Cela faisait dix bonnes minutes que je regardais les voitures passer à travers cette nuit brouillardeuse, dans la froideur de mon bureau au deuxième étage, un mégot de cigarette entre les lèvres, un cadavre de bouteille gisant dans le tiroir de mon bureau, bureau sur lequel trônait ce fameux dossier. Les affaires n’allaient pas fort certes, mais jusqu’à aujourd’hui, je refusais toujours ce genre de cas innommable, par principe. Mais après cette longue attente dans les ténèbres, je me tournai vers mon bureau et sa lampe clignotante, qui semblait m’inviter. C’était ça où affronter ma femme, le choix était vite fait… J’écrasai mon mégot dans mon cendrier, et m’installa sur ma chaise pivotante.
Sale affaire que celle-ci, je revois encore mon client, un blondinet timide fringué avec des couleurs qu’on voit plus de nos jours, il avait affronté le sale temps avec son anorak et sa trottinette pour me confier cette affaire. J’entends encore sa voix, « Je connais votre renommée. » qu’il disait. Mon pauvre ami, cela fait fort bien longtemps que je ne suis plus qu’un vieux décrépi, mais oui il fut un temps où on voyait ma tête sur les unes, avec mon partenaire… Ah ! Le bon vieux temps ! Aujourd’hui je suis si las et fatigué… Mais dans un élan de courage, je me plongeai dans les profondeurs de cette affaire qui semblait sans fond…
J’avais raison de me méfier cette affaire. Qui de nos jours fait encore confiance à ces jeux venant de nulle part, qui étaient restés des lustres au pays du soleil levant avant d’être dépoussiéré par des traducteurs anonymes de la toile ? Qui ose encore se plonger dans ces jeux inconnus, et dont la présence dans nos continents ne s’est jamais fait sentir ? Je sentais le cas désespéré. Puis je me rappelai ce jour où mon partenaire et moi étions sur une piste semblant mener à une fabrique de cartouches SNES pirates. Quel ne fût pas notre surprise quand nous nous retrouvâmes face à un jeu homebrew inédit, rivalisant avec n’importe quel Arkanoid ou Arkanoid-like ! Ah, c’était la belle époque… Comme quoi il y en avait de ces bons jeux underground… Voyons celui-là de plus près.
Damned, mais il semblerait que je sois tombé sur un jeu textuel ! Voilà qui en fera fuir plus d’un. Mais après tout, n’avais-je pas connu cette affaire où… Je crois que je perds mon temps à secouer le passé, au boulot mon vieux. Ce jeu obscur au titre à rallonge insondable me semblait bien louche tout de même : Famicom Detective Club Part II. Il y aurait donc une Part I ? Quelques coups de fils m’apprirent qu’elle était sortie sur NES, et jamais traduite. Soit, abordons la suite, chronologiquement avant le premier épisode, remaké ici pour la SNES sur une obscure cartouche à mémoire réinscriptible (Le Nintendo Power ?), voulant copier le Famicom Disk System. Voilà un jeu qui risque d’être bien difficile à trouver ! Mon partenaire nous en dirait plus, s’il était encore avec moi… Ah ça il connaissant la côte des jeux ! Bon, abordons cette préquelle donc, on ne se sent pas largué, même s’il s’agit d’une suite ou autre.
La première chose qui me frappa était la qualité des images. Animées, vivantes, quelques cinématiques tellement bien faites qu’on se croirait regarder un bon dessin animé. Sapristi que c’est agréable ! Je remarquai la forte présence d’options permettant d’interagir avec les personnages, on interroge les témoins, leur montre une photo voir si ça leur dit quelque chose, on remonte les pistes, on entend parler de sombres rumeurs, on analyse même des cadavres ! Palsambleu, cela me rappelle l’époque où mon partenaire et moi écumions les routes à la recherche d’indice sur l’affaire du Russe nommé… Hum, revenons à nos moutons.
Bref, on a là une véritable petite enquête policière, pleines de rebondissements, ponctués par des magnifiques cinématiques. L’aspect manga ne rejaillit pas, pour laisser une vraie enquête à la mode occidentale. Un peu de surnaturel, mais pas trop, l’ensemble est une affaire on ne peut plus sérieuse et logique. Dieu sait que moi-même n’avalait pas toutes ces histoires à dormir debout ! Ah ! Quel plaisir de faire des conclusions, de suspecter tel ou telle personne pour finalement arriver à la conclusion finale, trépidante, comme au bon vieux temps ! Malgré cela, le gameplay me laisse en travers de la gorge, et fait plutôt cache misère quand à la linéarité du jeu. Trop souvent on navigue dans ces options pour trouver l’action qui nous fera avancer ! On dénotera une certaine répétitivité, interroger les témoins devient lassant… Mais c’est l’métier, comme je peux le confirmer. Les musiques sont agréable, et nous viennent de cher Yamamoto, c’est rythmé, et ça met dans l’ambiance.
Au final, cette affaire me replonge dans une profonde nostalgie. Je me rappelle encore de mon partenaire, tellement enthousiaste qu’on ne pouvait pas l’arrêter. Après cette affaire qui nous avait amenés à découvrir ce fabuleux casse-brique inconnu, il voulait voyager à travers le monde afin de trouver toutes les perles inconnues, et les mettre à la lumière… C’est à partir de là que nos points de vue divergèrent, et que nous nous quittâmes. Tu as choisi ta voie, j’ai choisi la mienne. Mais quand je vois ce jeu, je repense à toi, et me dit que c’est un jeu que tu aurais aimé découvrir, voir que tu as déjà découvert, te connaissant… Peut-être que mon blondinet de client savait tout ça, et savait que je ne pouvais pas refuser cette affaire. Il connaissait mon état de détective blasée, et a rallumé la flamme de la vie en moi. Et maintenant, je repense à tout mes choix passés, et me demande, que serais-je devenu si j’avais décidé de te suivre, mon bon vieux César Ramos ?