Il est des jours où le hasard vient frapper un individu d'un geste salvateur, comme si une divinité quelconque s’éprenait d'une brebis sur le point de suivre un chemin un peu trop souvent emprunté avant de le ré-orienter sur la voie de la Vérité.
Victime d'une famille dans laquelle la solution de l'ordinateur Pentium était préférable à l'achat d'une console aussi onéreuse que la quantité de jeux nécessaire pour la nourrir, l'idée des émulateurs n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. J'en serais tenté, mais je ne dédierai pas ce paragraphe au blâme de mon saint de père à cause duquel j'ai vécu le phénomène Pokémon à travers un exécutable poke-bleu.exe et non pas via le câble link qui tournait entre chaque tête blonde de mon école Henri Villette.
Ces émulateurs ne m'ont pas seulement permis de profiter d'autant, voir de plus, de jeux vidéo que mes camarades, ils m'ont également permis de faire des découvertes, un peu comme cette fameuse fois où mon père m'avait emmené en promenade mensuelle sur les sentiers encore frais des sites de roms de jeux.
J'avais déjà en tête le jeu qu'il fallait que l'on récupère sur l'ordinateur connecté à Internet *insérez ici un groupe de gospel*, que l'on copie sur une disquette et que l'on transfère sur mon ordinateur sous Windows 95 dans ma chambre, et ce jeu c'était Alex Kidd sur Mega Drive. Par un mystère que je ne m'explique toujours pas, ce n'est pas Alex Kidd qui s'est ouvert sur mon émulateur Genesis, c'est Aleste, et encore aujourd'hui, je suis persuadé d'y avoir gagné au change.
Aleste, comme je l'ai toujours appelé et le continuerai toujours, est donc un énième jeu de tir à défilement vertical (NesPas, la Gaule, envers et contre tous les anglicismes) et vous connaitrez sans doute son pendant Super Nintendo sobrement intitulé Super Aleste.
Seulement une nouvelle fois, l'injustice et l'omniprésence des fans aveuglés par leurs souvenirs d'antan baignés d'un halo doré et d'un amour grotesque pour Nintendo ne se rappellent que de Super Aleste. Celui-ci et bel et bien un excellent jeu mais sorti deux ans après celui qui nous intéresse (et s'il ne vous intéresse pas, faites un effort) et présente un défaut : il n'est pas sorti sur Mega Drive.
Réveillez le type cool qui est en vous, celui qui porte un t-shirt Poivre Blanc, des baskets Nike et une casquette Waikiki à l'envers, et reconnaissez-le : une version d'un jeu multi plateforme sur Mega Drive, ça a toujours voulu dire que ça irait plus vite et qu'il y aurait de meilleures musiques.
Et à ce sujet, laissez-moi vous dire que Aleste débarque à toute vitesse à bord de son gros bolide volant armorisé fracassant la vitre en tirant ses gros lasers bleus et vert à toute berzingue pour se faire entendre. C'est bien simple, exactement comme pour Alien 3 et Blue Shadow, il m'arrive de ne lancer le jeu rien que pour sa musique d'intro en m'imaginant aux commandes d'une version alternative de ma vie où je sauverais les vestiges d'un Crèvecoeur le Grand post-apocalyptique en défandant la poignée d'homo sapiens sapiens restants d'une horde d'intelligences artificielles au prix de ma vie.
Pas de bol, je n'ai aucune envie de sauver qui que ce soit à Crèvecoeur le Grand (exceptés les auteurs de cette délicieuse spécialité à base de madeleines immergées dans de l'eau de vie de pomme) et surtout, j'ai déjà choisi de m'échouer près des rives de l'intermittence du spectacle.
MUSHA Aleste consiste en la lutte d'Ellinor, un énième adolescent à la peau lisse capable de résoudre la guerre du Golf grâce au pouvoir de l'amitié et à quelque flashback, dans un monde surpeuplé où une intelligence artificielle a décidé de péter un câble et d'anéantir la race humaine au lieu de l'envoyer prospérer dans des colonies spatiales afin de, comme prévu, gaspiller de nouveaux types de ressources et trouver de nouveaux concepts de télé-réalité. La cinématique d'introduction du jeu (accompagnée de cette musique COMPLETEMENT FOLLE) m'a beaucoup impressionné sur le coup, c'était la première fois que j'assistais à ce genre de mise en scène et je fût immédiatement plongé dans l'ambiance de Aleste.
On se retrouve bien vite face à un bon vieux shmup vertical des familles catholiques avec des power-up répartis en plusieurs catégories, à savoir trois armes à améliorer en prenant les bonus correspondants et de petits moucherons cybernétiques ayant pour vague utilité d'assister votre force de frappe de quelques petites crottes de nez envoyées au ennemis alentours ou face à vous selon l'ordre que vous leur donnerez.
On parcourt donc les niveaux assez aisément au début en essayant à leur tour les armes à disposition allant du gros laser au bouclier, en passant par le générateur de trou noir. Oui, on aurait vraiment dû s'en faire des alliés avant les nazis (et non pas faire des nazis nos alliés, Philippe)
La difficulté augmente assez vite en considérant que le jeu ne présente pas énormément de niveaux bien que ceux-ci soient relativement longs et il faudra se sortir les turbo-doigts du mecha-fion pour venir à bout du Big Asia protégé par de solides escouades cybernétiques et des pièges tous plus vicelards les uns que les autres (mais toujours moins qu'un chauffeur de bus dans l'Yonne).
Rappelons que le jeu est sorti en 1990 si il avait fallu excuser la moindre carence technique. Au lieu de ça, on assiste à du pixel bien taillé, à un level-design décent pour un jeu de ce type et à des décors pas forcément novateurs mais rafraichissants. En tout cas, on ne passe pas son temps dans l'espace ou dans des structures organiques pompées sur H.R Giger et c'est déjà ça de pris.
Le jeu n'accuse pas le poids des années et a plutôt bien vieilli mais la rigidité de l'essentiel des animations et la simplicité de certains patterns expliquent qu'il n'ait pas plus marqué l'histoire du tire-les-tous-à-défilement-vertical sur console. En revanche du côté des musiques, on balance toute la sauce, peut-être même trop vite, au point que la musique du premier niveau mette la barre trop haut pour les suivantes. Ceci dit, ne boudons pas le sound design pour autant : la délicieuse mélodie du processeur Yamaha de la Mega Drive et ses envolées métalliques (attention, pas le sous-genre de musique) témoignaient déjà d'une maîtrise de la synthèse FM assurant une patate de tous les enfers à MUSHA Aleste.
Depuis 1990, de nombreux shmup sont sortis sur console et Aleste est hélas loin de prétendre faire partie des meilleurs tant le genre a connu de pièces d'exceptions. Il reste un très bon jeu aux côtés duquel il serait dommage de passer, d'autant que du côté musique, il mérite tout de même une place bien mérité sur le podium même si il semble se contenter de la médaille de bronze des jeux les plus chers de la Mega Drive.