Le site qui n'e-baye pas aux corneilles, mais qui connaît la rue Voltaire.
Final Fantasy 6
Squaresoft - 1994
Les (pix)els du désir par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Chers amis, et chers abrutis égarés sur ces pages, j'ai pris la décision de vous parler de quelque chose de grave. D'un gros morceau. Serai-je à la hauteur ? J'en doute. Mais le poids du secret est trop lourd pour mon coeur fatigué par tant de luttes. Entrez, amis oldies, oui, toi aussi, k3v1n de mes trois, tu peux entrer, et peut-être commencer à voir la lumière des anciens. Je vais te parler du bien. D'une légende. Une de plus de cette époque bénie...

Final Fantasy III... non, VI, euh... pouf pouf, je reprends.

Final Fantasy, celui de 94 sur Super Nes, quoi. Le joli.



Final Fantasy est un sujet que nous désignerons pudiquement "sensible". Il y a ceux qui aiment et ceux qui détestent, mais comme on est dans le monde du jeu vidéo, monde dans lequel les termes "pondération", "juste milieu" et "prise de recul" déclenchent l'incompréhension (au mieux) ou l'hilarité (au pire), je dirais même que nous avons, face à ce jeu, d'un côté, les Adorateurs, et de l'autre les Cracheurs au Visage. Que ce soit clair afin d'éviter toute équivoque : j'aime ce jeu (CE jeu, pas TOUS les Final Fantasy), et sa réédition sur Game Boy Advance est sûrement pour quelque chose dans le fait que je tente de vous en écrire quelque chose d'intéressant aujourd'hui. Et je vois déjà les trois-quart d'entre vous m'accuser de pécher par orgueil d'oser m'attaquer à pareil monument. Oui, j'admets, j'ai péché, j'ai voulu m'attaquer à un gros mythe. Mais n'est-ce pas ce qu'elles disent toutes ?



Final Fantasy est une manière détournée de dire "grosse série", voir "jeu(x) culte(s)". Nes, Game Boy, Super Nes, Playstation, j'en passe et des moins mûres, en n'oubliant pas le cinéma : la pseudo-saga de Square compte un nombre d'opus à faire presque pâlir Megaman lui-même, ou pas. Je dis "pseudo-saga" puisque les épisodes n'ont aucun rapport entre eux, c'est toujours plus ou moins le même concept - "on va tous mourir et il faut sauver le monde" - mais dans des contextes différents. Le tout en baladant une équipe de personnages, qui vont évoluer au cours de l'aventure, d'un coin à l'autre du monde, en visitant moults donjons et maintes villes, en se baffrant 150 000 combats au tour par tour dont 149 990 qui vous tombent dessus aléatoirement, en gérant l'équipement et l'évolution de votre petit groupe et en lançant plein de sorts bourrins pour accompagner les grands coups d'épée que vous distribuerez à tours de bras.



Final Fantasy 6 - ou 3, donc, selon la partie du Monde Libre où vous résidez - FF6 donc est souvent cité en exemple par les oldies intégristes qui scalpent régulièrement une Playstation à la tronçonneuse pour se défouler. Car cet épisode fut le dernier de l'ère 16-bits avec de la 2D et du Mode7 - SNes oblige - pour faire joli dans les coins. Un jeu magnifique, un point d'orgue, un gros morceau, donc logiquement épargné aux pauvre Européens que nous fûmes. Enculés.

Comprenez en tout cas que ce jeu arrive à un moment où, pour la Super Nintendo, ça sentait déjà le sapin. Pas les toutes dernières heures, mais pas loin. Corollaire : on a une machine bien maîtrisée. S'en suivra fatalement ce qu'un appelle dans le jargon un "gros coup dans nos gueules."



Soyons clairs tout de suite : ce jeu m'a fait chialer. Comme EcsTazY, j'ai eu ma petite larme dans Link's Awakening. J'en ai eu une à la fin de Secret of Mana. Et ben là j'en ai eu une aussi, en plein milieu, je vous dirai pas quand, si ce n'est que ça a rapport avec Celes et du poisson, les initiés comprendront.



Bref, ce jeu m'a fait chialer, il m'a pris aux tripes. C'était le premier Final Fantasy que j'essayais et je n'étais donc pas encore lassé de cette mentalité un peu plan-plan, à base de sacrifices héroïques dans tous les coins et de romantisme nippon gerbatogène. Les Final Fantasy me lassent, oui, je le dis, je l'affirme, je dirais même qu'à la longue ils me font chier. Mais celui-là, c'était mon numéro 1, alors je me suis glissé dedans comme dans une femme tendre et aimante en nuisette de satin (vivante) : avec délices et passion.



