Inutile de feindre, je suis un homme qui aime les surprises. A fortiori quand elles sont bonnes. Un cadeau de la fête des pères de la part d'un de mes fils illégitimes, l'obtention de mes diplômes universitaires ou la défaite de Lionel Jospin en 2002. Ou plus simplement la générosité d'un jeu Mega Drive sorti un peu de nulle part. Car oui, je tords le cou à tout suspens dès les premières lignes de ce test : il va être propos ici d'un jeu que j'ai adoré. Mais ne partez pas pour autant la mine déconfite. Asseyez-vous, prenez un verre, j'ai fait des mini pizzas.
Bubba 'n Stix, c'est l'histoire d'un portage avant toute chose. La portage d'un jeu depuis la galaxie Amiga vers la constellation SEGA. Il a vu le jour dans les entrailles d'une machine Commodore (paix à son âme) qu'on ne présente plus, même aux débiles profonds et aux militaires de carrière. Sur deux machines Commodore en fait. La seconde étant le canard boiteux de la famille : l'Amiga CD32, sujet à quolibets et rires qui résonnent encore aujourd'hui dans le corridor de la honte. Un petit aparté historique s'impose. Principalement parce que j'adore ça en fait. Ce que l'on adore moins en revanche, c'est cet Amiga CD32, seconde incursion de la firme américaine du coté des consoles de salon, un territoire pourtant bien escarpé. Firme visiblement peu échaudée par le splendide gadin de la CDTV, vague machin orienté multimédia basé sur un Amiga 500 recarossé et nanti de prothèses peu convaincantes. Guru meditation sur le plan commercial. Seconde tentative avec cette fois-ci un Amiga 1200 dans un nouvel emballage et doté d'un lecteur de CD pour faire comme ses petits camarades de l'époque. On ne mentionnera que très brièvement une manette qui reste encore aujourd'hui dans le palmarès des pires errements de design et d'ergonomie pour un contrôleur. Nouveau piqué en vrille le nez dans la vase pour le chiffre d'affaire. Mais en dépit d'une durée de vie réduite à sa portion congrue, le support aura tout de même eu droit à quelques titres qui méritent que l'on s'y attarde, dont ce Bubba 'n Stix. Titre porté dans la foulée sur Mega Drive et je retombe sur mes pieds, c'est formidable. Une version console -une vraie- histoire de toucher un panel de consommateurs un peu plus large que la poignée de couillons ayant acheté un Amiga CD32. Ah les cons.
Contrairement à l'interprétation que l'on pourrait faire de son titre, Bubba 'n Stix n'est pas le récit des aventures d'un rappeur français que l'on aurait enfin envoyé aux enfers mais un représentant de la catégorie plates-formes de premier ordre. Mais soyons professionnels et procédons par ordre en cernant le postulat. Un deux, un deux, test micro. Vous êtes Bubba, banal voyageur de l'espace en salopette. La monotonie de votre périple dans le grand vide va être bientôt rompue par l'enlèvement de votre petite personne par l'ignoble Waldo dont le nom ridicule atténue quelque peu la terreur qu'il pourrait procurer, mais passons. Ce dernier vous considère comme une pièce de choix pour son zoo interstellaire. Avant que l'on ne vous jette des cacahouètes derrière des barreaux, vous parvenez à vous échapper des griffes de votre geôlier à l'aide d'un étrange bâton doué de vie et échouez sur une planète inconnue. Voilà. Du moins, vous apprenez tout ceci si vous possédez la version Amiga CD32 (cf. les couillons évoqués plus haut), la version Mega Drive sucrant toute cinématique expliquant le pourquoi du comment. Mais passons. En 1993, les cinématiques c'était avant tout de l'esbroufe à destination du péquin moyen et vouée à remplir un support CD.
Passé un écran titre à la musique follement guillerette, nous voici directement confrontés aux indicibles dangers de la planète truc. Oui truc. Je l'appelle ainsi par pure convention, n'ayant pas la moindre foutue idée de son nom, une défaillance d'un syndicat d'initiatives particulièrement inefficace mais passons. Dès les premiers mètres, on sent que l'on a affaire à de la plate-forme 100% pur jus, garantie sans adjuvant. On se déplace bêtement de gauche à droite avec la croix, on cours, on saute et au donne des coups de bâton et basta. Du plaisir sain à l'ancienne, un peu comme Madame Armande, les risques de blennorragie en moins. Pour sortir votre ahuri en bleu de travail de ce pétrin (pensez donc, il n'a même pas de carte de séjour), vous allez devoir vous débrouiller avec votre bite et votre couteau. Ledit couteau est par ailleurs remplacé par un bâton, le Stix éponyme. Nos deux compères vont devoir s'entendre comme larrons en foire s'ils ne veulent pas faire fructifier le tiroir caisse d'un barnum du Cosmos. Dieu que tout ceci sent bon.
