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Dragon Ball Z : Les Guerriers Légendaires
Bandai - 2002
La fois de trop par Kazend

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Je ne sais pas pour vous, mais je m'emmerde facilement. Il y a des après-midi comme ça durant lesquelles on sait que la journée sera foutue et qu'il ne restera qu'à attendre le dîner pour espérer s'occuper devant un épisode des Simpsons vu et revu des centaines de fois avant d'aller se vautrer dans son lit telle la misère dans une ruelle sombre d'un village de la Picardie profonde.
Pour vous dire, j'avais même songé à écrire une critique pour Nes Pas pour faire au moins nourrir l'illusion d'être productif, mais que voulez-vous, mes collections de vieux jeux aussi poussiéreux qu'un trente-trois tours de C. Jérôme se trouvent à deux étages de moi. Amici, diem perdidi.
C'est alors qu'à deux doigts d'allumer cette playstation de dépit, l'obscurité telle un voile noir s'installa en moins de temps qu'il ne faut à Fungus pour renoncer à dire chocolatine lorsqu'il est au pied du mur et qu'il est en train de se rendre ridicule dans une boulangerie amiénnoise. Mince alors, les plombs qui sautent alors que j'avais bien veillé à laisser le grille-pain débranché. Et puis c'est fou ça, je ne me rappelais pas avoir aussi mal à la tête il y a 10 secondes.
Comme si c'était possible, l'obscurité redoubla subitement de noirceur. Ou alors c'était cette impression de m'être pris un coup sur la nuque qui venait de se confirmer et je venais alors d'en recevoir un second.




A mon réveil, un homme se tenait dos à moi. Il semblait remettre à deux silhouettes de statures imposantes des sacs plastiques Monoprix remplis d'objets en plastiques avant de les remercier d'un hochement de tête. Suite à leur départ, il revint vers moi, comme si mon réveil ne lui avait pas échappé.

"Tsk, encore deux imbéciles à qui j'ai réussi à faire croire que ces Secret of Mana étaient des raretés, mais passons. Le travail est fait, te voici devant moi.
-Oui alors c'est cool bonjour, ce sont bien ces deux brutes qui sont venues me tabasser dans mon propre salon ? Car laissez-moi vous dire que je ne vais pas me laiss-
-Cela fait quelques années que je t'observe
, dit-il en m'interrompant comme lassé par des victimes trop souvent bavardes.
-Okay super on ne me l'avais jamais faite, on se marre. Allez, je ne dirai rien à la police si vous me rendez ma liberté séance tenante. Je compte jusqu'à troi-
-Tu sais fiston, tu es fermement ligoté à cette chaise en bois avec plusieurs longueurs de câbles de manettes de Nintendo 64, qui comme chacun le sait offrent le plus de solidité et donc de fermeté grâce à la ridicule longueur de leur fil. Je disais donc que je te suis depuis quelques années, toi et tous les autres sur ce site, d'ailleurs. Et bien aujourd'hui, je te met à l'épreuve. J'espère que tu ne pleureras pas, toi"


Mon sang ne fit qu'un tour, et malheureusement pas par chacun des membres qui en avaient le plus besoin.

"-......Vous... Vous êt- je. Est-ce que vous.
-Lui-même."




Il fit le tour de la chaise, détacha les liens qui m'y serraient poignets et chevilles, puis revint face à moi en allumant une lanterne qu'il posa sur l'unique table qui occupait la pièce. Nous nous tenions dans une chambre de bonne miteuse dotée d'une demi table, d'une vieille cathodique, d'une chaise et de nous deux : moi et l'homme que la lueur vacillante projetée par cette lanterne rouillée me permettait alors d'identifier.
César Ramos.
Le pardessus noir, le feutre vissé fermement sur la tête de façon à ne pas en dévoiler le moindre détail superflu, je ne l'avais encore jamais vu mais la description du site ne laissait pas la moindre place au doute.



"Ne perdons pas de temps, dit-il en me tendant un stylo bic criblé de traces de dents, deux feuilles et une Gameboy Color dans son écrin.
-Quoi, vous m'avez fait tabasser par vos deux lutteurs de foire pour me faire jouer à la gameb-
-Je te met à l'épreuve aujourd'hui. Tu es le seul du site à pouvoir t'occuper de ce jeu.
-Quoi non, refilez-le je sais pas à Petemul ou à Taz, ils aiment bien les jeux de merde eux.
-Non, tu vas m'obéir et fermer ton claque-merde."

