Comment débuter le test d'un titre culte, adulé par beaucoup et porté sur la quasi-totalité des bécanes de l'époque ? Comment parler proprement d'un mythe, d'un monument en comparaison duquel le monolithe de 2001 fait figure de brique Lego arthritique ?
Lourde tâche, surtout quand on sait qu'il y a 5 fous d'Amiga prêts à vous sauter dessus à chaque coin de message lorsque l'on fait une erreur de date ou une faute de frappe dans le nom d'un des personnages principaux, aux consonances celtico-fantasy assez prononcées. Contournons le problème : je teste ici la version Megadrive.
Pour ceux qui sont complètement à l'est des dennes, je re-situe : Shadow of the Beast, c'est d'abord un jeu Amiga à la base. Un jeu au succès tellement détonnant qu'il à été porté sur la quasi-totalité des supports de l'époque, à l'instar de son collègue Lemmings deux ans plus tard. On retrouve ainsi un portage Atari ST, Megadrive bien sûr, SNES mais aussi Lynx, Master System, CPC, Spectrum ou encore FM Towns (avec une BO magnifique, CD oblige).
L'aspect étonnant est que ces différentes versions ont chacune des difficultés relativement variables, et là pour la rigolade je teste peut-être la version la plus difficile, littéralement. Ghosts n' Goblins peut aller chialer dans son coin, ici c'est du jeu vrai, dur, blindé de testostérone et sentant bon l'hydromel atomique (à défaut de napalm, on fait avec les moyens du bord).
Shadow of the Beast donc, comme je l'ai sûrement déjà dit (non ? ah bon), est un représentant d'un genre aujourd'hui laissé à l'abandon dans le no man's land vidéoludique : la plateforme 2D old-school jusqu'au fond des cothurnes. Saupoudrez cette recette millénaire d'un soupçon d'ambiance Heroic Fantasy à tendance légende celtique et vous obtenez SOTB (pour faire court, c'est ce qu'elles disent toutes).
Pour l'histoire, c'est bien simple : un enfant, Aarbron de son prénom, est enlevé à ses parents une sombre nuit d'octembre par les mages de l'Obscurité, qui l'élèvent dans le temple de Necropolis. Maletoth (le grand méchant, Seigneur des Bêtes) réalise sur lui des expériences, le transformant progressivement en une créature mi-homme mi-bête, et suite auxquelles il perd ses souvenirs. Mais un jour, après avoir été en contact avec une Orbe Magique, il recouvre la mémoire, et décide alors de se venger de Maletoth et de ses sbires.
Rien que du très classique comme vous pouvez le constater, mais ce scénario permet aux auteurs du jeu de s'en donner à cœur joie dans les décors, le design des objets et des monstres ainsi que l'ambiance gothique à souhait, avec des sprites parfois complètement abracadabrants et surtout ÉNORMES, surtout lorsqu'il s'agit des boss.
Et on touche du doigt un des aspects mythiques de SOTB : les graphismes. Le jeu est à l'époque de sa sortie un des plus beaux jeux jamais faits, et une prouesse technique. Et encore aujourd'hui, je peux vous assurer que démarrer le jeu, avec cette musique somptueuse et ces graphismes aux couleurs éclatantes, chatoyantes, chaudes (en d'autres mots qui flattent la rétine) reste relativement impressionnant, pour peu que l'on soit sensible à la belle 2D.
Colorimètriquement parlant, comparer SOTB à n'importe quelle production vidéoludique actuelle type Dead Space ou Gears of War ou tout est monochrome (noir plus une couleur) revient à comparer le Technicolor flamboyant des premières productions hollywoodiennes en couleur (type Robin des Bois, mais si, avec Errol Flynn) avec la série des Matrix (ou tout est verdâtre et noir) : ça n'a pas de sens (je viens de me rendre compte que j'ai passé un paragraphe à exprimer un concept totalement abstrait qui ne parlera qu'a une quinzaine de personnes).
Musicalement parlant c'est aussi somptueux. Dans la version Megadrive les musiques de David Whittaker sont bien adaptées et les thèmes sont tous aussi bons les uns que les autres (même si la BO que je préfère dans la série reste celle de SOTB3, les goûts et les couleurs)...
Pour les bugs, on frise la perfection : le portage est vraiment bien foutu, et au niveau gameplay c'est aux petits oignons... Aarbron répond à la patte et à l'œil, le diriger reste un plaisir sans précédent, et la maniabilité est parfaitement adaptée à la manette de Megadrive, c'est un véritable bonheur, aussi agréable et frais qu'une promenade de dimanche matin au bord d'un étang ... plein de piranhas.
Oui parce que quand même, hein, ho, SOTB c'est un jeu oldies, un vrai de vrai, et niveau difficulté ça se sent. Ne serait-ce que par le nombre de projectiles et de monstres qui peut y avoir à l'écran simultanément (amusez-vous à les compter, c'est rigolo, mais c'est mieux en pause ! ah ben voilà trop tard vous êtes mort), ou encore certaines séquences de saut particulièrement retorses, ou parfois des énigmes à s'arracher les cheveux façon Yul Brynner, ou bien des pièges extrêmement éprouvants pour les nerfs, la manette, la console, le guéridon sur lequel elle est posée, voire même n'importe quelle babiole qui traîne à portée de main de par leur propension à vous ramener à l'écran titre (après un joli Game Over) sans émettre ne serais-ce qu'une moitié de sommation (on ne vous à jamais dit qu'il valait mieux jouer à SOTB dans une pièce capitonnée ?).
Tout ceci n'empêche bien évidemment pas à SOTB d'être un grand jeu, un très grand jeu même. Il faut seulement ne pas être rebuté par la difficulté et savoir persévérer (vous voyez, même moi j'ai réussi à le finir, ce qui devrait logiquement motiver même le joueur le plus médiocre).
Bien évidemment, suite aux succès de ce premier épisode, les développeurs mirent très logiquement en chantier un second, et même un troisième opus. Et là inopinément je viens de me rendre compte que je tenais le sujet de mes deux prochaines critiques.
Sur ce, il ne me reste qu'a vous souhaiter bon jeu, et un excellent voyage vers Necropolis, en vous remerciant d'avoir choisi Aarbron Airlines. Pour les vols retour vers Ankh-Morpork ou Bywater, veuillez vous adresser au poste 14, correspondance 37B...