Une brique. Clé à molette ? - François Mitterand. - Bonne réponse.
Seiken Desentsu 3
Square - 1995
par Petemul

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Nous avons tous eu le même rêve un jour, vous et moi. Je vous parle à vous qui avez vécu les heures bénies de la guerre Super Nintendo vs Megadrive, vous qui avez longtemps débattu des mérites respectifs de Super Mario World et Sonic 2, vous qui avez découvert Cocolint avec des yeux émerveillés et avez touché les étoiles le jour de votre premier ha-do-ken sur la console en démonstration au Leclerc du coin. Vous qui, à priori donc, avez également subi le choc Secret of Mana de plein fouet. Et donc je parie que vous avez, comme moi, espéré secrètement une suite, un deuxième, encore plus beau, encore plus fort, encore plus tout.



Un Secret of Mana 2, oui, c'était ça que nous voulions, bon sang, c'est quand même pas grand chose, quand je pense aux centaines de milliers de francs - je parle en francs nouveaux, je veux bien être oldie mais il y a des limites - qu'on peut investir pour juste moderniser la ligne Parigné - La Flèche, merde, où sont les priorités de ce monde ? Et nous fûmes déçus. Déçus parce que la "suite" désignée n'en était pas une. A cette époque Square n'était pas vraiment encore ultra connu, et on prenait les miettes de ce que le marché japonais voulait bien nous offrir, comme on donne la fin de son sandwich à ce pauvre chien aux côtes saillantes, par pitié, par relent de morale chrétienne... Et nous avons eu Secret of Evermore. Qui n'a rien à voir. On nous l'a annoncé à grands fracas, cors et trompettes, mais c'est juste un jeu de la même boîte, point. Bon. Soit.



Et puis la Playstation est arrivée. La Super Nintendo a doucement décliné et s'est endormie dans le coin de nos greniers et de notre cœur. Les plus acharnés la gardèrent près d'eux, en vivant sur leurs acquis, et pour lancer un petit Super Bomberman 2 de temps en temps, mais pas trop, parce que ça devenait la honte devant les copains qui avaient la 3DO.



Je signale qu'il faudrait être mad, ou très con (voire les deux même !) pour ne pas avoir relevé la petite blagounette de la précédente phrase. Et si vous vous êtes trouvé dans ce cas, sortez immédiatement et allez vous pendre. Bref. Nous nous étions résignés, Secret of Mana aura été une étoile filante dans une galaxie foisonnante, mais il faut bien grandir un jour et passer son bac.



Et puis, et puis. Internet est arrivé, et par lui, l'information en masse et à grande vitesse. Et surtout, une connexion directe avec le Japon, ce pays à la fois de demi-dieux (nous leur devons tout ça) et d'enculés (ils ont tout gardé pour eux). Et déjà, premier choc : Secret of Mana est déjà l'épisode 2 d'une série. Dont Mystic Quest sur Game Boy est le premier. La série s'appelle Seiken Densetsu. Ah. Bien. De plus, Square a fait une tripotée de jeux. Oh. Soit. Enfin, il existe, au Japon, oui, accrochez-vous, il existe un Secret of Mana 2. Enfin un Seiken Densetsu 3. Voui. Si si. Sur Super Nintendo.



Essayer de vous décrire l'impact de cette nouvelle sur la communauté de joueurs que je fréquentais, à savoir moi et un pote du lycée (oui, une communauté à 2, je vous merde, ainsi que la censure), est vain. Un séisme. Une supernova. Cela existait ! Mon Dieu ! Mais uniquement en japonais. En JAPONAIS ! Un jeu d'aventure en japonais... Eli Eli, lema sabachtani ? (Pour nos amis incultes : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" - oui Nes Pas pense aussi à nos amis Hébreux) Ascenseur émotionnel, le genre d'enchaînement qui s'apparenterait à la découverte d'une Polonaise lascive dans votre lit (ou d'un Camerounais bien sous tout rapports, pensons à notre public féminin) suivi immédiatement d'une injection de 300 glaçons dans le calebard. Ah, les fourbes, les traîtres jaunes. J'en conçus immédiatement une nippophobie galopante. Nous faire ce coup-là, après Pearl Harbor...



Et puis des années ont passé. J'ai pansé mes blessures. J'ai acquis la connaissance, le savoir, la sagesse, j'ai connu l'amour, j'ai connu la mort. Ma haine de l'archipel nippon a lentement diminué. J'avais enterré cette histoire à côté de quelques autres (dont une brune aux lèvres de feu que je ne nommerai pas par respect pour sa famille). Et paf.



