A frappé un bébé un jour, mais c'était un connard.
Mystic Quest Legend
Squaresoft - 1992
RPG Canada Dry par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF


Ah les années collèges... A en écouter certains, c'est une douce période que l'on regarde sur l'étagère des souvenirs, dans un joli bocal, flottant dans son formol de nostalgie. A d'autres. En ce qui me concerne, le collège c'est de l'acné, une coupe de cheveux à la con et les lénifiant cours d'histoire-géographie de Mme Mirande qui possédait le redoutable pouvoir de modifier la courbure du temps et de donner envie d'aller finir soi-même la guerre de Corée histoire que les choses aillent plus vite. Mais entre les humiliations d'adolescent et le récurage étatique de nos jeunes esprits, il y avait des petits plaisirs. Et notamment ce cadeau que m'offrit Guillaume Traizet du haut de sa puberté à l'époque où je jouais sur ce que je considérais comme la Rolls du moment : la Super "glorifions son nom" Nintendo. Un jeu qui me tendait ses pixels amicaux avec la modestie et l'humilité qui caractérisent les jeux en loose : Mystic Quest. Un épée fièrement brandie aux nues, la posture altière et le regard qui promettait milles aventures. Quand on n'avait - dans le meilleur des cas - qu'un jeu tous les 3 mois à se mettre sous la dent, chaque nouvelle arrivée était une fête. Et je l'ai célébré celui-là. Pourtant, ce jeu ne jouit pas d'une réputation des plus flatteuses. La prestigieuse griffe Squaresoft sur la jaquette ne redore que légèrement le blason d'un titre qui fait rire sous cape. Peste. Revenons sur ce jeu qui ne mérite peut-être pas toute l'opprobre et les railleries dont il est sujet.



Mystic Quest, c'est avant tout un imbroglio éditorial. Des Mystic Quest sur console Nintendo, il y en a deux : un sur Super "grâces lui soient rendues" Nintendo et un autre sur Game Boy. Le point commune entre ces deux versions ? Nada. Le premier n'est qu'une itération à part dans la saga Final Fantasy. Le second est le nom européen du premier opus de la saga Seiken Densetsu dont le second est connu dans nos contrées comme le premier de la série des Secret of Mana. Vous suivez ? Allez prendre un jus de goyave, ça vous rafraichira l'hémisphère droit. Bref, ce qu'on en retiendra c'est que l'on a entre les mains un jeu de rôle mitonné par l'équipe de Squaresoft de la grande époque et qui tente de profiter de l'aura Final Fantasy. Un épisode dont la particularité est le point d'ancrage de toutes les critiques qu'il se prend sur le bec : sa simplicité. C'est même le biais utilisé pour sa promotion à sa sortie : un RPG pour les réfractaires au genre, les débutants et les employés de la Poste. Mystic Quest, c'est l'aventure de ceux qui partent occire des sorciers fous dans des contrées lointaines mais qui veulent rentrer à l'heure du goûter. Diable, le souffle épique vendu par la jaquette se muerait-il en brise mollassonne d'entrée de jeu ?



L'histoire nous fait patauger dans le commun. Voyez plutôt : le monde est en péril. Une fois de plus. Dame. Je ne sais pas qui est responsable de l'administration mais il y a là un laxisme flagrant. Surtout qu'on vient une fois de plus de laisser le champ libre à un roi/sorcier/démon (biffez la mention inutile) pour tartiner le pays du désordre, de la violence et de la grève du métro. Un chaos qui ne peut être stoppé non pas par une motion de censure déposée par une commission parlementaire mais par l'éternel péquenot baignant encore dans sa candeur et ses blousons en jean. Un héros en baskets qui ne résoudra pas cette situation en affrontant l'odieux despote dans un duel de jokari mais en ramenant les sempiternels cristaux qui, ne feignons pas la surprise, sont éparpillés aux quatre coin de notre monde, enfin du sien en l'occurrence. Je reste toujours circonspect quant à l'importance de la thématique du cristal dans les récits de ce genre. A croire que l'équilibre du cosmos et par conséquent l'intégrité de nos existences tient en un morceau de verroterie colorée. Des cristaux qui, cerise sur le cageot, sont chacun liés à un élément terrestre : le feu, l'eau et leurs petits copains, le cinquième étant probablement l'âme de Brice Lalonde ou quelque chose comme ça. A tout le moins, on ne risquera pas l'apoplexie par un effet de surprise trop brutal.



Vous voilà donc en train de bouffer de la route poussiéreuse, armé de votre canif et de votre gourde de menthe à l'eau. Une aventure qui s'articulera d'une façon bien linéaire, d'où rien ne déborde de trop. Résultat, on avance tout droit d'un point A vers un point B, avec une éventuelle pause pipi. Vous arrivez dans un village touché pour un fléau quelconque (épidémie, tremblement de terre, concert d'Indochine), vous rencontrez un personnage qui va devenir votre nouveau compagnon de route, vous finissez par botter le croupion du seigneur du donjon local, récupérez le précieux cristal et same player shoot again si je puis m'exprimer ainsi. Quasiment aucun risque de perdre le joueur en l'abandonnant à poil au milieu du désert, sans boussole ni carte. Pour autant, on ne vous prend pas pour des attardés mentaux et certains niveaux requerront un minimum d'astuce pour ne pas tourner en rond. S'ajoute à cela quelques boss à prendre avec un minimum de doigté pour vous donner envie de laisser la cartouche dans la console. Désespérant de classicisme mais efficace.



