Le site où hier ne meurt jamais.
Strider
Capcom - 1989
Bad Ugly Communist VS. Beautiful Strider Ninja Hiryu par Pixxell

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
En rangeant pour la millième fois mon placard à trésors, je suis retombée, entre un cache-nez et une vieille robe à fleurs que je me suis empressée de jeter, sur un de mes premiers jeux Megadrive. La pochette est bien sûr moche et kitsch. Sûrement pas la pire que je possède, mais elle demeure d'un mauvais goût assez remarquable. Oui, c'était la mode à l'époque... L'illustration figure un blondinet châtain-roux gominé habillé d'un justaucorps fuchsia extrêmement moulant et exhibant son glaive. Mais le nom inscrit juste en dessous de cet œuvre du bon goût résonne encore dans mon esprit. Parce que Strider, c'était la claque, tout simplement.


Pleine d'entrain, je m'empresse d'insérer la cartouche, quand un homme sûrement très laid sous sa capuche rouge et noire me ri digitalement au nez. Il a l'air de dire « Ouiiii, je vais conquérir le monde depuis ma base spatiale nommée « Troisième Luuuuune » ! Tous les continents sont à ma merci et vous, peuple d'une Terre en déclin, deviendrez tous mes esclaaaaves. N'espérez même pas m'échapper, tous mes hommes sont à vos trouuuuusses ! Et si c'est moi qui vous attrape, je vous griffe ! Limez-moi les ongles, mouhahahahahahaha ! ». C'est bien, au moins, on sait ce qui nous attend : un vrai méchant.

Après cette introduction un peu stressante et absolument pas originale pour un kopek de Kuzafu, je me mets à douter de mes souvenirs. J'aimais vraiment ce jeu ? Heureusement, une fois le jeu lancé, je reprends mes esprits. Si jusque là, tout prétendait à un jeu nanar – voire pire –, je me rappele soudain qu'il ne faut jamais s'arrêter à ses premières impressions.



Nous sommes donc en 2048, et voici qu'apparaît à l'écran notre héros, le Strider Hiryu. Arrivant en delta jet perfectionné sur les toits d'un Neo Moscou, c'est un Ninja futuriste surdoué à la coupe profilée. Et s'il est là, c'est qu'il s'agit de la dernière chance pour la Terre de déjouer les plans diaboliques du régime mit en place par le simili soviétique mystique à la féminité mal assumée dont je causais plus haut : le Grand Master Meio.

Seul contre tous, certes, mais Hiryu a pour lui souplesse, armes et équipements. Tout d'abord, il possède une sorte de dague laser, à la portée très étendue et qui charcute le moindre ennemi ou élément de décor destructible en moins de deux. Il s'agit d'ailleurs sûrement de son seul et meilleur ami, puisqu'il lui a donné un petit nom : Falchion.



Le jeune homme est aussi capable de véritables prouesses acrobatiques, dont la roue-sans-les-mains-très-haut-dans-le-ciel est le parfait exemple. Cependant, lorsqu'il se heurte à un obstacle ou se fait toucher, la grâce le touche beaucoup moins : il réalise alors un roulé-boulé maladroit. De même, une fois en l'air, notre héros devient une sorte de chose incontrôlable, les sauts n'étant pas vraiment dosables.

Heureusement, tout n'est pas dans l'esbroufe chez ce chevalier des temps modernes, et il est facile de se rattraper lors d'un mauvais calcul de trajectoire. Hiryu possède une sorte de crochet/grappin au niveau du poignet. L'intérêt de la chose, c'est qu'il peut s'accrocher à une multitude de revêtements à la force des bras et ainsi se prendre pour l'homme araignée. Sauter puis s'accrocher sur le plafond afin d'éviter quelques assauts, se hisser sur une plate-forme, escalader diverses parois, sauter d'un mur à un autre pour passer divers pièges : rien ne lui est impossible.



Autre atout technologique : l'aide de petits robots suicidaires peut vous être allouée. En effet, la plupart des drones du jeu, bien que tout aussi dangereux que les autres adversaires, transportent avec eux des options, qu'ils vous délivreront une fois tués délivreront une option. La récupérer ferra arriver une sorte de droïde plutôt résistant qui tuera des ennemis pour vous, n'explosant que si vous vous faites toucher.

