Ma pauvre Muse hélas, qu'as-tu donc ce matin ? Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes. Et ça me fait chier.
Parce que j'ai besoin de toi, là, maintenant, sur le terrain, ma Muse. J'ai besoin de ton aide. Je dois parler des "Zelda - Oracle" sur Game Boy. Game Boy Color, même. Par la malpeste.
C'est douloureux. Difficile, délicat. Deux jeux pour le prix d'un, dont la somme n'égale pas le grand frère. Link's Awakening est là, dans l'ombre, indestructible, indétrônable. Il semble nous dire d'entrée que tout ceci est vain. Ô ironie ! Ô amertume !
Bah. Commençons froidement, la lumière viendra peut-être. Je n'ai pas envie de dire du mal de ces jeux. Ils ne sont pas mauvais. Ils sont juste... ah, va-t-en, ma Muse, laisse-moi seul, je ne veux, finalement, pas te mêler à cela. Fuis.
Qu'est-ce donc, donc, (gag) que ce double Zelda - Oracle ? Eh bien deux jeux. Aux différences notables mais insuffisantes pour justifier deux critiques séparées. Nintendo a bossé avec Capcom et Sega pour créer ce duo intimement lié, mais donc chaque élément peut bien évidemment se jouer seul. Chacun nous met en scène Link, dans les Pays d'Holodrum (Pour Oracle of Seasons) et Labrynna (pour Oracle of Ages), qui va devoir vaincre des méchants pour sauver des gentils, avec évidemment Zelda derrière tout ça qui essaie de sauver le monde. Sauf que Zelda n'apparaît que si vous jouez aux deux jeux. Diable, cette critique est déjà incompréhensible, merde.
En gros : vous faites l'un des jeux, Oracle of Ages, ou Oracle of Seasons. Vous le finissez, chouette. Vous obtenez un mot de passe que vous pouvez rentrer au début de votre aventure sur la cartouche de l'autre jeu. Ca vous décoince des objets et des upgrades optionnels et surtout une trame scénaristique plus complète, où l'on se rend compte que dans l'ombre, c'était les adorateurs de Ganon et Zelda qui tiraient les ficelles (chacun de son côté, hein, pas de blague.) C'est fou non ?
A part le côté financier, l'idée est séduisante (vu le tarif, à l'époque, mieux valait bien connaître votre cour de récré et savoir quel autre gosse de riche avait l'épisode qui complètétait le vôtre). Deux fois plus de Zelda, c'est deux fois plus de plaisir, avec une histoire à grande échelle, des objets sur-pétés, donc à priori je dis oui hein ? En plus, visiblement, le moteur de Link's Awakening a été repris donc ça s'annonce ouf patate. Et puis on sort d'un enchaînement Link's Awakening - Ocarina of Time - Majora's Mask, allez hop, amenez les plats, je prends tout, en plus fait par Nintendo + Capcom + Sega, ça va forcément être le gavage.
Eh bien... presque.
C'est vraiment compliqué de donner un avis sur ces jeux. Chacun en soi, n'est pas mauvais. Le visuel est tout à fait correct, voire même, j'ose le mot : joli. Le travail sonore est, lui, tout à fait inégal (franchement, aucun thême ne m'est bien resté en tête, mais ça fait le boulot). Pour le reste ça regorge de bonnes idées. Des choses fraîches, des hommages respectueux (dans Oracle of Ages, vous retrouvez des boss de Zelda 1), des objets sympas : depuis Link's Awakening, on a renouvelé l'arsenal et c'est tant mieux (et non, le boomerang n'est plus complètement over-nine-thousand), il y a vraiment des items cool, chacun y trouvera son bonheur.
Au niveau des mécaniques globales de jeu, bon, faut voir. Dans Oracle of Ages, vous avez un système de voyage entre deux époques, ce qui fait que vous avez deux mondes en surimpression l'un de l'autre. Ca sent un peu le réchauffé, que ce soit dans la série Zelda ou d'autres, hein. C'est pas comme si depuis Day of the Tentacle on était rompu à ce genre d'exercice. Et puis il y a quelques séquences ou mini-jeux vraiment crispants, où votre dextérité sera mise vraiment à rude épreuve, et ça dans un Zelda ça me fait un peu chier parce que je suis pas là pour ça.
Dans Oracle of Seasons, c'est un peu plus rigolo : vous allez progressivement pouvoir changer les saisons dans un même endroit, et du coup le décor va évoluer et modifier les accès à telle ou telle partie ou plate-forme : en hiver, vous comblez certains trous avec de la neige, en été, vous asséchez certains étangs, etc. C'est plus original, c'est moins barbant parce que vous avez pas deux cartes à explorer, et c'est plus immédiat. Yabon. Sauf qu'on se retrouve parfois avec des équences d'explorations où on se fade 5-6 fois le même chemin pour changer les saisons au bon endroit au bon moment et tout le bazar et ça casse les couilles du français moyen.
