Le Game Boy est vraiment un objet formidable. Radar Mission est un jeu formidable, donc ça tombe plutôt bien. Après une telle entrée en matière, j'imagine que vous frétillez donc toutes et tous comme des pucelles le soir du Grand Soir en vous demandant - et c'est légitime - quel est ce jeu formidable sur la console du Bien ? Eh bien, ce jeu, Radar Mission, est une simulation de sous-marin, rien de moins. Enfin si, moins, parce qu'en fait, c'est pas une simulation du tout. Mais quand même, un jeu DE SOUS-MARIN. En partie. Rien qu'à l'époque, le concept m'avait troué le cul. Et ça, c'est déjà fort.
Aaah, Toulon, Brest, cités resplendissantes...
Qu'y a-t-il, sous cette apparence rude et virile, sous cette étiquette d'un destroyer inscrit dans un colimateur plein de menaces ? Quels secrets obscurs de la Grande Muette recelle cette cartouche oubliée au fond des âges ?
Maître mot : réalisme. On a huit canons pointés sur nous mais c'est pas grave, on va tout ravager.
Radar Mission, amis oldies, c'est du 2 en 1. Deux modes qui n'ont rien à voir entre eux à part l'élément marin et les galons militaires. Et le fait qu'on puisse y jouer à deux, ce qui est *** bien *** .
Grille de jeu, version grande taille.
Le mode A est tout simplement une bataille navale. Oui, la bonne vieille bataille navale des familles, et donc, déjà, on n'est pas du tout un sous-marin, mais c'est pas grave. Sauf que ce n'est pas si simple. Bon, évidemment on peut paramétrer la difficulté, la taille de la grille, et tout : minimum syndical, me direz-vous. On aurait eu moins, j'aurais déjà incendié les développeurs sur trois pages, ils s'en tirent donc à bon compte. Une fois tout ceci paramétré, c'est parti pour trois niveaux de baston.
On place ses bateaux, on bouge son curseur sur une grille, on tire, jolie animation qui montre le missile qui part et qui tombe sur le bateau à l'horizon. Ou à côté. Ca met un peu de suspens, en même temps, ça dure pas trop longtemps pour qu'on s'ennuie sur toute une partie, perso j'aime. Et quand le CPU envoie les dragées, on voit sa grille vue de haut, et on stresse à mort en voyant que ça zoome sur une zone où on a placé ses pions, et aaaaaah plouf. Ouf. On s'en tire bien pour cette fois.
Ceci dit, si ça s'arrêtait là, j'aurais aussi vitrifié au napalm (?) les développeurs, parce que bon, faut pas déconner. Et ça tombe bien : il ya des petits trucs en plus. Pas la révolution des mers, mais des choses sympas comme tout, genre la cuillère de crême fraîche qui donne encore plus de saveur aux épinards (oui de toute façon j'aime les épinards, je suis un extra-terrestre et je vous merde).
Par exemple, les porte-avions. Les porte-avions, ça porte des avions, non ? Eh ben là, si au bout de 25 tours à peu près (je crois, et on s'en tape après tout) les porte-avions sont intacts, ils lancent un avion. Qui a la particularité de changer de case à chaque tour, du moment que
la nouvelle case n'ai jamais été visée auparavant. Chiant, parce qu'on peut pas les détecter, eux.
Vos navires, avec votre avion lancé.
Ah oui parce qu'on peut détecter les navires. Enfin, disons que quand on tire à côté d'un bateau, ça fait un "bip bip" qui veut dire qu'il y a quelque chose sur une case adjacente au celle qu'on vient de viser. Ca change pas mal de choses au niveau de la stratégie habituelle ! Evidemment cette option est désactivable, mais ça bouscule les habitudes, c'est frais, c'est beau, c'est magique.
Une jolie cinématique du décollage de l'appareil ennemi.
Enfin, last but not least, il y a des power-shots, des espèces de bonus de la mort. Des tirs multiples en croix, allez hop, c'est parti pour une salve de pruneaux sur 9 cases d'affilée, ou alors sur un "tir fatal", que je surnomme affectueusement "la grosse praline" : si vous touchez un navire, il coule. Même si c'est l'espèce de truc chiant du niveau 3 qui fait 8 cases de long. Hu hu hu, je vous raconte pas le panard quand on touche son but en tirant au hasard. (Bon, là où c'est le stress, c'est que le CPU, ben il peut aussi en avoir... et perdre son porte-avion en un coup, ça fait un peu flipper.)
On déroule le tapis de bombes...
Et voilà. On coule cette saloperie de flotte ennemie et on va chercher ses médailles, holy mother of god, encore une putain de bonne journée à plomber ces maudits rebelles. Ca donnerait presque envie de se mettre à fumer le cigare en écoutant du Wagner.
On peut être militaire et avoir de l'humour !
Mode B, c'est plus vivant, si je puis dire. Fini le tour par tour, là on va dégommer en direct. Deux flottes s'affrontent, pleines de bateaux appuyées chacune par un sous-marin. A ma gauche, les nobles forces des Etoiles, et à ma droite, les puissantes troupes des Croissants. J'adore cette symbolique de bon goût tout à fait d'actualité. Une chance que les étoiles soient à cinq branches et non à six. Bravo les concepteurs, en plein dans le mille.