Glacé par le ton qu'il venait soudainement d'adopter, je décidai de m'emparer de la Gameboy Color afin d'en finir une bonne fois pour toute.
"Je ne connais pas ce modèle, il y en a eu d'autres des Gameboy Color rétro-éclairées comme ça ? En plus le coloris ne me parait pas comm-
-Joue."


Dans le doute, faisons ce qu'il dit.

J'enclenchai alors l'interrupteur juste avant de m’apercevoir du traquenard dans lequel je m'étais retrouvé.



"Okay maintenant on arrête, j'annule tout.
-Tu n'as rien à annuler, tu es là car JE l'ai décidé.
-Admettons. Mais vous savez quoi, vous pouvez allez bien vous faire foutre, j'ai juré que plus jamais je ne testerai de jeux Dragon Ball Z, c'est toujours la même chose, les mêmes intros, les mêmes conclusions, les mêmes vann- "

Alors que j'allais terminer ma phrase, César Ramos sorti une Lynx de sa poche qu'il abatti violemment contre mon visage.
"Tu vas m'écrire une critique de ce jeu parce que je te l'ordonne et aussi parce que la prochaine fois que je te reprends à geindre, je t'enfonce ce module Mpeg pour Phillips CD-i droit dans ton cul."

Impassible, imperturbable, inébranlable, la simple vue de César Ramos suffisait à me faire comprendre qu'il ne me restait plus qu'à m'exécuter. Je retenais difficilement mes larmes, était-ce la colère ? Le dégoût ? L'indignation ? Dans les faits, je n'avais pas le choix, j'avais sous les yeux un exemplaire de Dragon Ball Z : Les Guerriers Légendaires et je devais lui faire sa peau. Je laissais s'échapper un soupir de dépit qui n'échappa pas à César Ramos.
"Et entre nous, tu n'aurais jamais critiqué ce jeu si ta vie n'en avait pas dépendu."
Impossible de rétorquer, j'approuvais avec un bref hochement de la tête... avant de repenser subitement à ce qu'il venait de me dire.

"Comment ça ma v-
-Façon de parler. Par contre tu pourras dire adieu à ton exemplaire de Final Fantasy III US et à cette disquette Amiga d'un jeu Dragon Ball jamais sorti dans le commerce. Oh, et à tout le reste aussi.
-Ah non bordel, j'ai mis trop de temps à tout amasser. Vous n'allez quand même pas tout refourguer à des magasins de retrogaming à des prix dérisoires quand même ?!
-Jamais de la vie je refile des jeux à ces enfants de rien. Et puis t'occupe. Gratte et ferme ta gueule."



Au point où j'en étais, autant reprendre ma partie et lui obéir. La vache, le jeu est sorti en 2002. Pour rappel, la même année, Pokémon Rubis et Saphir trustaient tous les top ventes sur Gameboy Advance. Alors pensez-vous, un jeu Dragon Ball sur Gameboy color, c'est tout juste si on a dû s'apercevoir de sa présence.
Et si il avait été bon, on l'aurait su, je m'attaquais vraiment à l'inconnu. Mais l'inconnu qui sent un peu chelou comme un vieux frometon oublié dans un coin du frigo.
Tout ce que me laisse deviner l'introduction du jeu, c'est que nous avons affaire à un jeu de cartes au tour par tour donc. Argh, comme l'épisode Super Nintendo mais sans les musiques chouettes. Tout ceci s'annonce laborieux mais continuons, je n'ose imaginer sa réaction quand il verra mes jeux Atari ST en boîte avec les autocollants promotionnels encore à l'intérieur. Bref, revenons-en au jeu.



C'est moche.
Mais alors vraiment beaucoup. Je veux dire, faut-il que je vous rappelle ce qui est sorti sur Gameboy Color depuis sa sortie ? Non parce que sortir ça en 2002, c'est un peu comme si Dave se pointait en mode "eh dites, j'ai composé quelques chansons là, y'aurait moyen de passer ça à l'antenne ?". Pour être plus précis, et un peu moins injuste, les phases de jeu le sont. En dehors de ça, les écrans fixes restituant les portraits des personnages ou certaines scènes marquantes sont plutôt bien retranscrites. Enfin heh, moi les 42 tomes je les ai, si je veux me refaire Dragon Ball (une 612ème fois) ce ne sera certainement pas sur Gameboy Color.
Ah et musicalement, ce n'est même pas la peine, je demandais à César Ramos l'autorisation de couper le son, ce à quoi il a, à mon non-surprise, répondu en posant bien en évidence sur la table le module Mpeg pour Phillips CD-i.

"Bon, juste, est-ce que je suis obligé de reparler de l'histoire de Dragon Ball ?
-Une critique juste est une critique complète."