Alors voilà voilà. On a des mécaniques de jeu relativement solides quand même, une technique qui suit une recette canonique et éprouvée, un scénario construit, le souci du détail, tout y est, et les quelques défauts sont presque pardonnables. Et il y a quand même des passages super chouettes, des mondes cachés, des animaux qui vous viennent en aide, de jolis encarts cinématiques, c'est vraiment remarquable. D'ailleurs le jeu a été très bien accueilli à sa sortie. Si le peuple est content, hein, c'est bien un signe : on a bien eu Chirac en 1995.
Sauf que nous ne sommes pas à la sortie du jeu et que vous en voulez plus. Et le plus, c'est ce qu'il y a en moins : l'étincelle de magie.
Héééé oui. *soupir las*. Difficile de la doser, difficile de la quantifier. Mais ça manque quand même sévèrement de consistance, et évidemment la nostalgie et le coup de massue de Link's Awakening y sont pour quelque chose, mais que voulez-vous... c'est comme ça, c'est humain. A côté de Cocolint, ni Labrynna, ni Holodrum ne ressemblent vraiment à un "pays". Les zones font un peu prétexte - pour certaines. Et les références aux autres épisodes font un peu "passage imposé." C'est à partir de cette époque que l'on a vraiment tout un tas d'éléments récurrents qui s'installent dans les Zelda et c'est pas forcément ce qui me plaît le plus dans la série. Je n'ai aucune sympathie, je l'avoue, pour Tingle, le Jabu-Jabu, ou les Gorons, ou les Zora, ou quoi, je n'ai pas envie de les retrouver à chaque épisode, voilà. Une fois de temps en temps, ok mais c'est tout.
Et puis ça vient aussi de la cinématique d'intro. Je vous la fait courte : Link s'approche de la Triforce qui lui dit "hé, on a une quête pour toi" et le téléporte aussi sec sur place. Du coup on se retrouve dans ces pays un peu comme ça, pouf. Je suis désolé moi ça ne me va pas, quand je démarre une histoire comme ça il me faut une raison un peu plus habillée. Soit je suis là à la suite d'un long voyage, soit c'est l'endroit où j'ai grandi, bon, mais pas juste "téléportation - action". Dans Star Trek, oui. Dans Zelda, non.
Autre petite épine dans le pied : les mots de passe et les anneaux. Vous allez pouvoir collecter des anneaux qui vous donnent un bonus quelconque. Ca va de "trouver plus de rubis" à "ne plus tomber dans les trous", des protections, des boost de dégâts, vraiment il y en a à balle. C'est bien, c'est cool, mais c'est super chiant : vous devez trouver les anneaux, aller dans un magasin pour les faire identifer ET les mettre dans votre inventaire PUIS les équiper depuis votre inventaire... ok, on a compris, c'est pour nous forcer à faire un choix et ne pas abuser du système, mais du coup c'est un peu relou.
Et puis les mots de passe, excusez-moi, mais c'est n'importe quoi. Alors jouer votre deuxième jeu en mode "+++" après avoir fini le premier, je veux bien, ça c'est cool. Mais tenez-vous bien parce que ce n'est pas tout. Imaginons la situation suivante :
1 - Vous finissez Oracle of Seasons. Youpi. Vous avez un mot de passe à entrer dans Oracle of Ages.
2 - Si fait. Vous faites votre "Oracle of Ages +". Et dans cette partie, vous croisez des personnages qui vous donnent un mot de passe à "dire" dans Oracle of Seasons.
3 - Du coup vous allez dans Oracle of Seasons, vous récupérez l'upgrade donné par le mot de passe, et vous obtenez un nouveau mot de passe à rentrer dans "Oracle of Ages +" pour l'y utiliser.
4 - Vous devenez fou.
Non mais sérieux, on se retrouve avec plein de mot de passe dans tous les sens, et il faut bien noter en plus à qui et dans quel jeu vous devez le dire. Il y a un mot pour ça : "relou". Voilà, pouf.
Donc. On a là deux jeux très bien, très chouette, tout à fait Zeldasiens, mais avec des nuances : un monde sans grosse saveur, des donjons un peu plan-plan, des musiques bof, des séquences de backtracking abusées et des mots de passe à la con. Il y a pourtant un ressenti épique, un souffle, on sent que les équipes en charge du projet y ont mis de l'application, ont pris le sujet au sérieux, ont voulu bien faire et s'inscrire dans une glorieuse lignée. Certains passages, et même le début des cinématiques et l'écran-titre donnent envie, on entre dans la légende, ou du moins on essaie d'y rentrer. Mais après c'est juste banal. Et qui plus est, dans les Zelda, j'ai tendance à préférer le côté fable et conte au côté légendaire et épique.
Ca reste malgré tout deux jeux très loin au-dessus du lot de ce qui pouvait se faire par ailleurs. On a juste eu le malheur d'être habitué à de l'exceptionnel, sans compter que, niveaux Zeldas, on commence déjà, à l'époque, à être un peu blasés. Et puisque nous parlions plus tôt de jolis hommages de citations de ces jeux entre eux, je vous laisserai sur cette pensée qui synthétise mon avis sur la question :
“L'inspiration n'est le plus souvent qu'une réminiscence.” - Napoléon Bonaparte.