"Chéri, je rentrerai un peu plus tard, Madame Moulard a besoin d'un coup de main pour retapisser son living. Réchauffe les lasagnes pour les enfants. Pense juste à prendre du pain et à accomplir ta destinée. Je t'aime."
Soit ce genre de mots doux est courant dans votre vie, auquel cas vous saluerez Madame Moulard de ma part, soit il ne l'est pas, et j'en déduis que vous êtes une personne normale. Heureusement que les jeux vidéos sont là pour nous faire vivre un peu d'émotions fortes, sinon, je vous raconte pas le nombre de suicides à la COGIP au mois de novembre.
Mais alors que le cadre moyen d'aujourd'hui n'a que des jeux casual de poumon-gauche-training et des lapins à lancer contre le mur en guise de "jeu qui pète sa race", le vrai oldies a sous le coude des caissons de pépites dorées comme un clip des 2be3, période cubiste. Le jeu d'aujourd'hui en fait-il partie ?
Tout d'abord, que tous les frustrés capillaires se réjouissent : Breath of Fire II va leur passer du baume sur le coeur. Un magnifique bellâtre aux cheveux longs, ondulés, bleus, va leur servir d'alter-ego pour aller buter du lézard zombie et autres araignées à couilles proéminentes, au regard torve et à la feuille d'impôt remplie de façon douteuse. Il est beau, il est fort, il est courageux, et surtout, il a un destin coulé dans le bronze. Ryu (non, pas celui auquel vous pensez) n'a rien à envier à Filip, Adel ou Frank. Et c'est *** VOUS *** qui l'aiderez à accomplir sa mission. A la mode RPG de base, comme Capcom sait si bien le faire quand il imite Squaresoft.
C'est beau comme un discours de Michel Rocard. A ma gauche, une enfance brisée : une mère morte trop tôt, une petite soeur enlevée, un père disparu, les Jeux de 20 heures à regarder chaque soir, un village qui oublie jusqu'à votre existence. A ma droite un pote, le sympathique Bow, héros charismatique comme pas deux avec sa tête de Saint-Bernard ahuri. Imaginez Belle, de Belle et Sebastien, qui enfilerait le costume d'Errol Flynn dans Robin des bois. Après, on va s'étonner de le voir ramer pendant toute l'aventure pour avoir la moindre touche avec une quelconque femelle. T'as pas le look, coco !
Mais sur un malentendu, on ne sait jamais, il faut foncer. En l'occurence ça va être haro sur le porcelet. Oui, à froid, je conçois que ce n'est pas très clair. Disons qu'après une sympathique introduction jouable à laquelle il est humainement impossible de comprendre quoi que ce soit tant ça regorge d'allusions, de non-dits, de phrases mystérieuses et de gros yeux jaunes façon "Sauron après trois Long Island", on commence directement, sans chichis, avec nos deux potes, Ryu et Bow, employés de base à la guilde de rangers locale. Et paf, une jeune fille a perdu son porcelet domestique, oh mon dieu ma petite Suzy, en plus je lui avais acheté un joli ruban, quelle histoire. Bow, en bon con, (ou très mad, voire les deux) va voler au secours de la demoiselle, du porcelet, et c'est parti pour une aventure de dingues.
Je vous rassure, ça va s'étoffer, surtout que Bow va se mettre dans une merde que même John MacClaine il aurait les chocottes, et Ryu se retrouve bien vite seul à défendre les intérêts de son pote. Si vous m'avez bien suivi, vous remarquerez que pour l'instant, il n'est pas question de sauver le monde.
ET C'EST CA QUI EST BON NOM DE DIEU !!!!
Ryu va agir par intérêt PERSONNEL, oui, ça vous la coupe hein ? Il va falloir attendre un paquet d'heures de jeu pour tomber dans le blabla classique des japoniaiseries du genre.
Alleluia, merci Seigneur, tu as écouté mes prières. C'est donc avec un plaisir sans faille que je découvre petit à petit ce monde qui n'en finit pas de se dévoiler (prend ça dans ta gueule, Zelda III), et mes compagnons de route, plus ou moins sévèrement burnés. Un singe qui fait le con, une grosse brutasse, un homme-plante, un français à tête de grenouille qui manie le fleuret (oooh original, il s'appellerait pas Jean-Luc Picard non plus tant qu'on y est ?), une bonnase de guerrière-chat amoureuse du héros, une autre bonnasse avec des ailes dans le dos et sa robe qui se soulève un peu quand elle lance un sort, et une femme-serpent que l'on sauve de la dépression et de la boisson, culte. C'est bien connu, le serpent est synonyme de vice et de perversion, voire de saucisses-cocktails au soja. Il y a des gens qui ne respectent rien.
Et il y a même un deuxième effet double action puisque vous pourrez mélanger vos personnages à des shamans qu'il vous faudra débusquer un peu partout, et que de ces combinaisons pourront naître des super-persos avec des pouvoirs de porcs. Ma préférence allant à la métamorphose de Bow, qui devient pour le coup une espèce de dragon de parade chinoise en métal avec un GROS GUN DANS LE BRAS DROIT MUHAHAHAHA. Il y a des obsessions japonaises qui ont la vie dure.
Les menus sont moches mais on s'y retrouve. A ceci près que pour des raisons obscures, maladroitement cachées sous les excuses foireuses de "lettrage" et "place mémoire", la plupart des objets sont désignés par une abréviation tordue. On apprendra donc que le HLPbln vous redonne 100 PV, que le RvgKN est un couteau qui meule, pas une seule icône, c'est un peu sport. Perso j'ai mis du temps à comprendre que la GTSband avait moins d'importance pour mon héros que le GrowBST et que le STRhdfiuTGH1234 et la FcvP sont avantageusement remplacés par le BDYTYTTUUlkgfSTRAK. Et je brode à peine.
En dehors de ça on a tout l'attirail classique : gestion de l'équipement, formation en mode combat, objets divers et variés, blablablabla. On alterne entre les modes "déplacements" et "combats" ; les commandes de combat sont classiques, avec juste une fonction "combat automatique" qui, combinée avec la fonction "accélérer" d'un émulateur (que celui qui n'a jamais émulé un RPG introuvable me jette la première Vectrex), fait des miracles. Ajoutez quelques sorts de brutasses (oh tiens, si je me transformais en dragon de 18 mètres de haut, tu la sens ma grosse griffe ?) et c'est Noël.
Tout ça pour avoir un jeu bien comme il faut. Sans plus. C'est quand même long, ça devient un peu plan-plan sur la fin, heureusement il y a différentes fins pour relever le niveau, et techniquement c'est ultra-quelconque. Donc si on accroche bien au début, avec ce début de scénario très bien torché, on se laisse porter, d'autant que c'est rigolo de se changer en dragon pour tout péter. Sinon, bon, voilà. Ca passe comme un MacDo : rien d'exceptionnel mais ça rassure. La preuve c'est que le souffle qui m'animait au début de la rédaction de cette critique vient de retomber. Plaf.
Ce jeu reste tout de même un très bon RPG, qui vous permet de décompresser entre deux bombes. Un bon jeu moyen. Et objectivement, s'il n'est que "moyen", c'est uniquement parce qu'à côté il y a de vrais chef d'oeuvres. Mais on ne peut pas avoir un Final Fantasy 6 tous les jours, alors donnez sa chance à ce bon petit Capcom plus qu'honorable. Si tant est que vous arriviez à mettre la main dessus...