INTRODUCTION VACHEMENT EMOUVANTE

La vie est formidable. On ne sait rien de la microseconde qui va changer nos vies. A quoi tiennent certaines des choses qui font notre existence d'aujourd'hui ? Une rencontre, un mot, un coup d'oeil distrait dans une direction improbable... et c'est alors le début d'une belle histoire d'amour, la découverte d'un film fabuleux, la révélation d'une vocation... ou l'achat de Kick Off 3. Un jeu Amco/Vic Tokai (quelqu'un les connait ?).

Sur Super Nintendo.

C'était en 1996.

A l'époque, jeune Nantais boutonneux, je m'enflammais pour les exploits du club local qui venait de remporter le titre de champion de France. Ma fibre patriotique dans une main, mon pad de Super Nes greffé dans l'autre, et mon porte-monnaie dans la troisième, je me décidai alors, sous l'emprise d'un besoin irréprésible, d'acheter un jeu de foot. Moi qui jusque-là, ne pratiquait que plate-formes et aventures.

Tout excité à l'idée d'acquérir Fifa 96 dont tous les journaux parlaient, je me précipite dans mon magasin favori, tremblant d'émotion. Et là, c'est le choc : rupture de stock, solide comme le roc j'ai pas les nerfs en toc, 4-4 représente le coeur en loque j'te choque. Ahem. Pas de nouveau jeu avant des plombes, disais-je. Attendre ? Impossible. Changer de magasin ? Avec le mal que j'ai à acquérir mes points-fidélités... je tente un timide "y'a pas un autre jeu qui existerait, dans lequel y'a le FCNA ?". Regard de biais du vendeur. "Euuuh si, il y a CA " dit-il en me tendant un jeu bizarre sur la pochette duquel on voit un footeux et un ballon aussi grand que lui, par un saisissant effet de perspective raté.

"Et il est bien ? On peut jouer Nantes avec ?

- Eh bien, il y a plusieurs équipes par championnant, oui, donc, logiquement, il y a Nantes...

- Et ça vaut Fifa 96 ?

- (sentant devant mon impatience que s'il répond "non" je vais me barrer chez le concurrent) Ah, oui, c'est un bon jeu, vous savez, Kick Off, ils en sont au troisième, c'est une valeur sûre..."



Ho ho. Le saligaud. Evidemment, je me suis rué sur ce jeu.

Et voilà comment, jeune naïf de 16 ans, je me suis fait embobiner et ai pu découvrir cette perle que je vais décortiquer sous vos yeux parce que vous êtes gentils et que vous le valez bien !



PREMIERE PARTIE : Survol rapide de l'engin

Le jeu s'annonce comme un bon jeu de foot des familles. Ca commence par un écran de sélection dans lequel vous saisissez vos paramètres de jeu : langue, hors-jeu, blessures, longueur des chaussettes, épaisseur des poils pubiens, etc. Puis s'ensuit un écran où vous sélectionnez le type de jeu : match amical ou compèt' (coupe, championnat, et tutti quanti), puis les équipes.



Vous avez accès à un petit paquet d'équipes nationales et un grand nombres de clubs européens, notamment les championnats français, espagnols, allemands, italiens, anglais, et quelques clubs supplémentaires. Jusqu'ici tout va bien, on peut donc soit se faire un Brésil-Italie des familles, soit un petit Caen-Udinese pour rigoler.



Après ça, vous avez droit à l'écran syndical de bidouillage de l'équipe, qui consiste à placer les joueurs aux postes que vous voulez dans la configuration choisie. Toujours pas de surprise.



Vous pourrez enfin jouer (ou à la limite, juste regarder, ce qui est d'un ennui mortel). Là encore, très très classique. Vue depuis les tribunes latérales, deux mi-temps, les coups classique des jeux de foot avec possibilités de remplacements (deux par match, à l'époque), on switche de joueur quand la balle se rapproche et avec les boutons L et R, on peut faire des changements de "tactique", des ralentis sur les dernières secondes, avoir les statistiques de match, blablabla.

Vous pourrez, comme je l'ai dit, jouer un match simple, ou vous entraîner, ou participer à une compétition. Avec notamment le célèbre "challenge", où vous affrontez une équipe générique qui progresse au fil des matchs. Franchement, je n'ai jamais tenu jusqu'au bout. Je ne sais pas combien il y a de matchs en tout, mais il y en a trop, c'est long, c'est chiant, c'est nul, ça utilise des passwords de 30 caractères, oubliez. Retenez qu'on a un jeu proposant les compèts classiques.

Ouais. Soit. Mais d'où vient alors ce sentiment de désespoir qui étreint nos sphincters à mesure que nous jouons ?



