Lundi 17 Mai, 5000 mètres d'altitude, quelque part entre le Cantal et le Lot-et-Garonne. Pour tromper mon ennui et oublier le fait que je voyage à bord d'un avion en plastique, marinant dans les scories de la gueule de bois du week-end, je me tourne vers [NES Pas ?] et ses bonheurs de pixels. Pouf pouf, que va-t-on puiser dans la musette à cartouches aujourd'hui ? Allez hop, ça sera toi, oui là, petit jeu Game Boy que j'ai arraché à de mornes brocanteurs d'un dimanche bordelais pluvieux. Hop, B.C. Kid, dont j'ignorais l'existence jusqu'à le trouver coincé entre un service à liqueur en grès orange et un vinyl de Jean Ferra.
B.C. Kid, alias Bonk, la légendaire mascotte de la non moins légendaire console PC-Engine, NEC pour les intimes, Sylviane pour les fétichistes. L'homme des âges farouches, celui dont le corps est composé à 50% par sa tête, un peu comme Karl Lagerfeld. Une merveille de plates-formes qui accouchera de trois épisodes hauts en couleurs sur la console d'Hudson. Du classique par excellence, indispensable dans toute collection ayant un tant soit peu d'intégrité. Ce qui n'est pas mon cas, n'ayant pas en ma possession la petite japonaise. Ceci dit, mon intégrité est partie voilà belle lurette, depuis qu'il a été révélé en place publique que je portais des gaines. Mais je m'écarte du sujet. Et ce n'est pas en s'écartant du sujet que l'on va repeupler la France, disait Michel Debré.
Bonk a donc eu droit à ses aventures sur Game Boy. Parbleu. Si j'avais du succomber à un infarctus sur mes toilettes en ce jour du Seigneur, je serais mort moins idiot - bien que dans une position m'interdisant tout passage à la postérité. Les bonnes surprises étant une denrée rare en ces temps d'austérité et de Laurent Ruquier, on va s'empresser de faire chauffer le rectangle grisâtre de Nintendo et de dresser une analyse sans concession de la bête. Andiamo, comme dirait un allemand qui aurait fait italien seconde langue.
L'introduction donne le ton : c'est coloré (enfin, façon de parler), enjoué et mignon tout plein. De prime abord, le transfert de support c'est plutôt bien opéré. On ne s'éternisera pas sur le postulat, ici purement fonctionnel et servant de passe-plat au reste du jeu. A tel point que l'on en sait foutre rien en fait. Passons. Aussitôt le bouton start caressé de votre pouce dodu, le jeu commence, pas le temps d'aller soulager sa vessie, il fallait être plus prévoyant. Ou alors vous restez assis et dans ce cas, j'espère que vous vivez seul. Mais je digresse dangereusement, revenons à nos ptérodactyles. Le jeu commence et c'est beau. On a certes laissé sur le carreau les couleurs chamarrées du support d'origine et grignoté quelques pixels dans la résolution globale mais les faits sont indéniables : c'est tout sauf laid. Chaque élément se détache impeccablement du reste, les sprites sont détaillés, les animations craquantes et on prévoit même un ciel dégagé sur Cancale en début de journée. Vraiment, du bonheur en flacon, on ne saurait arguer le contraire.
Un des éléments clé réjouissant petits, grands et attardés a été conservé, à savoir la propension du personnage à faire l'andouille. Se ruant sur toutes les occasions pour grimacer et gesticuler à qui mieux mieux, notre petit Bonk mouille le maillot pour nous distraire de ses pitreries. Principalement par le biais des power-up permettant de faire du gruau de vos adversaires pourtant déjà peu véloces. Ainsi, en grignotant des morceaux de viande, vous vous transformerez en über-néanderthal bien décidé à ne pas se faire baiser dans la grande course de l'évolution des espèces. Malheureusement les affres de la conversion se font sentir et la palette des transformations a été cruellement amputée, exit par exemple le dinosaure mongoloïde. Mais on se consolera par la palette de mimiques dont nous gratifiera notre petit personnage, qu'il s'agisse d'escalader une falaise avec les dents ou de remonter une chute d'eau en remuant frénétiquement ses petits bras.
En dehors de ceci, notre homme lisse à peau de bête se manie avec une grande souplesse et on retrouve avec le sourire niais l'efficacité des grands titres de la PC-Engine. On est à l'époque des âges farouches, au sens propre comme au figuré : l'éventail des possibilités est réduit à sa portion congrue, à savoir sauter et donner des coup de crâne. Dieu que ce temps était plus doux et ma vérole moins galopante. De la plate-forme des origines, troublante dans sa sobriété et touchante dans sa générosité. En ces temps obscurs où le moindre représentant du genre exige une mobilisation d'au moins un quintette de boutons ainsi qu'un nombre de combinaisons que je me refuse de ne serait-ce qu'imaginer, j'en verse des larmes. Ou est-ce seulement ce chili de midi qui passe mal, allez savoir.
Seule escarre sur les fesses de notre bonheur : la durée de vie du jeu. L'ensemble est suffisamment léger pour être achevé d'une seule traite et en un temps suffisamment succinct pour ne pas louper le dernier épisode des Experts Miami. Parce que nous avons affaire ici à un jeu facile. Peut-être pas autant que la petite Lætitia de 4ème D qui officiait dans les toilettes du collège mais peu s'en faut. Des ennemis en nombre modéré et d'une véhémence purement syndicale, des boss qui vous mangeront dans la main une fois leur schéma d'attaque cerné et des niveaux construits comme une promenade digestive. Seul l'affrontement final sera un tant soit peu retors. Et encore, les continues infinis étant un harnais de sécurité supplémentaire. Enfin, se serait faire l'enfant gâté (au sens figuré s'entend, sinon ça serait répugnant) que de bouder ce petit plaisir qui nous permet de profiter de l'esprit NEC sur notre petite portable, sans pour autant avoir besoin de monter un laboratoire de crack pour s'offrir une PC-Engine GT. Allez, allez, vous devriez déjà être en train de le chercher.