Vue classique. Le petit bateau va faire dans son slip dans moins de deux. (J'aime l'humour militaire.)
Ce détail (?) passé, donc, quoi c'est-y qu'on a ? Ce n'est pas facile à décrire, accrochez-vous. Imaginez-vous jouant à Doom. Dans les mains, vous avez un double shotgun qui se recharge très lentement (les torpilles) et une mitrailleuse rapide à courte portée et faisant des dégâts de merde (les je-sais-pas-quoi, mini depth-charges ou gros boulons, bref). Et imaginez que vous ne pouviez QUE strafer, c'est à dire que vous ne vous déplacez que suivant une direction (et donc dans deux sens, en l'occurrence gauche et droite - révisez vos maths).
Attention. Les avions peuvent vous lancer des torpilles.
Face à vous, en surface : la mer et ses mystères et surtout plein de bateaux à des distances différentes. Ca va de la vedette minable au porte-avion qui vous balance des avions (et oui) qui vous balancent des torpilles dans la figure. Et un sous-marin, qui sera au premier plan. Evidemment, tout cela n'est pas dans le même écran, faut bouger de droite et de gauche pour voir les gens, bande de résidus de raclure du bidet de Staline (on dit "Yes sir !").
Et "derrière vous", la même chose. Et le sous-marin, c'est vous. Donc, deux flottes identiques en nombre se faisant face. En plongée, on voit la même chose, en vue radar. Ca va plus vite mais on peut pas tirer, par contre on voit tout le monde, on planifie ses déplacements. Et évidemment on échappe aussi aux tirs.
On joue 4-4-2, modifiable en 4-3-3, avec option 5-8-2, retour au centre, passage sur les côtés et double vrille piquée...
Car oui, le but, c'est de plomber l'adversaire. On est quand même chez les militaires, je vous rappelle. Le challenge est simple : coulez toute la flotte adverse OU le sous-marin avant que l'inverse ne se produise.
Pendant qu'une torpille file vers le croiseur du fond, le sous-marin ennemi fait surface. Baston !
Concrètement, ça veut dire que c'est une course contre la montre : vous vous magnez le cul à pilonner tout ce qui vous passe sous le viseur en entendant l'adversaire faire de même, bordel, magnez-vous en salle des machines, on se fait pulvériser, renversez la vapeur, ce destroyer nous est passé sous le nez, aaargh. Et quand on croise le sous-marin ennemi en surface, là c'est la boucherie, on balance toute la sauce, stress énorme, j'aime, une fois sur deux on finit soi-même transformé en récif artificiel. Donc soit vous vous la jouez "j'optimise tous mes déplacements et mes tirs", soit vous vous la faites "je rushe sur le connard d'en face et je le savate en moins de 20 secondes". La tactique dite "du Lamentin Fourbe" étant de remonter en surface juste le temps de balancer ses torpilles et replonger aussitôt. Sans vraiment viser, donc. A Counter-Strike, ça ferait un peu "je prends mon fusil de snipe, je saute de derrière ma caisse et je tente un head-shot sans m'arrêter et surtout sans regarder dans le viseur". J'ose pas imaginer le chaos en salle des machines.
Le coup de grâce.
De plus, c'est pas forcément évident. Au niveau le plus dur, y'a du challenge, car le CPU va très vite. En plus il y a deux-trois options sympa pour agrémenter tout ça : un double tir de torpilles, un turbo (l'option indispensable, soit dit en passant), et un sonar amélioré qui rajoute, à la position des navires, leur sens de déplacement (l'option souvent sous-estimée, mais bien plus indispensable que le double-tir si vous espérez vous en sortir avec honneurs aux niveaux élevés). Donc c'est que du bonheur en barre.
Vous m'en mettrez trois kilos, Mr. Carrington. Non, pas celles-là, ma femme dit qu'elles sont farineuses.
Que ce soit en mode A ou en mode B, le jeu passe comme une caramel au beurre salé dans la gorge d'un breton en manque de douceurs : des fois ça écoeure, ça colle un peu aux dents et ça fait chier, mais le plus souvent ça ne se refuse pas. Les graphismes sont simples et fonctionnels, voire pas dégueus, avec de très belles animations par moment qui montrent que même avec 4 niveaux de gris, on peut faire quelque chose qui a un peu de gueule. Les musiques sont relativement quelconque, avec cet avantage qu'elles sont pas complètement agaçantes au bout de 28 secondes. Et la maniabilité de tout ça est d'une simplicité qui me laisse pantois, moi qui pourtant en ai vu d'autres sous nos hémisphères.
Parade de victoire. Ca a pas la classe d'un triomphe à la romaine, mais on s'en contentera.
Et ce jeu a l'avantage en plus d'avoir un comportement différent à chaque partie, ce qui n'était pas le cas de la plupart des jeux GameBoy de l'époque (bah oui, peu de jeux de sport, et Street Fighter II n'existait pas...), en conséquence de quoi je le déclare comme "excellent pour les chiottes" : rapide, immédiat, et constamment renouvellé.
Un bon produit du terroir bien de chez nous. Reprenez donc tous en choeur avec moi : "In the Navy, yes you can sail the seven seas..."