Parfois dans la vie il fait pas bon passer après les copains. Ce qui est vrai pour les chiottes de Piriac un lendemain de combo garbure/biture l’est autant lorsqu’il s’agit de rédiger la critique du deuxième volet d’une trilogie culte quand le premier opus a été décortiqué par l’ami Enker. Du coup je sais pas par où commencer tellement j’ai peur de me vautrer. Permettez-moi donc d’abréger mes souffrances et d’être succinct mais juste : Shadow Warriors II, c’est comme Shadow Warriors mais en mieux. Ne me remerciez pas pour la rime.
Désolé d’en dire si peu, mais à l’origine c’est de Ninja Gaiden III dont je voulais parler moi. Mais que voulez-vous, j’aime faire les choses dans l’ordre et c’était bien mais pas top de parler du III en oubliant le II. C’est pour cette même raison que j’attends que quelqu’un fasse la critique du premier jeu Gremlins sur NES pour écrire un test de Gremlins 2, jeu que je connais en long, en large et en travers de porc sel-poivre. Je vois déjà ceux qui savent esquisser un sourire, mais à une époque (adolescente), je demandais à tous les possesseurs de NES que je croisais s’ils avaient le premier Gremlins sur NES. Bah oui, puisque j’avais Zelda II et qu’on me prêtait le premier Zelda, y’avait pas de raison non ? Découvrir bien des années après que le jeu Gremlins 2 était affublé d’un deux sans être une suite m’a filé une grosse latche rétrospective, même si je pouvais pas vraiment savoir…
Mais je m’égare et je sais bien que je peux pas laisser nos chers lecteurs en plan comme ça. Va bien falloir que j’en parle un peu plus de cette suite de Shadow Warriors. Et si j’évoquais une trilogie culte, le terme était peut-être un peu exagéré. Pas que le mot culte ne soit pas mérité, mais cette cultitude n’a pas assez inondé la France au début des années 90. La faute à une stratégie de sortie des jeux NTSC/PAL foireuse qui a eu pour résultat l’absence de Ninja Gaiden III en Europe et la sortie de Shadow Warriors II uniquement dans quelques pays européens. Pas de chance, le jeu n’est pas sorti en France, ce qui explique pourquoi personne n’en parlait dans les cours de récré. Quel choix curieux que voilà vu le nombre de copies de Shadow Warriors vendues dans nos contrées et la bonne réputation du jeu. Mais que voulez-vous, les choix dans ce domaine étaient parfois aussi cohérents que mon cerveau en fin de soirée mauresque. Le pastis-orgeat, c’est bon mais ça fait mal…
Ce qui ne fait pas mal, bien au contraire, c’est de voir que Shadow Warriors II commence par une intro qui n’est pas sans rappeler son illustre aîné. Comme il est peu probable que vous lisiez ces lignes sans rien savoir de Shadow Warriors (sinon je vous invite à lire la critique de ce cher Enker
ici), vous avez déjà compris que le jeu va une nouvelle fois nous proposer des cinématiques de qualiter entre chaque acte de son histoire. L’effet de surprise n’est peut-être plus là et le scénario de cette suite est moins palpitant, il n’empêche que ces belles cinématiques continuent de nous ravir. Surtout qu’elles arrivent comme une récompense pour avoir réussi à passer un monde et il n’y a finalement que peu de jeux NES qui atteignent ce niveau de storytelling. Ce serait dommage de bouder son plaisir.