Grmf. Bon, en gros l'histoire débute peu après la "période Dragon Ball Z" pour parler vulgairement.
Sangoku est adulte, présente son fils Sangohan à ses amis, il se le fait chourave par son frère Raditz qui débarque pour dire qu'en fait il appartient au peuple des saiyen et qu'il était supposé buter tous les terriens. Sangoku fait alors équipe avec Piccolo son rival du moment qui a tout autant intérêt que lui à débarasser la planète de ce personnage grotesque. Ils y arrivent relativement facilement dans la mesure où Sangoku est obligé de sacrifier sa vie pour que Piccolo puisse porter le coup final à Raditz. Au cours du combat, Sangohan a révélé une puissance énorme qu'il ne déploiera que dans un état de colère avancé. Piccolo décide alors de le prendre sous sa coupe pour l'entraîner. En effet, les deux potes de Raditz ne vont pas tarder à arriver sur Terre car Krilin a merdé en révélant l'existance des Dragon Ball alors que l'émetteur du vilain saiyen laid était encore actif. Le jeu débute à cet instant précis et vous incarnez alors le jeune Sangohan qui a tout juste quatre ans au moment des faits.

"Très bien, continue comme ça.
-Oui alors merci, mais arrêtez de m'interrompre comme ça, là ça me coupe un peu.
-Ouh pardon, désolé."


Donc on laisse Piccolo nous expliquer les rudiments du jeu, le fonctionnement des combats et des decks de carte puis on l'affronte dans un combat singulier en guise de tutoriel. Très bien, vivement la suite. Je me rappelle avoir beaucoup aimé cette partie du manga, je suis pressé de refaire les combats contr- Oui non oubliez. De l'entraînement avec Piccolo à l'arrivée de Sangoku, sont supposés se dérouler environ trois tomes. Là, tout est expédié sans le moindre combat et en bulles de dialogues. Certes, elles ont la décence de plutôt bien adapter les Saints Ecrits donnant l'impression que pour une fois, les gens à l'origine de la traduction ont lu le manga, mais ça reste du zut de texte alors qu'on est venus pour la bagarre.
Alors que je m'emparrais de la Gameboy pour reprendre ma partie, je tournais le regard en direction de César Ramos qui avait entrouvert son trenchcoat à cause de la température de la pièce.

"Heu, Hem. Hrrm HRM. Euh, c'est le t-shirt Nespas ça, vous étiez à Pornic ?"

En guise de réponse, César Ramos se tourna vers moi en une fraction de seconde avant de me balancer la Lynx en plein dans la tronche, incapable que j'étais de l'éviter à cause de la pénombre.

"Occupe-toi de ton cul et reprends ta critique, la prochaine fois ce sera une Game Gear MkII qui laissera l'emprunte de ses boutons sur ta gueule de con.
-Une ... MkII ? Qu-"


J'entendais le tabouret racler sur le sol, c'était signe qu'il valait mieux que je me recentre sur mon papier.



Une trentaine de combats au total attendent le joueur, couvrant la totalité de l'histoire de Dragon Ball (après la naissance de San Gohan du moins). A ceux-ci se rajoutent deux modes histoire alternatifs faisant office de chapitres bonus. Pourquoi pas. Entre ça et la pléthore de personnages à débloquer, le foutage de gueule n'est peut-être paaaaaas si total que ça.
Disons que face à la qualité somme toute relative des phases de jeu, un peu de contenu me semble être la moindre des choses. Tout du moins, c'est ce que je me plaisais à croire durant mes premières heures de jeu. Au début, le temps s'écoulait plus rapidement qu'à l'accoutumée, comme lorsque l'on se plonge dans un jeu vidéo réussi et que "allez, à 16h promis j'arrête sauf si j'ai pas encore monté tous mes persos à Avernum d'un niveau" pour finalement sortir la tête de son campement de fortune fait de couettes tendues et d'oreillers dans les coins aux alentours de trois heures du mat avec une envie de pisser de tous les diables. Sauf que là, rien à voir avec le confort de ces cabanes moelleuses, le temps s'était subitement ralenti et chaque minute de plus sur ce jeu me semblait être aussi longue qu'une demi-heure à attendre que des toilettes se libèrent.
Depuis combien de temps étais-je là, sur cette chaise à jouer à cette horreur, substituant à la douleur provoquée par des escarres sous les fesses la lassitude procurée par tous ces combats aussi identiques qu'interminables ?
Je levai les yeux vers César Ramos. Celui-ci avait fini par s'occuper lui-même avec une console portable difficilement identifiable dans la pénombre du coin où il s'était installé. Ce qui était sûr, c'était la présence du logo Sega sur cette étrange console à trois écrans. Mais au moment où je plissais les yeux pour en discerner un peu plus, César Ramos se tournait vers moi en me demandant où j'en étais.
C'en était trop.

