En oldies bien élevé, on connait tous Megaman. Le petit robot, qui lutte contre le mal incarné par ce méchant docteur Wily, avec sa frimousse sympathique, son bras pistolet, son chien à ressort, ses gadgets, ses histoires un peu nouilles… Oui, mais avant qu’il ait marqué l’inconscient collectif, il a été un enfant. Oui, même lui. Et a débuté ses aventures par des opus que l’on n’ose plus citer aujourd’hui de peur de passer pour fou, ou tout simplement pour vieux. Pourquoi tant de haine à l’égard du petit monstre robotique ? Autopsie d’un jeu de la grande époque.
Lorsque l’écran titre apparaît, on sent qu’on touche le mythe. Ecran ultra sobre, logo, start, continue et point barre. Ah ma bonne dame nous sommes en 91, l’espace mémoire était compté et le petit robot n’était pas encore une licence à million comme maintenant, et comme n’importe quel petit budget il a du démarrer avec le graphiste du coin. Mais déjà, la touche métallique est apposé, on y est je vous dis.
Déjà aussi, les classiques choix des boss. Dans la majorité des opus de la licence, on a le choix du chemin à faire. Chacun à sa recette, comme lors des diners familiaux ou l’abruti de service renverse son verre de vin, immédiatement c’est la panique. « Il faut mettre du sel » « non ca va incruster la tâche, malheureux, met plutôt une boulette de mie de pain macérée dans du lait » «M’enfin mon pauvre tu as été fini à l’urine ou quoi, on doit d’abord se caresser dessus, puis la mettre a sécher un soir de pleine lune pour que… »
Là c’est identique, chacun sa sauce, mais le résultat est le même. Les vrais vous le diront, si d’apparence il n’y a que 4 niveaux il y a le 5ème du docteur Wily en personne. Mais seul les combattants au cœur pur, qui auront par exemple choisi la 3ème méthode pour laver la nappe le verront un jour. Car oui, ce jeu est une sommité de difficulté.
Vous avez peut-être l’habitude de Megaman avec son gameplay ciselé au pixel prêt et ce style si précis de la série. Peut-être jeune béotien, cependant ici c’est le début, le tout premier épisode. Je vous vois sourire. Ingrat. Passez donc n’importe lequel des premiers niveaux du premier coup sans perdre une vie que l’on rigolât tous ensemble. Car ce jeu est le royaume des passionnés, et de la passion il en faudra pour ne pas fracasser sauvagement sa game boy (je fais fi du vieux débat concernant le sexe de la game boy, et je chie méthodiquement dans le cou des partisans « du game boy ». Une telle douceur ne peut être masculine).
On va enchaîner 5 niveaux. Sur papier si l’on en faisait un plan, ils ne sont pas gigantesques, oh non. Cependant une fois dans l’arène de votre souffrance, jeune gladiateur de votre perte, chaque salle se transformera en chambre des tortures. Chaque mètre gagné vous fera boire une lampée de cet excellent alcool e poire que vous gardez pour les soirs d’hiver où votre volet grince effroyablement comme le déambulateur de feu votre grand-mère, décédée il y a de cela plus de 10 ans. Vous allez en chier. Chaque ennemi vous attend prompt à la dégaine comme silencieux dans l’attente. La perfidie des développeurs a été poussé à l’extrême et on se retrouve très fier de réussir un saut de merde pour se rendre compte qu’il y a un bête piège qui vous attend de l’autre côté, de la race de ceux qui vous précipitent quelques mètres plus bas, dans les piques mortelles, bien évidemment.
On se promène donc nerveusement dans des salles bourrées de monstres sanguinaires, a déjouer les sinueuses idées de développeurs déjantés. Et c’en est merveilleux. Cette difficulté là stigmatise à elle seule l’un des intérêts de notre religion : le oldies aime la difficulté. Ici pas de tutoriel, pas de flèches ingrates pour enfants limités expliquant la marche à suivre. Vous êtes coincé dans l’espace, avec votre bite et votre couteau, et le monde hostile est là.
Cependant c’est très loin d’être infaisable. Ce n’est pas un jeu de reflexe comme pourrait l’être un Mario. Ici tout est calcul. Ne foncez surtout pas tête baissée en hurlant banzai. Déjà c’est grotesque et cela vous mettrait dans la délicate situation de passer pour un con, mais surtout il faudra plus de finesse. Regardez les patterns ennemis. Elles sont généralement simplissime, et sont fait pour vous éclater la gueule dès que vous foncez dessus. En décortiquant méthodiquement les mécanismes, paf, c’est bon vous winnez. Et je vous veux en winner.
Et vous allez winner. Un maximum. Vous allez avaler les 4 niveaux du jeu car ils sont les parfaits ambassadeurs d’une autre époque de jouer. La musique va aussi dans ce sens. Quoiqu’inégale, elle vous chatouillera les oreilles par ses mélodies voluptueuses et cette inénarrable touche Capcom des premiers âges. Les graphismes assurent, et le monde de Megaman est beau et cohérent. N’en jetez plus, c’est déjà presque trop.
Ce jeu est juste une merveille. Il est diablement difficile, mais est intellectuellement satisfaisant. Ce ne sont pas vos réflexes de Ninja qui gagneront, mais votre habileté légendaire à amadouer les créatures les plus fourbes, à penser comme un animal malade. Vos oreilles en redemanderont, vos yeux pleureront de joie, et l’on comprend instantanément que la série ai tout pété, et soit encore présente en linéaire, plus de 20 ans après… Oh simple things, where have you gone...