Si vous possédez deux de ces compagnons et que vous en récupérez un troisième, vous aurez la surprise de vous voir attribuer une... Panthère Cyborg. Quant au Robot Faucon, soyons franc, il ne sert à rien, sinon décimer quelques adversaires présents en arrière-plan le temps de quelques secondes. Mais que j'aime la technologie au service de l'homme : entre les cafetières, les voitures, les laves vaisselle et les robots tueurs, mon cœur balance.



L'option peut également consister en une lame deux fois plus puissante ou en une invincibilité temporaire. Quant aux bonus liés à des points de vie supplémentaires, ils sont symbolisés par de jolis idéogrammes chinois représentant tout ou partie du nom « Hiryu ». De quoi passer outre les nombreux opposants que vous croiserez.

Les ennemis, parlons-en. Du simple soldat, on passe rapidement à l'armée de mitrailleuses lasers, droides diaboliques, rayons tueurs, catcheurs, loups, méchas, tourelles, mines et j'en passe… Mais aussi des nombreux éléments de décor meurtriers : scies sauteuses, pieux, rayons électriques, torpilles entreposées, fossés, boulets, plafonds organiques, éboulement soudain sous vos pieds...



Et puis viennent les Boss, qui n'ont jamais aussi bien porté leur nom tant ils sont impressionnants, leurs sprites prenant souvent plus de la moitié de l'écran. On commence par un conseil soviet qui se transforme en une... immense chenille métallique, tentant de vous trucider avec un marteau et une faucille. Une apparition qui fit sensation à l'époque, et dont toute personne s'étant essayée au jeu à l'époque vous parlera avec le regard humide et le sourire aux lèvres.

Par la suite, on apercevra aussi un gorille mécanique gigantesque, un satellite tout bonnement impressionnant autour duquel vous serez en gravitation, un Mecha T-Rex et d'autres trucs tout aussi hallucinants, voire de mauvais goût. Si quelqu'un peu m'expliquer la présence du pirate à fouet, je ne suis pas contre.



L'action est frénétique, assurément, et tout s'enchaîne rapidement. Même s'il s'agit d'un jeu d'arcade pur jus, où les contrôles se résument en deux boutons – un pour frapper, un pour sauter – on ne s'ennuie pas une seule seconde tout au long des cinq niveaux que propose le portage Megadrive.
C'est assez rare pour le genre beat'em all/plateforme à cette époque pour le souligner, et ceci est du aux environnements extrêmement bien pensés : déroulement horizontal et vertical sur plusieurs étages, dénivelés, escalade, un soupçon de plate-forme, des pièges sournois, des systèmes gravitationnels qui vous attirent inexorablement vers le haut.

Le temps très limité avant d'arriver à un point de contrôle ajoute un peu de pression à chaque pas, et la variété des ennemis et des situations un peu de surprise. Petit point noir toutefois, vu le nombre d'ennemis parfois à l'écran, on peut s'emmêler les doigts rapidement, d'autant plus que le jeu aime bien ralentir dans les moments très critiques. Heureusement, quelques temps de latence vous aideront à respirer des mains.



L'aptitude permettant à Hiryu de s'accrocher n'importe où est aussi utile qu'ingénieuse : si vous pouvez vous éviter ainsi une chute inexorable ou vous faufiler derrière un ennemi par-dessous, il sera nécessaire de s'en servir lors de l'apparition des nombreux pièges disséminés sur votre passage. Les boss laissent par exemple toujours à leur mort un petit cadeau : en explosant, ils provoquent une véritable flambée des environs, vous demandant souvent de fuir le plus vite possible... Sachant que la seule issue se trouve être une cheminée minée, des murs verticaux qui se rapprochent inexorablement ou une rampe à mille pieds d'altitude. Bref, le level design très abouti et même exemplaire.

