Que les ravioles et les danseuses passent leur chemin : nous allons parler virilité et poils. Notre jeu d'aujourd'hui est là pour flatter la partie la plus testostéronée du gamer qui sommeille en chacun de nous en nous mettant aux commandes d'un demi-million de dollars de matériel, alors qu'ici on n'arrive même pas à trouver un boulot de gardien de parking.
Cette guerre, c'était pas la nôtre, et pourtant nous y sommes allés. Nous avons survolé l'enfer de la jungle pour sauver le monde. Ou, à défaut du monde, quelques menus otages disséminés ça et là, car on ne met pas ses oeufs dans le même caleçon quand on est un preneur d'otages bien élevé.
Regardez d'abord votre fier destrier des airs. Elégant, racé, monstre de technologie, il vous permet de... de voler. C'est déjà pas mal. Pour le petit merdeux de base pour qui "voler" ne se traduit que par "emprunter de façon illimitée la mobylette du monsieur", c'est un peu de rêve qui lui coule entre les doigts. Lorsque le Game Boy s'élance, votre monture s'élève lentement, pales fouettant l'air moite à toute berzingue, c'est beau, on dirait l'introduction d'un Star Wars.
On pilote donc un hélicoptère. Ou du moins, on le déplace, en 2D, on est sur Game Boy quand même, ha ha ha jeune sot... Avant, arrière, ou plus exactement gauche, droite, super. Une courte pression sur la croix permettra de le faire pivoter. Il existe donc trois positions : orienté à gauche, orienté à droite, et orienté face au joueur. Tant de possibilités, mon Dieu, je n'en demandais pas tant, c'est grisant.
Mais on n'a vu encore aucun commando secourir des otages en deltaplane. Votre hélicoptère peut voler, oui, mais aussi tirer. Une grosse sulfateuse qui fait deux fois du bruit pour une seule cartouche, miracle de la technologie. J'appuie sur A et pouf, ça envoie les pralines, bluffant de simplicité. Et comme vous ne pourrez tirer que devant vous, l'orientation de l'engin commence à avoir son importance. Oui, elles me disent toutes ça aussi.
Outre la grosse mitrailleuse, qui peut faire sauter à peu près n'importe quoi, du singe lanceur de noix de coco jusqu'au tank double blindage, vous pourrez aussi collecter des armes secondaires qui font toujours la joie des petits et des grands : bombes, missiles, lance-flamme, et tutti quanti. Là encore, du classique, on n'est pas là pour déconner.
Il va falloir maintenant aller au secours des otages. Je m'envole donc, et je fonce, insouciant, ne prenant même pas la peine de saluer cet oiseau au passage que je m'apprête à découper à coups de pales. Echec. Le volatile me fait perdre une partie de ma barre de vie. Merde, c'est quoi ce pays où les piafs sont en téflon ? Je me reprends, et je continue vers l'horizon. Une maison, imperméable à mes balles, apparaît à mes pieds. De part et d'autres, des canons divers et variés que je fais sauter en esquissant un bref sourire tant c'est de la gnognotte. Des canons anti-aériens qui tirent à l'horizontale, je pouffe... Et autour de la maison, les otages, le mythe.
Oui, le mythe. Des petits bonhommes, tout rikiki, matérialisés en 4 pixels et demi. Je les appelle les Lemmings. Ils se promènent à l'air, tranquilles, pas un seul garde, non non. Et ils agitent frénétiquement les bras, pour me faire signe d'atterrir, mon dieu que c'est pathétique ! Leur pauvre existence ne tient qu'à mon bon vouloir. Dans un rire gras, j'appuie malencontreusement sur la gâchette et je lâche une rafale, plaf.
Et là c'est le drame. L'un des otages se volatilise. Bordel de putain de merde, ils craignent les balles en plus ces demeurés ? N'était mon prodigieux sens du devoir, je les enverrais chier bien proprement et retournerait à ma vie d'alcool et de filles faciles. Mais je ne suis pas de ce genre là, non, j'ai ma fierté. Je persévère. Je perds surtout encore un quart de ma vie en me gaufrant contre le mur, puis, une fois posé, je vois mes petits lemmings se précipiter vers moi et monter à bord. Il était temps, holy crap.