Le système de combat est simplifié à l'extrême. On a vaillamment taillé dans le gras et viré tout ce qui dépasse. C'est ainsi que l'on vous prend par la main, voire par les autres membres tant qu'à faire. Pour apprendre les valeurs de droiture républicaine à vos adversaires le choix est donc tristement limité : attaque, sort et utilisation d'objet. Le sens tactique se fait par conséquent assez discret. Il prendra en fait deux formes, trois en grappillant dans les coins. Soit vous décidez de désosser le plus rapidement possible votre vis à vis en y allant mana à mano, soit vous vous la jouez subtil en alternant fil de l'épée et éclair de magie. Reste ensuite une troisième voie, la solution des paresseux, où votre compagnon de route est contrôlé par l'ordinateur. Autant dire que dans ce cas, vous n'aurez pas à vos coté un stratège napoléonien : il se focalisera bêtement sur une action de soin ou d'attaque, avec un discernement avoisinant parfois celui d'une assiette de crudités. Si bien que vous serez parfois tenté de le laisser crever pour pouvoir gérer votre combat en toute tranquillité. Les affres de l'aventure sont parfois un acide qui ronge les liens de l'amitié. Et puis ça fait autant de trésors en moins à partager.



Le long de vos pérégrinations en pilotage semi-automatique, défilera devant la pointe de votre glaive une farandole de créatures parfaitement classique : des gorgones, des momies, des gaufres géantes, des trolls et autres fléaux élémentaires. Des abominations modérées qui n'opposeront qu'une résistance elle-même modérée, le bottage de votre séant étant ici l'apanage des boss fin de niveau. Les noms octroyés aux-dites abominations sont au choix touchantes de naïveté ou désarmantes de platitude : Verdesab pour les asticots géants à la Dune, Crapaulê (sic) pour du crapaud certes au physique ingrat mais qui ne méritait pas tant d'infamie ou encore Mage pour les... mages. On se consolera en pensant au petit Benjamin qui ne perdra pas ses repères et pourra concentrer son attention sur son paquet de BN fraise. Le jeu étant peu exigeant, les affrontements demanderont au mieux un peu de patience et parfois l'utilisation d'un sort spécifique pour un vilain donné ("oh puté, tu vas rire Raymond : la créature de glace craint le sort du feu, cong"). On ne vous file pas les clés de la maison en entrant mais peu s'en faut. En découle par conséquent une sorte de rythme d'usine routinier dans l'abattage de viande démoniaque, les mauvaises rencontres étant fréquentes.



En revanche, il y a de quoi sourire quand on s'attarde sur l'équipement que l'on accumule au cours de son périple. Surtout au niveau des armes et autres prothèses. Ne cherchez pas l'Epée Foudroyante des Mille Fléaux ou la Hache Ecarlate des Grands Anciens. On vous fournit un équipement tout ce qu'il y a de plus standard, comme à l'armée (les ridicules couleurs kaki en moins) : l'épée A côtoie la hache B qui elle même fricote avec l'armure donc je vous laisse deviner le suffixe. Oui, chaque arme se voit attribuée une lettre signifiant son degré de puissance (degré de puissance proportionnel à l'ordre alphabétique). On vous concèdera bien une "Excalibur" en toute fin de partie mais rien d'autre. J'entends d'ici les vieux baroudeurs du RPG étrangler un petit fou-rire. Difficile de leur donner tort à ce niveau. Même mayonnaise en ce qui concerne l'attirail magique : de la guérison, de la résurrection, des forces élémentaires et de la magie noire dans le strict minimum syndical. Chaque sort étant plus ou moins désuet au fur et à mesure que l'on en découvre de nouveaux.



Tout ceci emballé dans une réalisation passe partout. Entendez par là que l'équipe technique s'est cantonnée au strict nécessaire, sans dépasser du cadre. Ni beau ni laid, ni flamboyant ni terne. Déraisonnablement standard. Les différents environnements empruntent les chemins balisés (voire fléchés, aménagés et avec restaurant d'autoroute) et ne se risquent guère à jouer l'effet de surprise. Se succèdent ainsi des décors de forêts, étendues glacées, donjons et autres terres volcaniques de circonstance. Petite amélioration en ce qui concerne la touche sonore. Si les musiques ne tutoient pas les hauteurs symphoniques des canons de l'éditeur, elles ne s'en laissent pour autant pas compter. Carrées et efficaces, notamment celles illustrant les combats, leur rythmique persiste dans le crâne. Il faudra bien cela pour lutter contre un bâillement féroce lors de certains passages particulièrement répétitifs et vains.



Un ensemble qui vous tiendra en haleine le temps de patienter avant l'arrivée d'un autre jeu. Un goûter entre deux vrais repas en quelque sorte. La difficulté étant passablement peu véhémente, l'ensemble ne vous résistera pas plus d'une dizaine d'heures. Ce qui au vu des critères des jeux Squaresoft est relativement maigrelet. Si on ajoute à cela la possibilité de sauvegarder sa progression à tout moment, on esquisse un sourire poli. Si vous êtes rompu au genre, un dur, un tatoué, de ceux chassant eux-mêmes leur viande à kebab, ce jeu vous est parfaitement dispensable. Simple, court, au challenge paresseux et à la réalisation quelconque, il n'offre qu'un intérêt faible. Les autres pourront s'attarder sur un jeu qui reste tout de même un produit Squaresoft de la grande époque, passablement léger mais en même temps propre et sans bavures. Une sorte de plat de nouilles mais parfaitement al dente.

Le point de vue de César Ramos :
Platement commun, pour une poignée de PO.