D'autant que je ne l'ai pas découvert comme ça, là, pouf. Je m'en souviens comme si c'était hier, ils en avaient un exemplaire US à Séquence News, l'un des rares magasins de jeux vidéos de Nantes à l'époque, place Viarme, là où j'engloutissais mes économies. Je m'en souviens, oui, un jour, j'ai levé la tête vers l'une des télés et j'ai vu l'intro de ce jeu. Sans le son. Mais déjà j'avais compris qu'il était différent. L'intro, l'arrivée dans la neige en mode 7 avec des personnages à dos de mechas, déjà ça c'était fort pour l'époque, alors que nous devions jusque là nous contenter la plupart du temps d'écran fixes avec quelques textes explicatifs. Je l'ai regardée, cette intro, un temps interminable. J'avais compris. Comme tous les joueurs de l'époque, j'avais compris qu'on avait là du gros, du très gros dossier. Alors quand j'ai eu le jeu entre les mains par la suite, je ne vous dis pas. L'intro ne m'a pas mentie, visuellement ça allait arracher. Mais je vous l'ai dit, je n'avais encore rien entendu. Je ne savais pas donc encore pour le meilleur...



Vous ne serez donc pas surpris de savoir que là où j'en ai eu pour mon argent, c'est au niveau des oreilles. Vous me connaissez. J'ai beau être tatillon, critique, mesuré, un peu froid et péteux parfois, je l'affirme sans chichis : Final Fantasy 6 possède l'une des meilleures bandes-son qu'il m'ait été donné d'entendre de toute ma vie de joueur, et ce n'est pas peu dire, et je le revendique et je l'assume, et je vous emmerde. Je m'agenouille à chaque fois que je l'entends, au même titre que celles de Chrono Trigger, de Secret of Mana, de Castlevania IV, et de Lord of the Rings. Cette intro, AAH ! Je tremble rien qu'à l'évocation de l'introduction, comme me le rappelait une ex. Ces ombres dans la neige... ce vent qui tourbillonne... cette plainte mélancolique au hautbois, oui, car je considère que c'est du hautbois et je vous méprise... Plus tard, ce thème héroïque qui annonce le gentil baroudeur, ces cuivres impériaux qui accompagnent les Princes de Figaro (qui, vu l'ambiance, sont loin d'être à la noce - je m'esclaffe, c'est tellement bon une vanne culturelle et de bon goût)...



Je ne le crierai jamais assez : c'est de l'Art, du vrai. Du tatoué. Mais vu les prix sur le marché, il ne sera jamais amoué. (ha, ha, blague). Allez, je lâche tout, je fais tourner les serviettes, je perds toute mesure : c'est magnifique, c'est une tuerie, c'est une expérience rare. La Super Nes donne tout ce qu'elle a, et elle a beaucoup - la version Game Boy Advance fait presque mal aux oreilles à côté -, la console va dans ses derniers rentranchements, allant même jusqu'à imiter presque convenablement une voix de chanteur d'Opéra. C'est plus que du lourd, c'est du 35 tonnes, c'est légendaire. Ca vaut bien des BO de films que je connais, et enterre tout ce qui s'est fait à l'époque, à l'exception des quelques titres sus-cités qui sont vraiment les rares à boxer dans la même catégorie. Ca regorge d'airs à pleurer. A elle seule la bande-son justifife l'investissement, et ce que vous aimiez le genre ou non. Attendez-vous à avoir de l'or au creux des tympans. J'écoute ces airs régulièrement avec de la bave au coin des yeux.



Et le mieux dans tout ça, c'est que ça colle parfaitement bien à l'impression visuelle. La palette, terne diront certains, nuancée diront d'autres, est surtout cohérente, et donne aux beaux graphismes cette impression de venir de loin, très loin, de l'époque des légendes oubliées, vous voyez, ça me rend presque poète... Des petits sprites classiques pour les héros, mais de beaux sprites bien chiadés pour les monstres et tout, dans des décors somptueux. Youpi. Mieux, à mon avis, que les graphismes aux couleurs ultra pétantes des deux autres opus, qui ont certes des qualités, mais pas celle de la cohérence de l'ambiance. Rajoutez à ça des passages en mode 7 un peu partout et ça sera parfait.



Tout ça. Tout cet habillage autour d'une belle histoire, c'est la magie de ce jeu. Cette ambiance de mystère, cette fuite dans la neige, ce château fier au milieu du désert, ces personnages foisonnants, ce mystérieux guerrier masqué (accompagné d'un thème Morriconien)... j'en passe et des meilleures.



Y compris des imps débiles, des Mogs, et des Lagomorphes avec un chapeau. Oui, il y a de l'humour. Vous saviez par exemple qu'un personnage a comme capacité spéciale de voler des objets chez les ennemis ? Non ? Eh bien je vous le dis, et si je vous dis qu'à certains moments, il faut voler les vêtements de ses adversaires, vous entreverrez le mythe. Si ce jeu n'est pas à proprement parler hilarant, il vous arrachera parfois un sourire, ce qui n'est pas peu dire vu le déferlement de calamités qui tombent sur nos héros dans cette histoire de fous.



Ah oui, l'histoire, maintenant que vous m'y faites penser... Ha ha ha... j'en oubliais l'essentiel. Mais non je n'oubliais pas vraiment, jeune sot, c'est une image. Vous croyez vraiment que je peux oublier le scénario d'un jeu hyper-scénarisé comme ça ? Autant oublier les sauts dans Super Mario.



