Aaah, l'Italie... pays de mon enfance, pays d'Art, pays des pâtes et du catenaccio. Pour l'homme de goût, l'Italie est un pays Méditerannéen aux mille merveilles, somptueux, riche, et plein de jolies brunes, largement préférable à son pendant Ibérique. "S'ouvrir l'esprit en matant des culs", voilà ce qui distingue le gentleman de la pitoyable étudiante en école de commerce qui soupire la nuit en se moitant la bavette avec le bandana de Rafael Nadal, sous prétexte que "ils sont trop sympa là-bas et c'est tout le temps la fête." Las, laissons-là Madrid, Dali et le pojon, et allons voir Le Tintoret, Vicence et Berlusconi. Et ne voyez dans mes propos aucune ibérophobie de bas étage dûe à une mère un peu à cran.
Mais si le gentleman esthète écoute Monteverdi en admirant le dernier Giotto de sa collection, le über-gentleman fait la même chose, avec une boucle de ceinture taillé dans un pad de NES. C'est bien connu. Et pour cet homme, aussi, appelé "Oldies qui se respecte" (celui né d'avant The Big Bang Theory), ou pour cette femme appelée "Chimère divine, je n'en peux plus sois mienne", l'Italie est la patrie des plus célèbres héros des années 90. Mario ? Nenni. Luigi ? Nada. Wario ? Allons reprenez-vous, j'ai dit que nous étions entre gentlemen. Roberto Baggio ? Vous avez bu, mon ami. Laissez-moi vous aider.
Né le 28 mars 1483 à Urbino en Italie, et mort le 6 avril 1520 à Rome, le peintre Raffaello Sanzio, que d'aucun appellent Raphaël, est reconnu pour son trait précis et son traitement particulier des teintes, ainsi que son habileté à découper le pepperoni à la truelle de plâtrier.
Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni, alias Michel-Ange (1475 - 1564), est un peintre, sculpteur,et architecte italien connu en particulier pour avoir peint les plafonds de la Chapelle Sixtine, pour avoir sculpté le Moïse de la Basilique Saint-Pierre-aux-Liens, et pour avoir ravagé la gueule de son percepteur d'impôts à coups de chaînes dans les gencives.
Donatello (Florence 1386 - Florence 1466) révolutionna le style occidental de la sculpture en travaillant à la perfection le marbre et le bronze. Il travailla également à la perfection le coup de tasseau de 12 sur ses jeunes apprentis indélicats qui se foutaient de la gueule de son Couronnement de la Vierge parce qu'il avait forcé sur le jaune.
Véritable génie aux milles légendes, l'artiste du sourire mystérieux et des machines improbables, au point que François 1er alla le débaucher en Italie au prix d'une coûteuse opération de RH, Leonardo Da Vinci (1452 - 1519) est toutefois moins connu pour son penchant pour le massacre à la machette géante, inventant le génocide Rwandais avec un demi-millénaire d'avance.
Vous connaissez la suite. Un bouddhiste facétieux devait passer par là, et ensuite c'est l'escalade : la réincarnation, l'immigration italienne à New York au XIXième siècle, les pizzas, Don Vito Corleone. On prend 4 tortues qui passent par là et zou, on fusionne avec les individus sus-nommés. On saupoudre avec un Yoda raté, une poufiasse régulièrement en détresse, un Dark Vador de pacotille : voilà les Tortues Ninjas, Splinter, April, et Shredder. Aussi connus comme les héros les plus improbables de nos jeunes années.
Le succès fut à la hauteur de l'indigence du propos d'origine : cosmique. Les produits dérivés se comptèrent par milliers, voire millions, ce qui explique l'omniprésence aujourd'hui du jeu Teenage Mutant Ninja Turtles ( "Tortues Ninja 1" pour les français et handicapés de l'anglais qui nous écoutent par wagons entiers). A tel point que j'irais jusqu'à dire que si vous avez une NES et que vous n'avez jamais posé les mains sur lui, c'est que vous êtes victime d'un complot, ou que vous vivez dans un trou de l'espace-temps. Par exemple à la frontière Mayenno-Sarthoise. Pour tout vous dire ce fut le premier jeu auquel j'aie joué de ma vie sur la NES. Chez Jérôme, un samedi de printemps... Le bienheureux avait Tortues Ninja 1, Super Mario Bros, Batman, et Rescue - the Embassy Mission : sans le savoir, il était déjà homme de goût. Je ne suis pas surpris de l'avoir croisé par hasard 20 ans après, c'est à dire il y a deux ans, arborant un charme et une classe à faire pâlir Cary Grant lui-même.
Autant vous le dire tout de suite : ce jeu n'est pas exempt de défauts, mais il a tout de même une réputation solide, paradoxale, et irrationnelle. Clairement, nous avons un jeu "moyen mais avec des trucs qui claquent". Quand nous étions petits, nous n'avions pas l'oeil objectif et buriné du critique pour démolir le moindre faux-pas programmatoire : seul notre cortex reptilien réagissait, et vous savez combien il est facile de l'abuser. Un saucisson frétillant, une mini-jupe bien tendue, une photo de Pompidou : la chair est faible, hélas, et vous avez lu tous les livres. Et quand on est un môme d'une dizaine d'années, qui jusque là n'a connu que la Videopac C52, forcément, se manger Tortues Ninja 1 dans les dents, ça pique.