Par contre je veux bien qu’on m’explique pourquoi il y a autant de « What the … » dans les dialogues. C’est vrai quoi, un ninja c’est pas censé être vulgaire, alors c’est quoi le mot à mettre à la place des points de suspension ? Je vais pas faire l’inventaire de toutes les options, chacun choisira et c’est peut-être ce que Tecmo voulait. Ah tiens Nintendo nous interdit d’être grossiers ? On va faire dans l’interactif, chaque joueur pourra compléter à l’envi. Dot dot dot is the new F-word en somme. Ou alors peut-être n’y avait-il plus de place dans la mémoire de la cartouche pour coller un gros biiiiiiiiiiiiiip bien audible. Voilà, ça aurait eu de la gueule ça, un jeu NES avec de la censure audio en 1992. Quelle occasion manquée… Plus sérieusement, je soupçonne Ryu d’avoir été soudainement atteint d’une tourette light, une variante plus polie si vous préférez. Avouez que, comme pour le reste, quand c’est light c’est quand même moins bon que l’original.
Heureusement pour nous, la bande son n’a pas non plus été victime de censure audio. Si elle n’atteint pas tout à fait l’excellence de celle du premier Shadow Warriors, elle s’en tire vraiment très bien avec ses morceaux souvent bien rythmés et jamais désagréables, même après la trouzemillième écoute. Dans ce type de jeu où on meurt assez souvent, ça aide à faire passer la pilule. Ah je vois déjà des mains se lever pour faire objection… Qui dit mort fréquente dit petite musique qui revient souvent. En écrivant cette phrase, je sais que j’ai réveillé des traumatismes profonds chez les braves qui ont passé des heures et des heures à essayer d’avancer dans Shadow Warriors. Vous vous en souvenez de cette petite musique, au début pas désagréable puis frustrante à force d’être associée à nos échecs successifs ? Rassurez-vous, elle a été reléguée en simple musique de Game Over. Non en fait du coup c’est encore pire… Non seulement elle revient nous narguer toutes les 3 vies perdues, mais ça veut aussi dire qu’elle a été remplacée par une autre petite musique quand on meurt. Ca fait donc 2 musiquettes de merde pour le prix d’une… Raaaaaaaaaaaaaaaah donnez-moi des boules « Qui est-ce ? » !!!! Oui quand j’étais gamin, je croyais qu’il y avait un rapport entre le jeu de société et ces fameuses boules dont j’entendais parler (vous l’avez ?). Arrêtez, c’est pas beau de se moquer…
Je vois déjà quelques mines sceptiques dans l’assemblée… Comment ai-je pu dire que Shadow Warriors II était meilleur que son aîné en début de critique si les cinématiques et les musiques sont un poil en deçà ? Parce que ce n’est pas forcément le plus important, et aussi parce que Shadow Warriors avait quelques défauts. Dans le déroulement du jeu et au niveau du gameplay, on a affaire à deux jeux vraiment similaires avec quelques améliorations perceptibles. On découpe toujours des ennemis en rondelles encore et encore, mais cette fois un bonus permet de se faire accompagner par une ou deux « ombres » qui suivent Ryu et copient ses gestes. Ca aide beaucoup dans certains passages plus difficiles et contre les boss, le jeu en devient un poil moins frustrant. Par contre ça rend aussi l’action confuse par moments, quand plusieurs sprites se superposent notamment. Côté armes secondaires, peu de changements même si on a perdu l’attaque sautée en boule qui permettait d’occire des boss en one shot (ne me remerciez pas, j’ai découvert ça qu’après avoir fini Shadow Warriors sans elle). Notez aussi que les recharges d’armes grandes ou petites ont été changées en recharges partielles ou totales. La recharge totale est bien pratique et peut vraiment rapporter gros si on a pris le temps de bien fouiller les niveaux et de trouver les items qui augmentent la taille max du stock d’armes (à raison d’un par monde). Du coup on peut arriver au dernier niveau avec tout un arsenal dans ses poches.
