo of America. Exit donc les références aux joyeux lurons nationaux-socialistes lors de la sortie occidentale, seul est resté notre bon vieux Adolf – renommé Master D., mais à la moustache toujours aussi soyeuse.




Mais patatras, c'est une deuxième trahison que l'on a affaire dans ce remake Game Boy de Bionic Commando. L'histoire exclut complètement les joyeusetés nazies, quelle que soit la version. Pourquoi diable les nazis sont-ils toujours aussi mal vus ? On est en 1992 ! Ils ont droit à une seconde chance ! Du coup, tout ce petit monde est remplacé par l'Armée Doraize (j'aime beaucoup ce nom, ça fait très France du fond : « Visitez la Doraize, ses paysages, son pâté, ses plans de conquête du monde... »), dirigée un méchant mégalomane nommé « Director Wiseman ». Ah finalement, si on peut se venger de Len Wiseman pour avoir réalisé Underworld, ce sera presque aussi bien que de botter des culs fascistes.




Mais malgré ces sombres histoires de censure, Bionic Commando reste sur la portable de Nintendo le platformer atypique qui a séduit des milliers de joueurs grâce à son concept ingénieux que l'on peut résumer en un seul oxymore : « le jeu de plate-formes où vous ne sautez pas ». Oui, ça semble aussi étrange que « salade de viande », mais rassurez-vous, ça marche. Son gameplay complet repose donc sur l'utilisation du grappin, qui vous permettra de vous jouer de tous les obstacles, vides et autres fosses à piques si typiques. Et comme le dirait un scribouillard qui hante ce site mais que la décence m'interdit de nommer, « Jeu à grappin, Pipo met 20 ». Mais comme on n'est pas dans un papier de pique-assiette et qu'on veut faire du vrai journalisme d'investigation, digne d'Albert Londres et de David Pujadas, autant lancer le jeu avant de donner son avis définitif.




Premier écran de jeu, comme à la maison, un plan, des routes, des zones par numéros. Votre hélico doit se déplacer de case en case pour boucler tous les niveaux avant de se diriger droit vers le gros méchant dans sa base secrète, classique. Les zones blanches en blanc sont les niveaux, grouillants d'ennemis et de pièges vicieux, au bout duquel se trouve le générateur qu'il faudra exploser proprement pour boucler le stage. Les zones noires sont des « zones neutres », dans lesquels vous trouverez des équipements supplémentaires et des informations. Enfin, sur les routes voyagent aussi des troupes ennemies que vous devrez combattre si vous les croisez.




Cet écran de sélection des stages semble offrir au joueur la liberté de faire les stages dans l'ordre de son choix, mais certains stages nécessitent un équipement spécifique pour y accéder, et les déplacements case par case en hélicoptère, sans compter les ennemis qui patrouillent continuellement la carte, forcent finalement le joueur à accomplir les stages dans l'ordre, au lieu de partir comme un bleu dans le dernier stage avec le pistolet à bouchons de base et sans le décodeur adéquat, et donc de se faire fesser joyeusement d'entrée de jeu. La carte en hélico n'apporte au final peu de libertés, mais reste un petit plus sympathique pour l'ambiance militaire, et puis c'est l'intention qui compte.




Le pilote largue notre bon Rad en territoire ennemi, et le jeu peut enfin commencer. Premier choc : c'est beau. Même sur Game Boy, on sent les quatre années qui séparent l'opus original de ce remake. Les décors grouillent de détails, les arrière-plans sont plein de vie, il suffit de voir les menaçantes tours armées à l'horizon du premier écran pour être charmé. Et si ça ne suffit pas, cherchez les Game Boys déguisés en plateformes dans la zone des chariots. Pour s'accommoder à l'écran minuscule et donner un cachet propre au jeu, le style militaire de l'original a été remplacé par un style science-fiction mangaïde assez agréable, même s'il fait ressembler le héros au résultat des amours contre-natures de Megaman et Sangoku.