Paf, ce jeu retraverse mon chemin, sous la forme d'une ROM traduite en anglais. Oui, c'est mal, mais j'emmerde le monde. Je me suis jeté dessus, au mépris de mes principes moraux élémentaires. Rien à foutre, si j'avais dû violer un bouc mort pour y jouer, je l'aurais fait. Deux fois.



Tout ce dont j'avais rêvé durant ces années allait-il se réaliser ? Et si j'étais déçu ? Non ce n'est pas possible... Square... tout ce que fait Square n'est que bonheur et volupté. Vous pouvez me citer une mauvaise chanson de Led Zeppelin ? Oui, bon, baissez la main. Vous me comprenez. Je ne pouvais pas être déçu. Surtout que j'avais joué à Chrono Trigger dans l'intervalle, à Final Fantasy VI, oui, je connaissais les bestiaux. Bave aux lèvres, érection maximale, je m'y lance avec fougue.



Et la claque. La grosse claque. Un direct de Mike Tyson en plein carafon.



Seiken Densetsu 3 est beau. Très beau. Dès le début, dès l'intro, on sent qu'on va se gaver comme un porc. Et tandis que mes rétines frétillent, mes tympans dansent la gigue : le son est très, très, très bon. Ouuh putain, la belle prise. Je me sens comme à la mi-temps de France-Brésil en 98 : ça va être royal.



Je me remets à peine de ces premières étincelles que j'ai un choc. J'ai presque envie de pleurer. De bonheur. On me demande de choisir 3 personnages parmi 6 pour commencer l'aventure. Oh oui, encore, gimme more ! Je sais d'avance ce que ça veut dire : replay value énorme. Connaissant les gars de Square, forcément, six persos = six histoires. Gasp. J'avale ma salive et démarre le jeu. Sans manuel sous les yeux, j'ai choisi une équipe "voleur-prêtre-magicien".



L'histoire débute avec mon perso principal. Drame à la forteresse des voleurs. Mon héros se retrouve au milieu d'une intrigue pas croyable. Déjà, ça fuse de partout, y'a un scénario bé-ton, ouiiiiii encore, alleluia, repasse-moi du boudin blanc ! Mon perso s'échappe, et doit rejoindre Wendel (tiens, un relent de Mystic Quest). Ok. Ah, tiens, le jeu s'arrête ? Un texte narratif ? Oh, un générique de début ! Des cuivres, une fanfare, un thême héroïque... j'y suis, j'y suis complètement, à fond. Je suis dans l'histoire, je me suis fait happer, et désormais tout s'enchaînera avec avidité. La découverte de mes compagnons de jeu. La découverte du monde. La découverte d'une histoire passionnante, évidemment très très cliché-Square, mais on s'en cogne fabuleusement. Ca coule tout seul, on va partout, on parcourt la Terre, rien ne peut nous arrêter, moi et mon équipe, taillés pour la gagne, avec la foi chevillée au corps de combattre pour une noble cause.



Petit à petit je me fais au système de jeu, je découvre les subtilités, tout en continuant mon overdose de pixels et de chiptunes. Mode 7, rotations, transparences, sprites colorés, décors fouillés, animations fluides, tout y est. C'est beau. La Super Nintendo dans toute sa splendeur, les chips graphiques frôlent l'apoplexie. On y retrouve la maîtrise visuelle de Final Fantasy VI, les animations foisonnantes en plus. Vous ne verrez jamais mieux, poum, c'est dit et j'assume, les consoles 32 bits de l'époque peuvent aller se rhabiller.



Côté musique, du lourd, du très lourd. Orchestrations impeccables, grande variété de thèmes bien ficelés, du travail de pro. J'approuve. Quelques morceaux sont à pleurer.



Le jeu est riche. Il y a de tout, c'est long et on a le temps d'en profiter pour savourer plein de chouettes choses, avec un arrière-goût de déjà vu, n'oublions pas que c'est un deuxième Secret of Mana, quand même. Donc : un jeu multijoueur, des passages en canon, un dragon personnel, des esprits élémentaires à collecter, un inventaire par "anneaux", des jauges d'attaque, trois persos contrôlables à tour de rôle, un arbre mana à sauver, mais aussi des graines à planter qui donnent des objets, un inventaire gigantesque, un animal marin... et une vraie gestion de l'expérience, avec même des classes de personnages ! Oui, vous pouvez choisir l'orientation de vos persos ! Enorme ! Moyennant de vous trouver au bon endroit avec le niveau adéquat et les bons objets, vous allez pouvoir, par exemple, choisir par deux fois ce que vous voulez faire de vos persos. Et du premier choix, à la moitié du jeu, découleront les possibilités qui s'offriront à vous à la fin. Par exemple il vous faudra fuir le chemin "obscur" dès le début si vous voulez pouvoir obtenir de votre épéiste qu'il devienne Paladin un jour... Perso, j'ai adoré faire de mon voleur un Ninja bien badass.