"Ecoute, César, je n'en peux pl-
-Tu vouvoies César Ramos.
-Ok pardon. Donc j'en peux vraiment plus de votre jeu de merde. C'est moche, c'est inaudible, c'est répétitif à en choper la chiasse et je connais trop bien Dragon Ball pour faire semblant de m'intéresser à la façon dont le jeu retranscrit l'histoire, même si il fait ça exceptionnellement bien. Le système de carte est stupide et n'invite même pas à la stratégie ou à la prise de risque malgré l'intégration d'un système de placement sur le terrain pourtant peu commun dans ce genre de jeux. Améliorer ses persos ne sert strictement à rien et le système de deck est mal fichu, en fait le seul éventuel intérêt du solo est de débloquer des cartes et des persos pour jouer en multi via le câble link. En gros, on passe le plus clair du temps à zaper des textes que l'on connait déjà par coeur pour rien. Je veux dire, en 2002 c'est bon, les joueurs du monde entier avaient clairement exprimé que les RPG Dragon Ball Z étaient voués à l'échec et que seule la baston et éventuellement le beat'em all étaient des genres compatibles avec la série. Ce jeu en est la nouvelle preuve criante.
-Ouais super, bravo merci. Tu me refais la même par écrit et je te raccompagne à la sortie avec un troisième bleu au coin du front.
-Quoi, c'est tout ?
-Oui, tu as fait ce que j'attendais de toi et tu ne m'as pas trop déçu, je ne suis pas venu pour rien.
-...
-Souris sac à merde. Quoi t'es pas jouasse ? Ta critique occupera les visiteurs du mois de Décembre qui commençaient à s'impatienter. Tu n'aurais jamais rien fait sans ma petite visite."


Il n'avait pas tort. Alors qu'il m'invitait à me lever de table, je me massais avec vigueur mon fessier endoloris par cette terrible épreuve. Je jetais un dernier regard chargé de dégoût sur ce jeu Dragon Ball Z que je souhaitais oublier dès mon retour au logis.



Alors que nous nous dirigions vers la porte, je me pris les pieds dans le fil d'une manette Nintendo 64 qui traînait alors. Pour me rattraper, je m'accrochai machinalement à la manche de César Ramos qui, surpris, dut se ré-équilibrer en faisant un pas de côté. En me redressant, j'aperçus sous son chapeau légèrement de travers la silhouette de son visage. D'instinct, je détournai alors brusquement le regard avant qu'il ne me remarque. Trop tard.

"Réponds-moi. Est-ce que tu as vu mon visage ?
-NON NON NON. Non. Non il fait trop sombre, je n'ai presque rien vu.
-Il vaut mieux pour toi. Je te défends d'en parler à quiconque.
-Je vous jure. Je. .. ... Okay, mais juste, ... Vous. Vous êtes plusieurs comme ça ?"


Une violente douleur parcourait l'ensemble de ma nuque au moment où l'obscurité la plus complète brouillait mon regard et mon esprit.
Je me réveillai mollement dans mon canapé à Crèvecoeur le Grand après avoir visiblement passé de nombreuses heures dans une position peu confortable pour mes articulations. J'étais certain des événements de ces dernières 24h, mais impossible de rassembler la moindre preuve ou la moindre trace de ce qui s'était passé.
Alors que je rassemblais mes esprits, on tapait au carreau. Je me levais alors pour ouvrir les rideaux avant d'apercevoir César Ramos sur le trottoir d'en face, une poignée de cailloux dans une main, un doigt d'honneur tendu vers moi dans l'autre. M'adressant alors un bref salut de la main, je ne cherchai pas à le suivre du regard. Je me contentais de lui rendre la politesse, le torse bombé et le regard chargé de respect pour cet homme que je n'avais jamais cessé de considérer comme un ange gardien.
Quel homme ce César Ramos.



Epilogue :
Quelques jours plus tard, en ramassant mon courrier, j'apercevais parmi les enveloppes un petit carré de papier mauve avec une inscription dessus. Je reconnaissais la police Emulator majoritairement utilisée dans la communauté, mais aucun doute, c'était bel et bien du fait main. Du travail d'orfèvre signé d'un certain CR qui y expliquait tenir à me livrer personnellement le fameux "Avis de César Ramos" que voici.


Le point de vue de César Ramos :
Relativement commun et à des tranches de prix rarement malhonnêtes. Mais ne l'achetez pas, c'est un jeu de merde.