La mise à jour a également fait des merveilles sur la maniabilité : si le concept n'a pas bougé d'un poil, le jeu est ici plus fluide, plus agréable, loin de la raideur de la version de salon. C'est avec un plaisir non dissimulé que l'on se balance gaiement de plateforme en plateforme, tout en éliminant les vagues d'ennemis qui vous attaquent mollement. Troufions de base, barbares pondeurs de boules à piques, nains cosplayés en Megaman, aucune des forces d'assaut doraiziainnes ne vous posera de réel soucis, surtout lorsque vous aurez troqué votre fusil Nerf de base contre un bon vieux lance-grenades des familles. Même les boss vous feront gentiment ricaner comme devant un enfant autiste.




Ces mous du bulbe ne sont finalement pas la vraie menace, car votre plus grand ennemi, c'est le vide. L'abime qui s'ouvre sous vos pieds, synonyme de trépas instantané. Votre barre de vie rallongée à force de ramasser les cartouches des soldats ennemis ne vous servira à rien lorsque vous serez en face de la série de crochets de grue de la zone 8, et vous n'aurez plus qu'à prier que vous tomberez sur une plateforme si jamais votre grappin trop court de deux misérables pixels loupe le crochet suivant. Profitez-en, car vous n'aurez bientôt plus de plateformes pour vous sauver en cas d'échec. Bionic Commando commence gentiment, en caressant le joueur dans le sens du poil, avec son pixel douillet et ses chiptunes fraiches, mais devient une petite pute vicelarde et borgne (et peut-être même de droite) vers la deuxième moitié, le studio de développement ayant soudainement été pris en otage par des anciens collaborateurs de Pinochet. Face à tant de méchanceté, vous ne cracherez pas sur les vies, les continues, et le système de password qui facilitent un peu les choses comme pour les mauvais tels que votre serviteur.




Mais on s'y prend. Parce qu'on est oldies, et un peu maso, et qu'on aime relever les défis de programmeurs sadiques, surtout quand ils sont servis avec tant de maestria. Au delà de l'aspect technique, du soin apporté à ses facettes visuelles et sonores, c'est réellement l'exploitation d'un concept qui fait un jeu comme Bionic Commando. Le grappin est un bonheur à manier, mais aussi une vrai casse-tête, quand un simple gouffre à franchir requiert un combo « Je-m'accroche-au-plafond-du-haut-la-verticale-je-me-lâche-pour-me-rattraper-en-diagonale-pour-me-balancer-je-me-jette-et-je-m'accroche-in-extrémis-au-crochet-en-face ». Mais rapidement, ces enchaînements deviendront une seconde nature, et un plaisir chaque fois renouvelé par la satisfaction simple de se balancer comme un niais, accroché à une corniche, en poussant des petits « Ouuuiiii ! » peu virils.




Et pour rompre la monotonie, un certain niveau de mise en scène est assuré afin de vous tenir éveillé. Certes, ça ne gagnera pas l'Oscar et ça ne réinvente pas l'eau chaude à couper le beurre, mais c'est une initiative à saluer encore pour l'époque, et elle vous mettra parfois en face de situations inattendues, comme être momentanément privé de votre arme, condamné à jouer à cache-cache avec les caméras de surveillance.




Au final, Bionic Commando a tout du MU de la Game Boy : un concept de maniabilité habilement maîtrisé enrobé d'une délicieuse couche de pixel art et de chiptunes qui détonnent. Dur et passionnant, telle est la marque des grands jeux, de ceux qui transforment un week-end morne à La Panne en gagne épique, de ceux qui vous collent sur le trône jusqu'à ce que vous vous étaliez comme une merde en vous relevant pour cause de jambes engourdies, le pantalon sur les chevilles et le cul en buse. Son seul défaut, au final, est de n'être qu'un portage et non un jeu propre – un portage qui arrive néanmoins, non seulement à rendre fidèlement l'esprit de l'original sur portable, mais également à lui donner un bon coup de polish à l'occasion, offrant au joueur une expérience sublimée. Et honnêtement, je ne vois pas quoi demander de plus – sauf peut-être quelques nazillons à dessouder au passage.
Le point de vue de César Ramos :
Relativement commun, à prix ridicule. Jetez-vous dessus.