Durant une partie de l’année 1981, James Cameron travaille dans la capitale italienne, occupé à finir la réalisation d’un nanard (Piranha 2, les tueurs volants) pour lequel il avait initialement été embauché pour superviser les effets spéciaux. Une nuit, fiévreux et presque délirant, il fait ce rêve étrange dans lequel un squelette en métal sort d’une explosion. Le lendemain, le jeune réalisateur dessine ce qu’il pense avoir vu dans ses songes, et se lance rapidement dans la rédaction d’un script autour de cette image. Il souhaite alors baser son histoire sur celle de deux cyborgs (dont un en métal liquide) venus d’un futur apocalyptique où les Machines ont déclaré la guerre à l'humanité, pour assassiner une jeune femme, Sarah Connor, avant qu’elle ne donne naissance à son fils, John, futur leader de la résistance humaine.
Du script au scénario, le projet murit dans la tête de James Cameron. Il ressemble un peu plus à ce qu’on connaît du film, et l’idée plait aux diverses boites de production hollywoodiennes, qui sont prêtes à l’acheter à bon prix. Cependant, les gros bonnets de l’industrie ne souhaitent pas lui laisser le poste de réalisateur. Mais le Canadien tient bon, et après avoir vendu les droits de son scénario pour un dollar symbolique à sa productrice, celle-ci trouve un financement et réussit à imposer James Cameron derrière la caméra.
Vient alors l’heure du casting : Arnold Schwarzenegger est présenté à Cameron pour jouer le rôle de Kyle Reese, l'homme venu du futur et envoyé par John Connor pour protéger sa mère. Mais il tombe rapidement sous le sens que Monsieur Muscle ferait un excellent Terminator, quitte à revoir le scénario du film pour l’occasion. En effet, l'idée de départ était que les Terminators puissent se fondre dans la masse et surgir de la foule par surprise ; et force est de constater que le futur governator n’a pas vraiment un physique passe-partout. De son coté, Schwarzy, alors figure montante du cinéma d’action ne souhaite pas jouer le rôle d’un méchant. Finalement, il se résout à prendre le rôle dans ce film de science fiction, avec l'idée de casser son image de barbare de l’âge hyborien.
En 1984, The Terminator, ou seulement Terminator en France, sort au cinéma et est un succès mondial, propulsant Cameron et Schwarzenegger, pour de nombreuses années, au sommet du cinéma d'action hollywoodien. L’argent appelant l’argent, sortiront des suites, pour le meilleur et pour le pire (cette expression prend tout son sens avec la saga Terminator). Mais aussi des jeux vidéos, surtout pour le pire.
Le jeu The Terminator, adaptation du film de 1984, sort en 1992 sur Megadrive, soit un an après la sortie de... Terminator 2. Si le jeu reprend l'histoire du long-métrage (je ne prends pas la peine de vous la raconter, vous vous en souvenez surement, même vaguement), il le fait surtout à travers des écrans de textes… qui ont au moins le bon goût d’insérer des images tirées de la bobine. Les phases de gameplay, elles, font le part belle aux phases d'actions du film. Et surtout, prennent « quelques libertés » par rapport à leur déroulement effectif dans le matériel original.
Le jeu se présente sous la forme d’un run-and-gun où vous contrôlez Kyle Reese à travers seulement quatre niveaux. Oui ce n'est pas beaucoup, mais le défi reste de taille : si vous mourez dans le jeu, apparaît un humiliant message indiquant « Kyle Reese, terminated » et c'est le game-over direct. Et pas de continue. Comme pour beaucoup d'adaptations de films en jeux vidéo, la petite séquence d'action de 30 secondes dans le film devient un niveau à part entière.
Le premier niveau va encore plus loin. En plus de nous proposer de vivre la guerre face aux Machines, vous devez mener Kyle Reese vers la machine à remonter le temps. Armé de grenades puis d'une mitraillette glanée dans le niveau, vous voilà livré à vous-même face aux Machines et une horde de Terminators qui « re-poppent » à l'infini. Vous disposez aussi de bombes en quantité limitée, qui permettent de souffler les ennemis hors de l'écran, mais surtout d'exploser les portes qui bloquent votre progression.
Avec zéro indication sur ce qu'il faut faire une fois rentré dans ce putain de laboratoire aux allures d'abri anti-atomique, vous errez dans le niveau. Vous devriez à un moment trouver une porte de bâtiment qui vous faire dire que c'est là que doit se trouver votre objectif. Hélas une mitraillette vous empêche d'y accéder. Que faire ? En continuant à errer, vous finirez peut-être par remarquer au fond du laboratoire des tuyaux où coule un liquide jaunâtre. C'est abusé tellement ce n'est pas flagrant que cet endroit a un intérêt pour votre mission. Pas un seul élément de décor ne vient attirer votre attention : il est seulement moins gris que le reste du niveau. Et une fois là, il faut encore penser à y déposer une de vos bombes, qui jusque là ne servaient qu'à faire exploser les portes. Et ça, rien ne vous l'indique non plus. Et puis, il n'y a pas l'excuse de « les joueurs comprendront, c'est comme dans le film » vu que ce n'est même pas dedans ! A une ou deux indications près, on passait du débilement difficile, à jouable. Bref, une fois la bombe déposée, un compte à rebours s'enclenche ; vous pouvez enfin rejoindre la machine à voyager dans le temps, direction le présent. Enfin, 1984.
