Le site qui te tape tape tape. C'est sa façon d'aimer.
Doom
Williams - 1995
Méfie toi des ides de Mars par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Ce test commencera par une interrogation, la votre : pourquoi évoquer l'épisode Super Nintendo de Doom alors qu'il existe des versions non seulement antérieures mais surtout aux attraits techniques bien plus vendeurs sur d'autres supports, à commencer par la version micro, séminale et de fait incontournable ? Parce que la dure mais juste loi d’airain qui régit ce site contraint les humbles et alcoolo-dépendants rédacteurs comme moi à ne discourir que sur des titres circonscris à l'ère 16 bits et pas un de plus. Duralex sed lex comme on dit du coté de Saint Gobin.

Peste. Il va donc falloir ruser.



Voyez donc ceci comme un tour de passe-passe, une pirouette, un rideau de fumée. Une escroquerie. Mais faisons comme si de rien n'était, les mains dans les poches et un air détaché en façade. Avec un peu de chance et en cadrant serré ça peut passer.

Doom donc.

Tu parles d'un morceau. La clé de voûte, la pierre angulaire, le substrat prodigue. L'avant de l'après. Le jeu qui a eu le culot et l'audace de ne pas créer un genre mais d'en retirer les honneurs, à jamais. Les premières traces de souillure brunâtre au fond des sous-vêtements d'une génération de joueurs qui commirent à l'époque l'imprudence de s'attaquer à ce jeu, seuls dans une pièce sombre. Difficile de dire sur ce titre ce qui n'a pas déjà été dit à foison, à toute époque et sur tout support. C'est pour cela que l'on va se contenter d'une redite, accompagnée d'une poignée d'humour gras. De toute façon vous ne payez pas.



La sortie de Doom sur une Super Nintendo moribonde en cette fin d'année 1995 est un peu le rendez-vous de l'improbable. On est même proche d'une déclaration publique de démence précoce ou de l'happening vidéo-ludique. Parce qu'à cette époque, Doom a mis son nez dehors depuis près de 3 ans déjà. Sur un support, le PC, qui sur le plan technique pose sa paire de RAM sur le nez de la console de Nintendo. Des mega-hertzs et des kilo-octets en pagaille séparent les deux machines. S'ajoute durant ce laps triennal une brochette de versions passées à la moulinette d'une nouvelle génération de systèmes arrogants de technologie (pour le meilleur et pour l'horreur, j'y reviens plus bas). Plus beaux, plus gros : l'affaire est loin d'être dans le sac. On est même pas loin de jouer à colin-maillard sur l'autoroute.



A moins que dans ce sac, on y ajoute un petit plus, un argument indéniable. Objectivement peu défendable plus de quinze ans après mais dont la force argumentaire sur le plan oldies est über 9000 comme ont dit en Rhénanie. Cet argument, accompagné de tambours et trompettes à l'époque, ce fut le Super FX-2. Ah, ça vous la coupe, non ? Non ? Baste.

Quoiqu'il en soit cette petite prothèse de silicium va permettre à une Super Nintendo presque gériatrique de mouliner quelques méga-hertz de plus et nous permettre de trouer de l'arachno-démo dans l'allégresse. A quelques concessions près, dont les plus flagrantes sont la disparition de 5 niveaux et l'absence de sauvegarde mais ne soyons pas mesquins d'entrée de jeu.



Entamons tout de go avec la question qui caresse la langue de tout un chacun : est-ce que Doom sur Super Nintendo est laid ? Oui. Aurait-il pu être beau ? Non. Nous voilà fixés. Pour être parfaitement honnête, le jeu n'est pas réellement laid. C'est Doom sur Super Nintendo, voilà. On ne construit pas le Taj-Mahal avec des parpaings. De fait, ça dégobille du pixel et ça traîne un peu la patte, voire d'autres extrémités. Mais la rétine reste sauve si l'on arrive à se faire à l'idée que l'on affrontera moins des hordes de démons que des monceaux de briques agressifs. Pour peu que l'on ait été biberonné à l'opus original, on saura reconnaître à temps une applique murale d'un imp vindicatif. La plupart du temps.



La jouabilité se plie plutôt bien à la manette de la Super Nintendo. La répartition des boutons est pensée avec intelligence, les actions s'enchaînent et se combinent efficacement. Les réflexes sont assez rapides à se mettre en place et on ne se fait pas peler bêtement le cul par un cacodémon parce que l'on a dégainé son poing américain au lieu d'ouvrir une porte ou tenté de faire un hadouken (mais si vous en êtes à ce point, on ne peut plus faire grand-chose pour vous). D'autant que nous sommes en présence d'un jeu créé avant la normalisation du genre sur micro (oui, je préfère ce terme à celui de PC, c'est mon coté TILT) et des mécanismes de jeu qui aboutiront quelques années plus tard à ces hordes de chimpanzés la souris greffée au poing, jurant un filet de bave hystérique à la commissure des lèvres qu'on ne peut décemment pas jouer à un doom-like à la manette. Je n'aime qu'excessivement peu ces gens. Les voir molestés au sang à coup de cartouches de Goldeneye m'arracherait presque une grimace béate.

A la réflexion, ça m'arracherait plutôt un fou-rire.



Certes, graphiquement le jeu donne parfois l'impression de visiter les faubourgs de Roubaix. En revanche, le jeu retrouve l'équilibre du coté des performances sonores du jeu qui n'ont elles pas à rougir de la comparaison avec son glorieux aîné. Ou peu s'en faut. La réorchestration des titres qui ont fait frisonner nos oreilles et nos SoundBlaster est impeccable, à commencer par celui que l'on attendait au détour, l'oeil plissé et le pavillon inquisiteur. Quelques pas dans les couloirs humides du premier niveau et nos oreilles poussent un ouf de contentement, l'essai est transformé. Les bruitages sont à l'avenant, on saura reconnaître le beuglement rauque et guttural d'un porc mutant, en embuscade au coin d'un couloir, la soif de sang jusqu'au bout du groin. Fermez les yeux, l'atmosphère est là. Et vous vous épargnez une tendinite des paupières à tenter de distinguer un zombie d'un bidon de mazout à quatre mètres de vous.



En fin de compte, était-il nécessaire, voire indispensable de porter Doom sur Super Nintendo au vue de l'émasculation technique annoncée ? Prenons du recul et soyons philosophes. Il faut voir cette production comme un baroud d'honneur, la dernière pirouette avant le tomber du rideau, le cul montré aux anglais avant la dernière salve des archers à Azincourt. Porter Doom en 1995 sur un support aussi limité que la 16-bits de Nintendo est, dans l'absolu, d'un intérêt qui frôle le néant. On peut facilement avoir mieux et pour moins cher. C'est plus un exercice de style, un défi de développeurs, la fierté de gens trop pauvres pour se payer une 32-bits en 1995-1996.



D'autant que cette version est loin d'être le pire affront fait à ce parangon du dégommage à la première personne. A ceux qui glosent devant les carences techniques – certes flagrantes - de ce portage, je les renvoie à des opus de sinistre mémoire qui ont contribué à une augmentation notable du nombre de cas de cataractes au sein de la communauté des joueurs. Episodes 32X et 3DO, c'est vous que je pointe du doigt, avec vos écrans fenêtrés dégueulant du pixel et vos musiques criardes. Soyez maudits jusqu’à la fin des siècles.


Le point de vue de César Ramos :
L'aura légendaire de la saga a permis de rendre le jeu facile à dénicher, pour un tarif correct.