On peut considérer que ces changements sont des ajustements mineurs. Soit. Mais les améliorations les plus notables sont à mettre au crédit des graphismes, de l’animation et du game design. Là où Shadow Warriors s’en tirait plus qu’honorablement, privilégiant le rythme et l’action, sa suite améliore encore grandement les choses. Les graphismes sont beaucoup plus variés, on ose jouer la carte des mélanges de couleurs et des palettes plus criardes. On change aussi vraiment d’environnement d’un monde à l’autre, c’était moins le cas dans le premier opus. Mention spéciale pour le niveau 6-1 qui n’aurait pas fait tache dans un Castlevania, ou encore le 7-2 qui a des décors qui ne sont pas sans rappeler Contra/Probotector. Si les animations de Ryu et des ennemis sont souvent basiques, on a désormais beaucoup de mouvement à l’écran sans que l’action en pâtisse. Ce sont principalement les décors de fond qui ont été judicieusement animés. Ca rend toujours bien sans pour autant causer de ralentissements. Le level design est quant à lui beaucoup moins répétitif, on nous propose régulièrement de nouvelles situations, de l’eau avec du courant, des vents changeants, des plates-formes seulement visibles lorsque la foudre parle, de la glace où les tabi de Ryu glissent autant que Marie-Pierre Casey sur une table aspergée au Pliz, etc.
Maintenant que vous avez une idée de ce que Shadow Warriors II vous réserve, il va bien falloir aborder un sujet sensible : celui de sa difficulté. Pas la peine de faire comme si de rien n’était, je sais que Shadow Warriors vous a traumatisé. Comment pourrait-il en être autrement avec ces ennemis trop nombreux qui respawnent en permanence et cette reculade forcée en cas de touchette dans les airs qui nous faisait immanquablement tomber dans un précipice ? Mais tout ça n’était rien à côté du gros coup de pute du dernier monde. Déjà il fallait se coltiner la route jonchée d’ennemis placés par des sadiques de première classe pour arriver jusqu’au(x) boss. Mais voir que soudainement, utiliser un continue au 6ème et dernier monde ou perdre contre le boss renvoyait systématiquement au tout début du monde, là où un continue faisait recommencer à la dernière portion avant le boss dans les 5 premiers mondes, ça a sonné le glas de bien des ambitions. J’ai mis 30 ans à m’en remettre. 30 ans avant d’oser reprendre cette cartouche pour retenter d’en voir le bout. 30 ans à voir Shadow Warriors me narguer aussi fort que Bayou Billy (pas encore retenté celui-là…). 30 ans avant de pouvoir enfin crier victoire l’année dernière. Autant dire que quand on a connu ça, on part pas la fleur au fusil quand on lance Shadow Warriors II. Non, on a une boule au ventre et le cigare au bord des lèvres.
Je sais pas si je dois vous rassurer ou pas. Il y a un grand motif de soulagement : il n’y a plus de gros coup de pute au dernier niveau dans Shadow Warriors II, on n’est plus renvoyé trop loin en arrière quand on perd. C’est déjà beaucoup et à la fois si peu quand on regarde le reste. C’est clairement un Shadow Warriors/Ninja Gaiden, donc ce sera tout sauf une promenade de santé dans la nuit piriacienne pour aller voir des vagues qu’on arrive plus à discerner à 4g (la 5G n’a pas encore atteint ces contrées reculées me souffle-t-on). Il y a toujours ce satané respawn permanent, il y a toujours ce recul quand on se fait toucher dans les airs, il y a toujours beaucoup d’ennemis dont certains sont clairement placés pour nous faire pousser des jurons qu’il ne vaut mieux pas coucher sur papier ici-même. Et les difficultés commencent plus tôt que dans le premier opus, qui nous laissait à peu près tranquilles pendant les 3 premiers mondes. Dans Shadow Warriors II, le level design nous met déjà des bâtons dans les roues dès le 2ème monde et il y a trop d’ennemis beaucoup trop tôt dans le jeu. C’est dit : vous allez en chier. Et pas qu’un peu. Mais comme dit précédemment, se servir à bon escient de l’ombre de Ryu permettra de survivre à cet enfer. Globalement je trouve cette suite moins frustrante et au final un peu moins difficile que le premier volet, mais je ne peux que vous inviter à voir par vous-même. Un jeu encore meilleur qu’un bon jeu, ça ne se refuse pas, non ?