Heureusement, la suite de notre aventure n'est pas aussi frustrante de débilité. Les niveaux 2 et 3 sont assez similaires. Il s'agit principalement de tirer avec le fusil à canon-scié sur tout ce qui bouge et d'avancer. Bien sur, pas de tir à 360 degrés, seulement devant Kyle Reese. Le niveau 2, donc, regroupe à la fois la course poursuite des flics après Kyle Reese jusqu'au sauvetage de Sarah Connor dans la boite de nuit, le Tech Noir, avec le premier face-a-face avec le Terminator. Le troisième niveau se déroule dans le commissariat, lorsque le Terminator défonce l'entrée avec une bagnole de flic. Quand j'évoquais plus haut les « quelques libertés » prises par les développeurs par rapport au déroulement des évènements dans le film, c'est surtout à ces deux niveaux dont je faisais référence. Ici, Kyle Reese n'est plus pris en chasse par les flics, mais plutôt lui le chasseur de poulets ! Et ce ne sont pas les flics qui ont à faire avec le Terminator dans le commissariat. C'est Kyle Reese que les flics doivent neutraliser, avec l'appui et le concours du Terminator et des saltimbanques qui ont été sortis de leur cellule de dégrisement pour l'occasion. Après tout, sauver l'avenir de l'humanité vaut bien le génocide des flics de Los Angeles. A noter que contrairement aux saltimbanques, il n'est pas possible de « tuer » les flics. En effet, après quelques balles dans le cornet, ils se couchent quelques secondes, se remettent de leurs blessures, puis se relèvent pour vous canarder de nouveau. C'est mal de tuer un flic, même dans un jeu, vous voyez ?
Enfin, le quatrième et dernier niveau est un jeu du chat et de la souris entre Kyle Reese et le Terminator devenu un squelette de métal. Il s'agit de se rendre à la fin du niveau, en évitant de se faire coincer par le Terminator qui semble plus attiré par l'idée de tuer Kyle Reese que Sarah Connor. L'arthrite de notre personnage l'empêchant de sauter par-dessus une moitié de squelette rampant, il faut éviter à tout prix de se retrouver dans un cul-de-sac. Une fois arrivé sain et sauf auprès de Sarah Connor, le Terminator, par l'odeur alléché, pointe le bout de sa carcasse. Kyle Reese peut alors appuyer sur le bouton de la presse hydraulique pour le détruire définitivement, et mourir mystérieusement entre la fin du niveau et le générique de fin. Tout comme dans le film.
The Terminator a été développé par le studio anglais Probe Software (qui deviendra Acclaim), édité par Virgin Games, et programmé par un certain David Perry, qui aura une carrière prolifique par la suite. On pourrait croire que les étoiles étaient alignées. Mais au global, on reste plutôt sur du mauvais. La difficulté est mal dosée et la maniabilité de Kyle Reese est ultra rigide.. Les décors sont globalement ternes et ne rappellent que vaguement l'univers graphique du film. Les sprites, eux, sont très peu détaillés. Une fois que l'on connaît le jeu, les niveaux se parcourent en 2 minutes chacun. Quant aux effets sonores, ils sont juste ignobles. Mais quel est l'intérêt pour vous, de lire une critique plate d'un mauvais jeu ? C'est pour cela que je dois le défendre, au moins sur un point.
The Terminator, j'y joue depuis longtemps, peut être même avant d'avoir vu le film, et je ne peux m'empêcher d'y retourner de temps à autre car je m'y sens bien. Non pas par masochisme ou par mauvais goût (enfin, je ne pense pas), mais pour son ambiance, qui est portée uniquement par sa musique. Malheureusement, c'est un point que le format critique illustrée ne permet pas de partager pleinement, mais je pense sincèrement que cette BO en vaut la peine. Outre le thème principal de la franchise qui ouvre et ferme la partie, les musiques originales du jeu sont un régal pour qui aime la mélodie d'un synthétiseur fou, portée par de grosses percussions. Elles apportent la tension que l'on ne retrouve pas dans le gameplay, et recréent l'ambiance dark-anticipation que les décors n'ont su retranscrire. Les thèmes livrés sont variés et collent parfaitement à l'environnement de l'action. Chose rare, on a le droit à plusieurs compositions pour un même niveau. La musique de « l'entre-niveau » (vous savez, le texte et les images du film), dont on n'entend que quelques secondes mérite une version de dix heures. Et dire que certains morceaux composées ne se retrouvent pas dans le jeu par manque de niveau. Cette BO est l'oeuvre de Matt Furniss, qui a pas mal composé sur les machines Sega. Pour sûr, le mec connaissait son engin et était inspiré.
En somme, si vous voulez profiter au mieux de ce jeu, écoutez seulement sa musique. Et pour cela, la version PAL 50hz reste la meilleure. Oui, oui, avec un studio anglais aux manette, le jeu est optimisé pour cette vitesse. En 60hz, les musiques deviennent trop rapides. Même si c'est loin d'être le meilleur jeu de la Megadrive, ce n'est pas souvent que l'on peut se vanter, nous Européens, d'avoir bénéficié de la meilleur version. On est quand même un peu content, non ?