Ne serait-ce que l'intro. Un beat nerveux, une cascade se synthés, des graves qui attaquent, une présentation dynamique des personnages qui n'est pas sans rappeler "Le Bon, La Brute et le Truand" : mon Dieu. Je vous rappelle que nous parlons d'un temps où le concept de cinématique d'intro pour un jeu était très facultatif. Alors moi forcément !! Bave, érection, Ôde à la joie. Une fois cette friandise passée, je peux rentrer dans le vif du sujet. Une pression sur start et pouf, nous voilà plongé dans une vue à la verticale, où l'action se limite à aller aux bons endroits en évitant des trucs tout méchant. Et une fois qu'on a trouvé le bon égout ou la bonne maison, passage en vue de profil, et là commence vértiablement l'essence du jeu : la peinture.
Mais non jeune sot, je plaisante. Il s'agit de castagne pure et dure, vous allez donc avoiner du décérébré - non hispanique, comme quoi - par camions de 50. En apparence c'est simple et y'a bon : des plateformes, des ennemis, on saute, on fritouille. En appuyant sur start on peut changer de tortue, ce qui a deux implications. D'une, chacune de vos tortues a une barre de vie indépendante des autres (et UNE seule), ce qui fait que quand par exemple Raphaël commence à fatiguer du pinceau, vite vite, on appelle Donatello à la place jusqu'à retrouver une recharge de santé (je vous le donne en mille : une pizza). De deux, chacune a des caractéristiques bien précises, notamment au niveau de la portée, de la vitesse et de la puissance de son arme ; caractéristiques qui seront utiles en fonction des passages.
Et là, le monde est divisé en deux catégories, pour reprendre un film cité plus haut. D'un côté, ceux qui aiment ce concept frais, qui adorent explorer la ville et les égouts et gérer leur petite équipe, voilà, tranquillou, sur fond de musique groovy, youpi, ah Leonardo va crever vite je passe sur Michelangelo qui en plus a trouvé des shurikens et peut donc shooter de loin ces connasses de mouches cybernétiques, ah oui prenez ça et ça et ça et ça dans ta gueule ah ha ha. Cette catégorie de la population est totalement dans l'esprit d'alors, sortant des jeux à tableaux en boucle infinies, et nourries aux cartouches qui tombaient tous les six mois, et qui, donc, prenaient n'importe quel jeu comme un graal qu'il fallait presser jusqu'à l'os. Ne riez pas, le Saint-Suaire a été fabriqué de cette manière. Vous l'aurez compris, nous avons là ceux qui aiment le jeu par pur stoïcisme, ainsi que pour ses musiques qui claquent quand même un peu quelque part, mais cela ne nous surprend pas : le philosophe est le meilleur ami du musicien.
D'autre part on a les vieux briscards maniérés et un brin réacs, qui composent la majorité de nos lecteurs et chroniqueurs, qui dardent leur intransigeance au travers des écharpes de la nostalgie. Et ceux-là vont hurler. Hurler parce que ce jeu a quand même une chiée de défauts. Premièrement, sa difficulté intrinsèque : pas de vie, ça veut dire que toute mort de tortue sera (à peu près) définitive. Ah. Ensuite, des graphismes un souffrant du syndrôme "je détaille à mort". Sur une console comme la Nes, ça donne un bel exemple d'Art Séquentiel complètement raté (oui, le terme d'Art Séquentiel est inapproprié mais je vous merde). C'est fouilli. En même temps, on manie Raphaël, pas Andy Warhol hein. Mais le pire est à venir : une maniabilité de savonette dans les douches de Fleury-Mérogis, oui, ce même genre de glissando qui se termine en fist anal. Pour faire simple : les sauts sont une plaie. Les tortues peuvent s'envoler sur tout l'écran, chouette, mais non, c'est comme essayer de marquer un panier avec un ballon de baudruche, vous voyez ? Donc quand vous vous enfilerez les sauts à la chaîne au-dessus d'une eau mortelle, vous comprendrez votre douleur. Puisque, je vous le rappelle, toute mort sera définitive, ah ha ha, maxima merdam et bordello alla chiotta. C'est un tort, et je vous rappelle le tort tue. Humour !
Tout de même, rien que parce que c'est le jeu qui m'a fait entrer dans l'ère 8-bits et qui a éveillé ma conscience au jeu vidéo, j'ai pour lui ce petit plus sentimental et complètement subjectif. Mais il faut bien le reconnaître : on a un jeu moyen. Qui claque, par certains aspects (la musique des "gros" boss est une pure tuerie), et qui pique, par d'autres. Des bugs complètement cons (la technique pour battre le second boss, une honte), des passages à se flinguer (la désactivation des bombes sous l'eau, ha ha ha combien d'entre vous ont cru mourir à ce moment là ?), une map à vous rendre fou, surtout sur un jeu sans sauvegardes ni passwords (huhu le dernier niveau et ses réseaux de galeries, ou le niveau 3 et ses immeubles identiques à répétition)... Sans oublier les trucs qui sont soit des bugs, soit des features, à vous de voir.
Oui le jeu a son lot de conneries. Et pas des moindres ! Un respawn infini des ennemis déjà. Vous sortez d'un égout, vous revenez, hop tout le monde est là pimpant. Parfois le set de monstres change. Donc c'est pratique si une zone paraît lourdingue. En plus comme certains laissent des items comme des armes de bourrin... youpi. Des fois si vous avancez doucement aussi, les ennemis n'apparaissent pas. Culte ! Ou pas sérieux, c'est selon.
Bref. Si vous avez encore du pur oldisme d'antan au bout des doigts, ça passera, sinon vous aurez envie de tout envoyer fracasser devant ce jeu à la difficulté démente. Ceci dit, vu que la cartouche vaut à peu près rien, vous ne perdrez pas grand chose à l'essayer. C'est un peu un incontournable de la culture vidéoludique, tout comme certaines toiles de Véronèse le sont à la culture picturale ; toiles qui sont certes d'une rare beauté classique, qu'il faut connaître pour ne pas passer pour un branque, mais qui feraient super moche dans mon salon.