Mais ce n'est pas toutes ces qualités qui font que Strider est pour beaucoup un jeu culte. Ou, du moins, pas que. Ce soft est aussi et surtout monstrueusement beau. Replaçons nous dans cette ère fameuse sur consoles de salon, remémorez-vous les images d'autres beat'em all à tendance vaguement plateforme de l'époque, comparez et exclamez-vous « Diantre, sacrebleu, ce jeu est juste superbe et explose la concurrence ! »



Et l'ambiance. L'ambiance, mes amis ! Car si je parle – à vous et à personne d'autre – de Strider, c'est parce que mes ennemis ne méritent que d'aller voir par là si j'y suis. Je disais donc : l'ambiance est particulièrement prenante, et ceci malgré l'enchaînement totalement improbable des niveaux, où des dinosaures côtoient des loups affamés et des robots maléfiques à Chapka.

En plus de la technique visuelle très immersive et de l'action trépidante, la musique soutient les aventures de Hiryu avec un certain brio. A la fois rétros et technos, elles ont un petit coté très en phase avec le jeu, et ne plombent pas le dynamisme de l'action.

L'animation n'est pas en reste, loin de là. Surtout en ce qui concerne les gestes de Hiryu, qui sont extrêmement détaillés. Ces éléments verts émeraudes lors de la traversée de la jungle sont également très étonnants, avec cet effet de rebond surnaturel... Bien que l'on ne sache absolument pas de quoi ces plateformes sont faites. Et tout est si fluide quand le jeu le veut.



Car oui, cette débauche de graphismes de haute volée et d'action intense a forcément son mauvais coté, il semblerait que nous ne pouvons pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Adaptation admirable en tout point d'un hit arcade, on notera donc de nombreux clignotements, de ci, de là… Et, surtout, quelques bugs. Ceux-ci sont rarement préjudiciables pour le cours de votre partie – et sont parait-il hérités de la version originelle, qui croire ? – sauf malchance : traversée d'un mur, collisions en boucle... mais la plupart de vos crises de nerfs viendra plutôt de la gestion des sauts hasardeuses et/ou de votre manque de souplesse digitale.

Mauvais point également en ce qui concerne les bruitages qui ne semblent que très rarement justes. Les glissades du héros provoquent le son d'une cocote minute qui dépressurise, les collisions sont soutenues par des pets sonores, mais la palme est sans doute détenue par les cris des adversaires que vous rencontrerez. Le Dolph Lundgren en petite tenue du premier niveau a enregistré ses hurlements au petit coin, et les amazones répètent en boucle un rite chamanique proprement agaçant et ridicule. Admettons que le coté décalé et le kitsch de Strider, c'est aussi un peu de charme en plus à son tableau de chasse... Oui, admettons.



Les niveaux sont très courts, mais sont rattrapés par leur difficulté élevée. Il est même dit que la version Megadrive est la plus dure de toutes, mais ce qui peut être un défaut pour les petits joueurs est rattrapé par les nombreuses options disséminées dans les niveaux, les checkpoints placés tous les 100 mètres et les continues qui, en plus d'être en nombre conséquent, vous téléporterons directement aux points de sauvegarde suscités.

Souvenons-nous enfin, pour la petite histoire, que Strider est le premier jeu d'action de Capcom clairement influencé par la culture visuelle japonaise, là où l'américanisme faisait fureur dans leurs jeux. Quoi de plus normal, puisque Strider Hiryu était à l'origine un manga. Créé par le collectif de mangaka Moto Kikaku, il était publié dès 1988 dans un magazine nippon et totalement soutenu dès le départ par la société de jeux vidéo. Cependant, chose étonnante, l'histoire de la version arcade (et donc Megadrive) est totalement originale, le portage héritant du synopsis réel étant le soft sorti sur NES... Jeu qui n'a vraiment rien à voir avec celui chroniqué ici sur bien des points, de toute façon.


Alors, au final, ne cherchez pas. Rien n'altèrera mon enthousiasme vis à vis de ce Strider, les quelques défauts s'effaçant derrière ses grandes qualités. A la fois extrêmement varié, innovant et très intense, ce jeu était un défi technique hallucinant sur une console naissante, et une adaptation arcade absolument remarquable. Et le mieux dans tout ça, c'est que le jeu n'a absolument pas vieilli malgré son grand âge. Alors, qu'est ce que vous faites encore là ? Le destin de la terre n'attend que vos doigts agiles.
Le point de vue de César Ramos :
Moyennement rare. Mais présent par lot, cycliquement. Allez savoir...