N°1 à l'Est du mur.
Fortified Zone
Jaleco - 1991
Oui mais non. Mais oui...Mais non. Et puis merde. par Kazend

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
On n'apprend qu'en tombant, et bien qu'Ayrton Senna ne soit plus là pour en témoigner, ce vieil adage s'applique à bien des niveaux comme à celui d'un enfant de 8 ans.

Lorsque je pus acheter pour la première fois un jeu de Gameboy avec mon propre argent, c'était lors de la fameuse brocante de Crèvecoeur le Grand et une forme de divinité quelconque avait décidé que non, cet évènement ne se solderait pas par l'acquisition d'un Gargoyle's Quest, d'un Wario Land ou encore d'un Gremlins 2. En ces temps où la seule illustration de la cartouche pouvait éventuellement exprimer la qualité du jeu, je n'avais d'autres choix que jeter mon dévolu sur ces deux guerriers arborant fièrement leur arme, le regard chargé de défi envers quiconque oserait menacer une nouvelle fois notre sainte Amérique. C'était ça ou cette espèce de gargouille verte grotesque, un genre de plagiat éhonté de Super Mario Land 2 voir pire, ce petit monstre marron aux oreilles ridicules et à l'air faussement menaçant.



Il m'aura fallu 15 ans pour comprendre et me remettre de mon erreur. Fortified Zone ne pouvait s'offrir complètement à moi, jeune pré-adolescent capricieux et gâté en jeux de qualité que j'étais.
Si je le pouvais, je reviendrais me mettre une baffe pour me dire que je l'ai bien mérité, même si j'étais déjà en train de déplorer cette honteuse injustice m'ayant coûté 50 francs, les larmes aux yeux.




Quand on est bien élevé, on se montre poli avec les personnes âgées, ce à quoi je rajouterai que c'est bien plus souvent par pitié que par respect de l'expérience, et par conséquent c'est avec une certaine forme d'humilité que l'on aborde ce genre de jeux. Un peu comme quand on vous intime le respect vis-à-vis de ce vieil oncle qui aurait fait la guerre en évitant soigneusement de rappeler qu'il était terré derrière la ligne Maginot à jouer à la belote, comme les autres.

Nous n'allons pas nous montrer plus méchants que nécessaire avec Fortified Zone et c'est pourquoi je commencerai par nuancer ses défauts pour voir si il y a quelque chose à en tirer.

De prime abord, Fortified Zone évoque visuellement ce fameux plat de pâtes au beurre bien connu des étudiants en art, ce n'est pas mauvais mais on n'en servira pas pour autant lors du premier dîner en amoureux avec cette élève en théâtre. Disons-nous que ça fera bien l'affaire lors des fins de mois, même si au premier regard le tout tient plus de la choucroute de cantine scolaire mais si vous parcourez ce site, c'est que vous êtes un joueur ou une joueuse de goût. Sur [Nes Pas?], nous savons donner sa chance au produit tout en sanctionnant sévèrement le moindre faux pas et il serait indigne de la part des gentlemen que nous sommes de s'arrêter au simple aspect d'un jeu sorti sous Mitterrand.



Le jeu est un jeu de tir vu du dessus, on navigue entre les écrans en tirant sur tout ce qui n'est pas un mur, on évite les pièges, on avance à tâtons dans les pièces plongées dans le noir (un cas d'école qui devrait être enseigné dans toutes les formations en level-design), on affronte des tanks avec son pistolet à fléchettes et on sauve le monde. Le bouton B sert à tirer et on se sert du bouton A pour l'arme secondaire du personnage masculin ou pour sauter avec le personnage féminin. Il est également possible de switcher entre les deux en cours de partie eeeeeet, c'est à peu près tout.



Dès lors, il ne reste qu'à parcourir les différents niveaux en pestant au début contre l'extrême rigidité des personnages avant de se surprendre à enchaîner les boss jusqu'au final du jeu.
Musicalement, on est accompagné par deux ou trois boucles que je qualifierais de "pas transcendantes mais bon" pour rester poli tout en m’abstenant de tout jugement depuis que j'ai passé un après-midi avant de composer une ligne de percu correcte avec un soundtracker Amiga.
En fait il n'y a vraiment pas de quoi s'attarder, on se satisfait vaguement d'y jouer sur le coup avant d'oublier totalement le moment passé dessus une fois terminé, un peu comme un MacDo, parce qu'au final, Fortified Zone incarne le dérisoire, le jeu militaire moyen parmi les moyens, même pas à la hauteur de la comparaison entre la JAPD et une bonne année de service militaire à se tripoter dans les douches de Vaison-la-Romaine.

Même le multijoueur ne complète que passablement l'expérience, ça va plus vite, on est plus efficace mais à la moindre mort, il faut retrouver son cadavre parmi la quinzaine de tableaux composant un niveau pour tenter de le ranimer. Ceci dit, ça permet de partager un moment bien sympathique quand on a déjà écumé seul l'ennui de certains niveaux.






Ce qui est assez paradoxal, c'est qu'après avoir terminé le jeu pour la première fois de ma vie récemment, je n'ai pas réussi à mettre le doigt sur le moindre défaut méritant de fustiger Fortified Zone malgré la qualité globale de ce misérable assemblage électronique entièrement à la merci de ma plume. Il est vrai que lorsque l'on a navigué dans les eaux chaudes de la ludothèque Gameboy, on grimace à peine après avoir trempé le pied dans les eaux du Tréport, si il me fallait à nouveau dresser une analogie maritime avec des jeux vidéo, alors que je trouve ça stupide, je me dégoûte.

Tout est médiocre dans Fortified Zone, exactement comme un 11/20 en histoire géo, une pâte à crêpe avec trop de lait ou un 50/50 aux élections municipales de Crèvecoeur le Grand. Seulement, le charme opère et on se prend au jeu, vu la faible intensité de l'expérience et la courte durée de vie on se permet de lui consacrer une petite heure.

Et tout ça, c'est pour une bonne raison. Bien que Fortified Zone incarne à merveille la mention passable lors du bulletin trimestriel en CM2, c'est un jeu d'une autre époque, le oldisme moyen mais efficace auquel tout-un-chacun a été confronté au moins une fois dans son enfance. Le charme de la simplicité et de la volonté de bien faire sans forcément se rendre compte du faible intérêt du produit terminé dans toute sa splendeur.

Fortified Zone, je te méprise et pourtant je t'aime.





Le point de vue de César Ramos :
Commun tel un rhume à la fin l'automne pour moins cher qu'une boîte de kleenex.