Gauntlet II. Ha ha, Gauntlet II. Gauntlet II. Gauntlet II !! Mon Dieu, Gauntlet II !!! LE Gauntlet II ! Oui ? LE Gauntlet II ?
Eh bien non. Pas LE Gauntlet II, mais UNE DES adaptations de Gauntlet II. Sur Game Boy, en Noir et Blanc dont au sujet duquel on sait que si ça s'trouve que ça passe quand même, parce qu'on est oldie et qu'on sait bien depuis l'époque de la triplette Game Gear - Lynx - Game Boy, que ce n'est pas avec de la couleur qu'on fait les meilleures soupes.
Gauntlet II, sous-entendu suite du 1. Vous ne connaissez pas Gauntlet ? Ce n'est pas grave, ami internaute. On peut vivre très bien sans aucune espèce de culture. Pour ma part j'ai un ami qui vit à l'abri du besoin avec une femme aimante, trois beaux enfants et de magnifiques chemises à coupe impeccable, tout en étant persuadé que les noms des quatre Tortues Ninjas viennent de spécialités culinaires italiennes. Non, je plaisante, un ami pareil ne serait plus mon ami. Vivre sans culture, c'est se condamner à avoir le cerveau aride ; et un cerveau aride est vieux avant l'âge. Ce qui n'est pas bien.
Mais revenons au sujet. Gauntlet II. Ce n'est pas rien, Gauntlet II, c'est même un peu culte sur les bords. On est quand même devant un jeu sorti, par exemple sur Atari, oui oui, les micro-ordinateurs avec plein de jeux, en 1986, qui défiaient fièrement les Amiga. Suite de Gauntlet 1 (qui l'eût cru), qui avait fait grand bruit. Arcade, Atari, années 80, on sent déjà le souffle chaud de la légende...
Et donc, ce jeu est le genre de jeu avec un joli écran titre montrant ce qui se fait de mieux en matière de clichés d'heroic-fantasy : le barbare chevelu en slip, le magicien barbu en robe, l'elfe menu en Errol Flynn de contrebande, et la guerrière siliconnée en bikini. Un écran-titre ma foi pas moche, même en niveaux de vert-de-gris dégueulasse que notre console préférée sait si bien nous faire apprécier, même sans rétro-éclairage, et à chaque fois que j'y pense ça me la coupe. Ah, écrans de Lynx, de Game Gear... quelles tristes destinées que les vôtres... * sigh *
Vous m'en direz tant.
J'en rajoute une couche sur l'histoire des consoles parce que Gauntlet II illustre à mon avis un cas typique. Prenez un portage absolument identique d'un jeu sorti 5 ans auparavant - donc je résume : un jeu préhistorique, en moins beau sur un écran tout petit sans couleur et avec un chiptune limité (à titre de comparaison, sur Lynx, on a eu Gauntlet III, quand même) et il va se vendre. Et c'est avec ce genre de plaisirs monochromes de plats resservis, à moindre coût, et sans une once de changement, que Nintendo a défoncé l'anus de ses concurrents au verre pilé. "Du plaisir simple à pas cher". Un peu comme pour Ursula "Grand Huit" Vaginovska sur la N122, tous les soirs sauf le dimanche après 22h00.
Et Gauntlet II c'est bel est bien du plaisir simple. Normal : ça nous vient de l'arcade, à la base. Juste après l'écran-titre, vous avez un écran-moche, sur lequel une pression de votre croix dans une direction vous permettra de sélectionner votre personnage (chacun ayant, vous vous en doutez, ses spécificités). Puis start et zou c'est parti sans fioritures inutiles, "level 1", vous voilà dans l'action. Votre personnage vu de haut n'attends plus que vos instructions pour avancer dans un labyrinthe vu de haut. Un gros. Un très gros. Et sans carte, évidemment.
C'est d'une évidence renversante. Il faudrait être mad ou très con (voire les deux) pour ne pas piger le fonctionnement du bousin. Un bouton pour tirer, un pour utiliser une potion, qui aura pour effet de faire disparaître plus ou moins d'ennemis de l'écran. Des ennemis il y en a, oui, évidemment, s'il n'y avait que des murs dans ce donjon ça serait trop simple, jeune sot... il y a aussi donc plein d'ennemis. En MASSE. D'ailleurs, je vous apprends peut-être que "gauntlet" ne veut pas seulement dire "gantelet" mais aussi "foule hostile" (dans l'expression idiomatique "to run the gauntlet").
Donc, des ennemis de toutes sortes, de ceux qui vont vous foncer dessus en kamikaze, de ceux qui vous vous taper dessus en gros brutos, ceux qui tirent en ligne droite, ceux qui tirent au-dessus des murs, ceux qui ne crèvent que dans certains conditions, ceux qui ne crèvent pas, le bestiaire en a à revendre. Avec de temps en temps un gros dragon qui fait mal et qui garde un gros trésor.
Tout ceci parsème joyeusement l'écran sous lequel se trouvent votre inventaire (des clés pour les portes, des potions pour nettoyer le terrain), vos points, et votre santé. Celle-ci est sous la forme d'un compteur qui va décroissant à chaque seconde, sans compter les coups dans la figure. Vous commencez à 2000, et il va donc vite falloir trouver de la nourriture... pour ne pas crever comme une merde. Rien ne vous empêchera par la suite d'aller jusqu'à 9999, ce qui, avec un peu d'habitude, se fait bien.