Ah, ces otages... quand je parle de mythe, je sais de quoi je parle, sacrénom. Ils sont vraiment attachants. Quand on va décharger sa cargaison à la base, ils filent à la queue-leu-leu vers la porte de l'abri, mais le dernier s'arrête, se tourne vers mon hélico et m'adresse de grands gestes de remerciements. C'est chou. Plus tard vous pourrez les sauver en leur lançant un filin sans avoir à vous poser, ils grimperont comme des forcenés, en serrant les fesses pour que vous ne fassiez pas la bourde suprême de remonter le filin avant qu'ils soient à bord, ce qui provoquerait leur mort lamentable.
C'est qu'il va falloir les chouchouter ces braves gars. Un rapide coup d'oeil en bas de l'écran m'aura vite appris que j'en ai un certain nombre à ramener à chaque niveau, et que je ne peux pas en charger plus de dix dans mon appareil. En conséquence, si j'ai la bonne idée d'exploser en vol avec les soutes pleines, dans le cul la mission. Il va donc falloir être prudent dans mon exploration du coin.
Et là on distingue deux sortes d'hommes. Il y a les mickeys, ceux qui ne se sont engagés que pour le prestige de l'uniforme et pour le sésame qu'il représente aurpès des gagneuses de Saïgon. Ceux-là fouettent des quatre fers dès que la tempête se lève et attendent chaque permission comme des pucelles effarouchées ; accessoirement, ils se limitent à sauver le minimum d'otages requis par niveau. Les faibles. Et puis il y a les vrais, les tatoués, ceux qui petit-déjeunent d'un niak cru tous les matins, qui ont "bienvenue à Parigné l'Evèque" tatoué sur le zob, qui ne vivent que pour la guerre, l'exploit, la gloire, et à côté de qui Patton fait figure de coiffeuse. Eux vont tout explorer, rafler tout les bonus, et surtout récupérer tous les otages, même dans les coins les plus reculés de la Mayenne, qu'importe le péril et l'odeur de sueur persistante sous leurs aisselles.
Et quand on a des couilles comme des melons, on est un as du manche. Mais ne me regardez pas comme ça, espèce d'ahuri. Je parle de compétences de pilotage. Certains passages sont du plus pur style "le pixel près". Le concept de masque de collision va prendre tout son sens, surtout quand les Anglais débarquent, et qu'on est obligé de passer par derrière, vous savez, par ce tunnel tout sombre qui ne sent pas très bon. Et un tunnel étroit dans lequel des geyser manquent de vous plaquer sur les stalactites du plafond tandis qu'un canon de DCA vous pilonne méthodiquement, on a beau dire, c'est un rien stressant. Il faudra donc de sacrées burnes pour venir à bout des niveaux 4 et 5. Choplifter fait partie de ces jeux qui, pour un pixel mal apprécié, vous donnent envie de fracasser l'écran de votre Game Boy à coups de front.
Mais il faudrait être mad, ou très con - les deux même - pour se laisser ainsi dominer par ses pulsions animales. Le oldisme ne crée-t-il pas des héros ? Alors ne rechignez pas à la besogne. En vous couvrant les oreilles, ça sera tout à fait faisable. Oui parce que si les graphismes sont d'un épuré tout à fait militaire, les musiques sont un poil pète-bonbons. Ceci dit, tout bien pesé, on s'en bat les steaks.
L'important c'est de répondre à cette question : êtes-vous du bois dont on fait les connards, ou de l'acier dont on fait les légendes de la voltige ? La réponse vous attend, rotor rutilant sous le soleil des tropiques. Choplifter est un jeu rude, âpre, austère, déconcertant. Mais on apprécie d'autant de lui faire rendre gorge, de le retourner comme une crêpe. La satisfaction du bon boulot bien fait. A l'ancienne.