DEUXIEME PARTIE : Qualités (?!) techniques de la bête

Ça va être court.

D'où vient donc ce désespoir ? Peut-être d'abord de l'aspect du "machin". Pour l'époque, c'est pas très beau. Couleurs à chier, sprites de joueurs tous identiques et moches, spectateurs dans les tribunes ridicules. La pelouse est de teinte "épinards de collectivité vomis" et les maillots sont désespérément unis.



Le son est correct, sans plus, au bout d'un moment, les pseudo-chants de supporters vous taperons sur le système. Heureusement, les joueurs répondent bien aux mouvements du pad, c'est déjà ça.



Par contre, vous avez entre les mains l'un des rares jeux Snes capable de freezer sans prévenir, sur une touche ou dégagement des 6 mètres par exemple, ou de se bloquer irrémédiablement en refusant de désigner un joueur pour faire cette saloperie de peau de pus de plat d’étron de corner de merde.

Je vous ai dit en plus qu'il y avait des erreurs, que dis-je, des horreurs de traduction ? "In" et "Out" lors du changement de joueur traduits par "dans" et "dehors", par exemple, genre "youpi c'est la Saint Traducteur Automatique aujourd'hui" ? Non ? Ben voilà je le dis.

Vous voilà prévenus.



TROISIEME PARTIE : Jouabilité et trucs débiles

C'est LA que c'est marrant et que ce test prend toute sa valeur. Car jusqu'à présent nous n'avons là qu'un banal jeu de foot, à la réalisation sommaire, et point barre.

Mais Kick Off 3 n'est pas un jeu de foot comme les autres. Loin s'en faut.

A moins, puissance ultime de l'éternel, montrons à l'élite du Oldisme ce dont ce jeu est capable !

Par où commencer ? Je sens que, comme d'habitude, je vais tout balancer à la chaîne.

D'abord, les noms des joueurs. Les exploitants n'ayant pas le droit d'utiliser de vrais noms, ils vont en faire des contrefaçons. Ce qui nous donne des magnifiques matchs de l'équipe de France, avec en attaque de pointe les fameux K. (Karl ?) Kantonna et I. (Isidore ?) Papins, par exemple. Pour les Nantophiles, on retrouve la mythique triplette Ouédec-Pedros-Loko sous les noms Oudonc-Pedres-Lokos. Gasp. Vive le rêve.



Puisqu'on est aux joueurs, sachez donc qu'ils ont chacun leur "classe" et leurs "capacités". Vous avez par exemple des DEF (défenseurs) avec la capacité LIB (libéro) qui interceptent bien les ballons et font de longues passes, des AVT (attaquants) pouvant avoir STK (strike), des MIL avec PAS ou TKL, etc. Ce qui fait que si par malheur vous avez le ballon dans les pieds d'un milieu de terrain vaguement offensif en position de frappe, mais qui n'a ni ATK ni STK, le ballon va mystérieusement éviter le but, à moins d'être à bout portant, et encore. Un peu comme si vous vouliez shooter avec un ballon de baudruche dans un but bardé de ventilateurs tournant à fond. En d'autres termes, avoir des "capacités" aide, mais ne pas en avoir vous transforme en gros boulet. Parfois, c'est rude de voir vos joueurs rater l'inratable.



D'ailleurs, dans le genre "qui rate à tous les coups", vous avez le tacle. Indosable, il se transforme souvent en carton pour votre joueur, alors que l'ordinateur, lui, évidemment se la joue en finesse. Mystère. Ne taclez plus, et interceptez le ballon simplement en vous plaçant au niveau du joueur adverse. Le ballon changera de propriétaire, souvent sans vous prévenir d'ailleurs. Là encore, ça demande de l'habitude.



Heureusement il y a des actions automatiques. Oui, vous avez bien lu, pour les gros tâcherons, il est possible de jouer en mode semi-automatique, ce qui va vous faire par exemple accélérer tout seul quand vous avez le ballon et que vous courez vers le but, ou encore vous faire faire un centre quand vous êtes sur les côtés de la surface. Utile pendant les 30 premières secondes de découverte du jeu, et encore, après on oublie. J'aime être maître de mon destin, nom de d'là.

De toute façon, les différents coups sont faciles à faire, et ce pour une bonne raison : la balle colle aux pieds et vous en faites ce que vous voulez. A moins de vous prendre pour Oannès et de confondre ce jeu avec Track&Field en vous mettant à bouger frénétiquement votre croix dans tous les sens. En fait, il y a plusieurs possibilités de contrôle de la balle. En mode Novice, comme je vous le disais, elle colle aux pieds. Tout autre niveau la rend savonneuse et le jeu devient non pas dur, mais impossible. Impossible car du coup pour emmener la balle dans une direction vous devez la "taper" par le côté opposé, dès que vous faites le moindre écart, elle est partie. Complètement inintéressant, du coup.