Nous y voilà donc : de la plates-formes à énigmes. Un concept excitant en diable. Le cocktail subtil entre la frénésie de la plates-formes et la monotonie routinière d'un jeu d'aventure. Vendu. Pourtant, le jeu commence classiquement. Les premiers tableaux se présentent de façon tout a fait innocente : on marche, on saute et on dégomme de temps à autre les inconvenants se dressant devant vous de vigoureux coups de bâton. On envisagerait presque d'esquisser un bâillement si ne venaient pas rapidement les quelques épices donnant tout le fumet de ce plat de gourmet. Car assez rapidement vous devrez redistribuer une partie de l'énergie consacrée à vos pouces et votre système digestif vers l'amalgame spongieux qui vous tient lieu de matière grise. Oui, toi y'en a devoir réfléchir. Je sais, cela risque de piquer un peu pour certains, plus habitués sur cette console à manier des barbares cimériens, des ninjas furibonds et ou des chasseurs assermentés. Quoiqu'il en soit, il va falloir faire face aux obstacles qui vous narguent dans votre escapade. Et c'est là que se brise la routinière heu... routine des jeux de plates-formes. J'applaudirais des deux index si ce n'était pas aussi ridicule. Une progression donc rythmée par la résolution d'énigmes où le concept de loufoquerie donne le la. Il n'est pas rare d'être sottement bloqué dans une pièce sans issue apparente, tel un imam à l'Oktoberfest. On tutoie même l'exaspération à certains moments. Ahaha, on fait moins le malin à mouliner dans le vide pour chercher comment avancer. Ils sont où vos dragon punchs et vos mega blasters, hein ? Une exaspération en générale relativisée dans l'instant de sa résolution par un "ah les cons" accompagné d'un sourire niais. Oui, vous avez le sourire niais, le niez pas. J'ai les photos de votre communion.
Tout ce petit monde est maintenu en un parfait équilibre où pas un pixel ne déborde. La transfusion depuis l'Amiga est d'ailleurs presque sans goutte perdue, si ce n'est la disparition heureuse des risques de disquette foireuse ou de Gourou Meditation en veux tu en voilà. Pan dans ta gueule. Cet instant est sponsorisé par l'Amicale Sartoise de la Guerre des Supports Disparus. Bref, nous avons entre les mains un bien bel objet. Ce jeu est beau, ni plus ni moins. Ou alors un peu plus mais juste un fond, j'ai de la route à faire. Splendide même, si je m'écoutais. Du nectar pour les yeux. Dans l'hypothèse où vous êtes une abeille mutante. En un mot comme en 6 décimales de Pi, ce jeu est une réussite technique. Voilà, c'est dit. Le monde de l'Amiga nous offre ce qu'il y a de mieux. Franchissons même d'un petit bond la barrière de la retenue et clamons que ce jeu est un de plus beaux que la Mega Drive nous ait offert. Oui. J'accuse. Enfin, j'affirme plutôt, faute d'officier juif sous la main. L'ensemble est de haute tenue, tant dans l'univers créé que dans sa réalisation technique. Et les musiques, bien que discrètes, sont parfaitement dans le ton (un plus par rapport à la version micro qui elle est muette et pan dans la gueule bis). Le ton, parlons en d'ailleurs. Il constitue le sel de ce petit trésor. Sa qualité première est sa singularité par rapport aux standards de la console. Si vous n'avez pas sauté des lignes et que vous avez résolu vos problèmes d'alcool, vous aurez gardé à l'esprit que les racines Amiga de Bubba 'n Stix. Rien d'étonnant à ce que l'on retrouve une patte, une signature symptomatique des productions de cette époque et de ce support. A titre personnel, j'y trouve des similitudes avec la bande dessinées Kid Paddle, notamment avec ses monstres horriblement rigolos -on a la littérature que l'on mérite.
Cinq niveaux, des énigmes en pagailles, tout autant de façons de mourir, de pester en tapant du pied et de trouver de raisons d'adorer cette petite pépite. Pépite, oui. Car le jeu ne fléchit à aucun moment tout au long de son déroulement et ne se laissera pas maîtriser par le premier crétin ou parisien venu. Les mots de passe ne sont pas que purs gadgets. Ce n'est pas le jeu que l'on termine en piochant mollement dans un bol de chips et en gardant un oeil sur ses conversations MSN. Exigeant, Bubba n' Stix réclame une attention de tous les instants et une patience de bonze pour poser un genou à terre. Tu la sens dans ta bouche ma saveur oldschool petit con d'adolescent, hein ? Haha déguste, merdeux. Pardon, je m'emporte. Toujours est-il que nous avons entre les mains un jeu rare à plus d'un titre, à commencer par sa capacité à enrichir un genre plus que balisé au cours des ans. Scandaleusement rongé par l'oubli, c'est un titre à (ré)découvrir sans plus attendre. Allez, zou.