Et donc vous avancez, de niveau en niveau, vous pulvérisez les ennemis, vous prenez des clés, ouvrez des portes, ramassez les trésors, les items aussi. Car il y a des objets qui ont des effets sympa : les tirs rebondissants, l'amulette qui fait fuir les ennemis, le passe-muraille, etc. Le tout annoncé à grands coups de voix digitalisées cathareuses, certaines phrases faisant encore objet d'un culte sur le net (dans des milieux très fermés, je vous rassure ; et non, ma mère n'a rien à voir là-dedans). Par exemple, si vous tapez "elf needs food badly" ou "elf shot the food", sur Google, vous risquez d'être surpris.
Voilà. Et ça continue. Indéfiniment, car, oui, à l'époque, mettre une fin à ce genre de jeu était vaguement facultatif. On a donc un système vraiment oldie de tableaux qui s'enchaînent jusqu'à ce que le joueur en ait marre, on joue jusqu'à plus soif, juste pour jouer, pas pour "terminer". Une autre époque, oui...
Est-ce que c'est rigolo ? Ca dépend. Moi perso je le trouve sympa, quand on sait qu'on a le temps devant soi d'aller plus loin que les premiers niveaux qu'on commence à connaître un peu trop par cœur. Ce jeu a un petit charme a lui, on se sent vraiment perdu et tout seul dans l'immensité glaçante et hostile... ah oui parce que c'est vraiment le désert niveau ambiance sonore. Pas de musique, des sons parfois qui viennent de nulle part, limite un peu oppressant, quoi. De temps en temps on peste contre cette putain de bouteille de cidre (nous savons tous que les barbares sont Celtes, hein) qui se trouvait sur la trajectoire d'une hache perdue, et merde j'ai pété un objet. Oui car certains objets sont fragiles, et c'est extrêmement frustrant d'avoir enfin ratatiné cette saloperie de dragon (qui potentiellement peut vous transformer en cendres en quelques secondes), et d'avoir donné le coup de trop qui fait se volatiliser la potion censée vous donner un pouvoir supplémentaire. Parce qu'effectivement on peut un peu s'upgrader, oui, il y a six "postes" upgradables : la capacité de l'inventaire, la défense, la vitesse, l'attaque à distance, l'attaque au corps à corps, et la magie. Ca permet de varier un peu et surtout de compenser les lacunes des persos de base, pour se transformer bien vite en gros bourrin. Ce qui est, vous en conviendrez, un peu l'objectif final de tout joueur qui se respecte, quelque part.
Le coup des objets qui pètent prend encore plus de saveur quand on joue à deux. Oui, là je sens que vous tendez l'oreille. Le multijoueur sur Game Boy, ça fait frémir, et là, ça passe. Et ça vaut mieux car sur un jeu pareil, c'est bien le multijoueur qui donne toute la dimension à l'ensemble. Et à deux, vous serez à la fois alliés et rivaux, parce que le nombre d'items ne double pas, on se partage tout, et donc non seulement on se chipe les bonus mais on peut par maladresse péter celui convoité par son partenaire. Ce qui, associé aux longues engueulades sur la direction à suivre, donne lieu à un florilège des plus belles insultes bon esprit. Je ne compte plus les après-midi passées sur la version Atari où, avec un copain, nous avons enrichi notre vocabulaire de noms d'oiseaux à une vitesse prodigieuse.
Donc voilà, un jeu sympa, encore plus à deux. C'est, je le répète, le jeu d'arcade qu'on ne fait pas pour finir mais pour s'occuper jusqu'à ce qu'on s'en lasse. Et à l'époque où j'ai découvert ce jeu, il en fallait beaucoup pour me lasser. Comprenez-moi : j'étais en vacances à Strasbourg. *soupir*
Pour la petite histoire, mon record sur Game Boy est de 7 heures et demie d'affilée, ce qui m'a mené jusqu'au niveau 217. Je n'avais plus de pouce mais ce n'était pas grave, mes nerfs étaients morts aussi. Et si je me suis arrêté, c'est juste parce que je devais aller manger et que je en voulais pas laisser la GB allumée pendant l'heure et demie du dîner familial (oui, chez les grands-parents, le temps se dilate...). "PeteMul needs food badly", aurait-on pu dire, ah ha ha, je pouffe à cette blague fort à propos.
Alors je veux bien passer pour un psychopathe, un acharné, mais si j'ai tenu ce temps là dessus, c'est que quand même, quelque part, c'est un jeu un peu bien. Aujourd'hui, avec l'émulation, on peut jouer à la version NES sur sa portable, mais si vous êtes un pur et que vous voulez du fun dans votre authentique Game Boy, cette cartouche vous tend les bras.
Ceci dit si vous êtes un vrai de vrai pur et dur niveau 2 qui se respecte, vous n'y jouerez pas. Ah. Oui parce qu'en fait, les autres versions sont 15 fois mieux. En gros si vous n'avez que votre Game Boy pour meubler vos journées (ce que je ne vous souhaite pas, car nonobstant les qualités de cette console, une vie sociale bien remplie et une bibliothèque bien garnie sont quand même des choses qui me semblent indispensables à une existence équilibrée), oui, à la rigueur. Mais vous trouverez bien d'autres versions plus jolies, plus confortables visuellement, moins pépères sur le plan de la difficulté, et plus funky, toujours en repensant au multijoueur. A vous de voir.