Alors donc c'est un Final Fantasy. Ca veut dire qu'il y aura des cristaux. Des sacrifices. Des héros romantiques. Ça va puer la Fantasy Japonaise niaiseuse et dégoulinante. Mais il y a aussi de vrais morceaux de bravoure universels dedans, et ça passe pas trop mal. En gros, y'a un Empire de méchants qui veulent rétablir la magie pour dominer le monde, et alors y's'envoient une espèce de pseudo-mage, la jolie Terra, contrôlée mentalement bien sûr parce que c'est des méchants et elle c'est une gentille, et donc elle doit récupérer un Esprit dans un village reculé, mais là, au contact de l'Esprit, rupture du contrôle mental, explosage de gueule de tout le monde et tout et tout le monde est pas content. Et la jolie mage elle se retrouve embarquée dans une histoire pas croyable, avec des super héros qui font des trucs vachement chouette et se font plein de copains en chemin.

Alors certes, ça ne vaut pas le scénario d'un bon Avernum ou Nethergate des familles mais on s'en contentera. (Vous n'aviez encore jamais entendu parler de ces deux jeux ? Ça ne fait que commencer, je vais devenir votre pire cauchemar jusqu'à ce que vous y jouiez un jour, mais c'est un autre sujet.)



Bref. Ce jeu est beau, et rien qu'avec ce mot, tout est dit, pour peu qu'on en prenne toute l'écrasante mesure. Certes, loi du genre oblige, il est complètement linéaire et même über-dirigiste au début, moins vers la fin, long, assez difficile. Ah, vous allez en chier comme un forçat, à monter vos diverses XPs, je vous le dis. Mais pour une fois c'est excellemment scénarisé, et immersif à mort. Maniable, aussi, disons que le système de jeu est relativement clair, on est pas largué. Je vous le dis, c'était mon premier jeu du genre, et je m'y suis pas trop mal retrouvé, même sans la notice. On contrôle ses quatre péons (vous pourrez avoir le choix jusqu'à 12 personnages, mais n'en envoyer que 4 à la fois sur le terrain), on se bat au tour par tour, on fait ses petites attaques, ses petites magies, pouf. Youpi. Y'a de l'XP à monter dans tous les sens, des sorts de brutes, des capacités spéciales en veux-tu en voilà, des persos plus ou moins cachés avec des pouvoirs de porcs, des capacités spéciales inhérentes à chaque type (chaparder, faire des enchaînements à la Street Fighter, jouer à la roulette pour gagner des effets de malade...), des artefacts à en chier des containers, des combos équipements + artefacts + magie, on gère tout avec facilité et élégance. Bonheur, joie, crême glacée, Cary Grant en slip.



Et tout comme l'intégrale des films de Cary Grant, ce jeu causera votre perte. Vous n'en décrocherez pas avant d'avoir épuisé tous les secrets, et ça vous plombera votre vie sociale pendant 3 mois. Ca sera votre perte financière, aussi, tant le jeu est coté ; si vous en trouvez un mint in box, il vous faudra vous prostituer un mois entier pour espérer vous payer le droit de le regarder à moins de deux mètres. Enfin, ça vous entraînera dans des bastons stériles entre ceux qui aiment, ceux qui aiment mais "qu'il est loin d'être le meilleur à leurs yeux parce que FF8 est plus beau d'abord", et ceux qui le vomissent. (Perso de toute façon, je n'ai fait aucun FF en 3D... on est oldie ou on ne l'est pas...)



Oui, on peut le détester, je peux le comprendre : c'est un style à part, c'est une ambiance à part. On peut le détester, je le disais, et on peut le faire sincèrement, sans snobisme. Mais si vous êtes un vrai oldie, un pur, un joueur consciencieux, vous y jouerez. Je ne vous demande pas de l'aimer mais de l'essayer, car ne pas tenter le coup, ne pas savoir ce qu'il est, c'est comme prétendre aimer le rock sans avoir jamais écouté Led Zeppelin ou les Rolling Stones : c'est pas sérieux. Il faudrait être Mad, ou très con, voire les deux, pour refuser l'expérience. Ne serait-ce que pour le passage de l'opéra, vous dirons certains - passage que je trouve largement sur-évalué pour ma part - , ou pour le passage dans le train fantôme - que je préfère largement. Ne serait-ce que pour comprendre ce que nous vivions à l'époque, cette époque bénie où l'on faisait du rêve avec des pixels et du chip tune. 3 Mo suffisaient, plus qu'amplement, à nous rendre heureux.



Nous étions jeunes, nous étions fous, Sega et Nintendo dominaient le Monde, la vie nous appartenait. Et Squaresoft nous donnait du bonheur. C'était si simple. O simple thing, where have you gone...
Le point de vue de César Ramos :
Trop cher et commun en version US, et commun et cheap en jap. Mais un RPG dans la langue nippone, ahem...