Dans les années 80 on savait rire. J’aime ces phrases d’introduction qui claquent. Il y a des poncifs comme ça, comme « I had a farm in Africa ». Ca fait rêver et même plus : ça a marqué la mémoire collective. Et bien à l’époque on était insouciant, économiquement le monde allait bien, il n’y avait pas de problème de pétrole, de trou de la couche d’ozone, il y avait des rockers avec des vraies bananes, enfin bref, le monde était beau. Et on payait en franc. Et surtout on avait des vrais jeux. Se limiter aux jeux vidéo serait oublier qu’entre deux brioches on jouait au mille bornes, ou aux jeux de rôle car « ça faisait travailler l’imaginaire, c’est bon pour les gamins ça ». Et quand l’informatique est arrivée avec ses petits pieds d’informatique, et bien on a eu droit à des jeux de rôle numériques.
Aujourd’hui, je suis un fou, je vais vous parler d’un jeu de rôle sur Amstrad. Oui, je sais ça fait rêver. Les vieux barbons se souviennent des valeurs sûres de l’époque, comme SRAM 2, ou d’autres, à saisie de texte. Pour les plus jeunes, il faut savoir qu’en ces temps là il fallait avoir une imagination particulièrement débordante et quelques mots de vocabulaire, qu’on tentait de faire comprendre à l’ordinateur. On se retrouvait dans la grande majorité des jeux de rôle de ce temps là avec un décor, et une ligne de saisie genre « et maintenant, on fait quoi ? » où la saisie d’un simple mot débloquait une situation. Des actions genre « ouvrir porte », « nord » ou encore « tu me fais chier » était classique, et l’ordinateur réagissait en conséquence.
De tels jeux sont maintenant supers pénibles pour les jeunes générations. Lorsque l’on n’a pas connu ça, il est très difficile de se mettre à la ligne de commande abstraite. Et bien rassure-toi jeune génération, Devilry 2 n’est pas de ceux là ! Ici on va avoir droit au même écran d’ambiance, et miracle, des choix déjà fait, et il ne nous restera plus qu’à appuyer sur le clavier numérique.
Et ça c’est merveilleux. Et oui, plus d’heures de lutte avec la machine, qui ne vous comprend pas, qui vous sort toutes les deux secondes un frustrant « je n’ai pas compris » « je ne connais pas ce mot » « tu es complètement crétin où tu fais juste ça pour moi pauvre branque ? ». Là, juste une pression sur 1 et hop. Alors quand j’ai relancé ce jeu des années après, sur que j’aurais le droit à la grosse ligne qui tâche, j’ai versé une larme. Symbolique, ne vous méprenez pas, je ne suis pas une raviole.
On enchaîne donc les écrans. On suit une histoire complètement cliché sympathique, avec des graphismes bien primaires, sans bien sur une once de musique. A l’ancienne quoi… Les énigmes sont annoncées genre « ah ah vous allez en baver, je suis un piège je suis tordu », et on se surprend à sourire à chaque fois que l’on résout un piège. Un peu comme cette main en plastique qui se tend dans le train fantôme pour nous faire peur, alors que l’on sait pertinemment que c’est encore ce vieux Raymond qui tend un poing mou vers vous, dans une effluve de mauvais vin. Ce genre de pièges sympathiques.
On mourra de nombreuses fois. Pas en le faisant exprès. En effet le jeu n’a en soi aucune difficulté. Il suffit d’enchaîner les bonnes actions, et la solution se résume en une suite de chiffres… Mais s’il vous peut arriver de sortir du sentier tracé, le jeu immédiatement vous sanctionnera d’une mort immédiate, pour des actions finalement très basiques. Tout fier de votre arrivée dans une nouvelle pièce, vous décidez de fouiller un tiroir plein de promesses. Erreur de débutant, il cache une araignée qui vous pique et vous mourrez. Et vous repartez du début.
Alors il faudra s’accrocher pour rentrer dans sa bonhommie placide, sa calme avancée calculée, mais on se laissera à n’en pas douter charmer par l’ambiance oldies en diable qui résulte de ce soft. Sa facilité d’utilisation, ses graphismes d’un autre âge, le tout ponctué par des énigmes qui font peur en plastique, c’est du tout bon.
Une grosse surprise donc. Dans la masse des jeux Amstrad oubliés, celui-ci a à mes petits yeux fébriles un charme exceptionnel, que je vous invite à tester pour vous rappeler qu’en ces temps là, on ne pense pas, on prie (tout lien avec une chanson n’est pas obligatoirement fortuit, mais vous ne devriez pas avoir le temps de chercher, vous devriez déjà être dans le jeu).