Je disais donc que les coups sont faciles à faire. Avec tous les boutons du pad de la Snes, il y a de quoi s'en sortir sans manipulations compliquées, tout au plus deux boutons à appuyer simultanément parfois. Shoot, super-shoot, accélération, lobe, passe, tacle, ça se fait sans peine. Mais avec néanmoins ENCORE un détail navrant, c'est que l'animation arrivera toujours environ une seconde après que la balle soit partie... ben oui, le temps que le système réagisse, mes braves enfants...





Et n'envisagez même pas marquer sur un coup franc. Il y a 8 combinaisons prédéfinies, qui vous mettent hors-jeu dès la deuxième passe, et essayer de marquer direct est impossible, vu qu'on peut quasiment pas mettre d'effet dans la balle.

Pour vous achever, parlons du timing : le temps est matérialisé par un chrono à aiguilles, enfin à secteurs, d'une remarquable imprécision, ce qui fait que vous ne saurez jamais exactement quand le match va s'arrêter.

Toujours en vie ? Toujours intéressés ? Bon. Alors pour vous récompenser... :



BONUS TRACK : Tactique pour gagner, et défis possibles pour les amateurs de challenges épicés.

Si vous voulez quand même jouer à ce jeu, je vous livre les petites recettes pour poutrer l'IA sans trop de peine, puis d'autres pour redonner de l'intérêt à cette mascarade.

Déjà, choisissez le niveau de jeu International, comme ça, pas de surprises d'actions automatiques inopinées, full control. Puis choisissez le niveau d'arbitrage le plus sévère.

Ensuite, évidemment, choisissez une grosse équipe. En face, n'en choisissez pas une trop pourrie : un gros décalage technique poussera le jeu à jouer en passes rapides et courtes et du coup il sera instoppable ! Ne prenez donc PAS l'Allemagne face à la Corée du Sud si vous tenez à la vie ! Plutôt des équipes moyennes.

Assurez-vous d'avoir deux gros frappeurs sur les côtés et deux dribbleurs en pointe.

Une fois en jeu, la technique de la mort consiste à lancer vos attaquants de pointe dribbler le gardien et vos latéraux pilonner le but depuis les coins de la surface. Sachez que les gardiens sont TRES forts dans ce jeu, et que vous avez peu d'effet dans la balle, donc inutile de tirer au but tant qu'ils sont sur leurs jambes et que vous êtes dans la surface. En les dribblant, ils seront aux fraises, et de loin, ils seront pas encore "aware".

Suivez ces conseils, et vous aurez droit au beau but avec ralenti et animation débile sensée démontrer la joie du joueur, genre youpii je cours sur tout le terrain.



Ensuite, ne taclez jamais. Prenez la balle en courant sur le joueur qui la possède, dans le même sens que lui (ralenti par la balle, il se fera rattraper). La balle va soudain passer dans vos pieds. L'adversaire va alors tacler... ho ho ho... par derrière... vous voyez l'intérêt d'avoir mis l'arbitrage en mode sévère, maintenant ^_^ .

De toute façon, n'ayez pas peur. La seule tactique que l'IA connaisse, c'est de passer par les côtés. Si vos défenseurs ont déserté les couloirs, attendez sagement le centre devant vos cages, faites confiance à votre gardien, et baladez vos défenseurs au point de rebond de la balle, ils vont faire écran à toute éventuelle reprise.



Maintenant, si vous voulez rire et vraiment avoir mal...

* augmentez la difficulté du contrôle de balle (nul, sans intérêt)
* inversez, sur votre feuille de match, les défenseurs et les attaquants. Je vous garantis que vous allez avoir mal aux fesses. (drôle. Testez votre Zen-Attitude).
* prenez la Corée du Sud ou la Grèce face au Brésil ou à l'Allemagne. Chose marrante, ça marche aussi dans l'autre sens (voir plus haut)
* jouez à deux en coop', et en plus de perdre, l'un de vous finira pendu par l'autre avec son propre pad.
* mettez le jeu en mode "lent", et pendez-vous vous-même, pour changer.



CONCLUSION VACHEMENT EMOUVANTE

Ce jeu est à chier.



ADDENDUM A LA CONCLUSION VACHEMENT EMOUVANTE

...c'est pour ça que je l'aime et que je le connais par coeur.

Jetez-vous dessus, rien que pour l'aspect documentaire, il vaut le voyage.

Amen.

Le point de vue de César Ramos :
Commun, trop commun...