Bref. On se croirait à Noël, un Noël où tous les cadeaux que vous avez eu sur 20 ans se retrouveraient au pied du sapin d'un coup. J'en ai presque lâché des "Oh !" et des "Ah !" de plaisir (c'est ce qu'elles disent toutes, je sais.) Et vous saviez qu'il y avait une gestion en direct du jour et de la nuit ? Eh ben si, si si. Avec les ennemis qui changent. Et un des héros qui se métamorphose à la nuit tombée (qui s'appelle, en version anglaise, Kevin. Oups. Petite faute de goût). Et encore je vous passe les combats épiques à dos de dragon et autres scènes grandioses. Du bonheur, je vous dit.



Mais... mais.

Oui, je vous vois ouvrir de grands yeux. "Mais". Il a osé, ce con de PeteMul, il a osé mettre un "mais" dans la critique de ce jeu. Oui, il y a un truc quand même qui ne va pas. Enfin deux, pour être précis.



La jouabilité. Aïe. Le jeu a voulu être plus fluide, plus je-ne-sais-pas-quoi, que Secret of Mana. Avec des combats frénétiques. Résultat : c'est le bordel. Un bordel sans nom. Trois persos + trois ennemis qui vont se retrouver sur le même espace à se taper dessus, avec des espèces de combos qui feront que vous ne contrôlerez pas exactement parfaitement ce que vous faites, et des indications qui s'affichent dans tous les sens (nom de l'ennemi, points de dégâts, status, etc.) Et on a beau dire, ça irrite. Ca irrite parce que finalement, on tape un peu au hasard, tout le temps, tout au long du jeu, et même contre les boss c'est à peine plus clair. Franchement, c'est super dommage.

Ensuite, le charme. C'est con à dire mais le jeu a eu pour moi moins de charme que Secret of Mana. Peut-être l'avais-je trop attendu ? Peut-être avais-je été trop marqué par son grand frère ? Je n'ai pas senti cet investissement émotionnel. Les musiques me restent moins dans l'oreille, et aucun passage du jeu ne m'a marqué particulièrement. Pourquoi ? Mystère. Peut-être parce que Seiken Densetsu 3, finalement, n'est "que" Secret of Mana en plus gros, plus fort, plus séduisant. Plus baroque. Plus chargé. Voilà, c'est peut-être ça que je lui reproche : avoir forcé sur la gonflette au détriment de la personnalité. L'histoire est très bien, mais presque trop compliquée. Les graphismes sont magnifiques, mais voilà. Les musiques sont superbes, mais ne collent pas aux tympans.



Donc c'est curieux : ce jeu est une légende, il a quasiment tout pour lui, il m'a arraché des hoquets de surprise à sa prise en main, et pourtant je n'en suis pas amoureux. Je n'ai pas grandi avec lui, je l'ai attendu, et l'ai découvert trop tard, sans doute. C'est un peu cette superbe et un peu vicieuse blonde platine que vous rencontrez à l'aube de vos 30 ans : adolescent vous ne rêviez que de ça. Et maintenant qu'elle vous tombe dans le bec, elle ne peut effacer un certain regret pour la mignonne petite qui était au fond de la classe, avec qui vous vous verriez bien aujourd'hui, deux enfants et une chouette petite baraque. Parce que le temps a passé, parce que vous avez grandi. Seiken Densetsu 3 est un jeu qui, finalement, est tellement beau, qu'il n'a pas de place dans votre réalité et vous renvoie en pleine gueule vos plaisirs d'autrefois. Il est moins beau que le rêve que vous vous en faisiez.



Ceci dit, pour en revenir à ma subtile métaphore de la blonde pulpeuse : une histoire sexuelle violente, pour l'hygiène, pour la gloire auprès des copains, pour le fun, c'est jamais à refuser, hein ? Alors montrez-lui ce que vous avez dans le caleçon. Ca sera au prix d'une call-girl de luxe, mais vous ne regarderez plus vos "régulières" de la même façon après ça.




Addendum :

Ce jeu se veut un "post-Secret of Mana", certes. Mais vous remarquerez que, si des PNJs se retrouvent de l'un à l'autre (les frères Canon et Chacha, par exemple), aucun héros n'aura fait la navette. Hormis peut-être Carlie, qui est une sorte d'Elfe qui serait devenu adepte de la magie défensive. Pour retrouver le héros et l'héroïne de Secret of Mana il faudra vous tourner vers... Chrono Trigger ! Marrant hein ? Non ? Ok, cassez-vous, je vous méprise.
Le point de vue de César Ramos :
Inexistant en France ou aux USA. Dommage... Nintendo pensait que ces marchés n'étaient pas prêts... Enfin...