Vous savez quoi ? Je crois que j’aime tester des jeux. Premièrement parce qu’on me laisse dire tout ce que je veux sur ce site, et que la liberté d’expression est une valeur sacrée à mes yeux. Deuxièmement parce que je ne teste pratiquement que des bons jeux. Voire d’excellents jeux. Ou même carrément des mythes. Et pouf, là, quel hasard : « Ooooooh, un myyyythe ! ».
J’ai fait mieux comme intro, je le reconnais, mais que voulez vous, à force de se frotter aux gloires du temps jadis, on finit par épuiser ses superlatifs. Alors j’ai bien quelques « waouh », « génial » et autres « bigre quel titre ! » à vous servir mais je crains que ça ne sente un peu le réchauffé. D’autant que là, pour la première fois dans un de mes tests, j’ai l’intime conviction que ça ne servirait pas à grand chose d’encenser un des jeux les plus connus de la planète, et très certainement le plus aimé en son temps, loin devant les hérissons boiteux et les plombiers moustachus.
Qu’est Street Fighter 2 ? En ouvrant un petit Larousse, on ne trouve pas la définition de ce terme. Dans un petit robert non plus. Bon, encore un preuve que les académiciens sont payés pour se masturber le cortex sur des sujets aussi insignifiants que la possibilité de retirer le tréma au mot « aiguë » si celui-ci est précédé d’un gérondif direct entre le COI et le sujet,si et seulement si la phrase est à l’imparfait du conditionnel. Rigolez pas, c’est avec votre pognon. Comment s’occuper de choses aussi vaines alors que dans la nature belle et insouciante se balade un étalon du nom de Street Fighter 2 sur lequel aucun éminent linguiste n’est venu planter le drapeau de son arrogance paternaliste ? Ah, vous aussi vous vous posiez la question, hein ! Donc sans arrogance, mais avec paternalisme, je vais tenter une définition.
Street Fighter 2 est un jeu de baston. Voilà. Je suis bon là. Et plein de « sans arrogance » surtout. Ah si, je peux ajouter qu’il est bon. Enfin que c'est le meilleur.
Plus je regarde ma définition, plus je la trouve belle. Fantastique aptitude du langage à contenir dans quelques mots d’une simplicité désarmante la puissance d’une tornade technologique et commerciale. Street Fighter 2 est un ouragan qui a tout emporté sur son passage. Une montagne qui a forcé le respect de tous. Un Gandhi qui a réconcilié les peuples ennemis du vidéoludisme.
Mais pour les soviétiques, les chinois, les moins de 15 ans, les mineurs de sel du Congo, les ramasseurs de Guano de la terre de feu, bref pour tous ceux qui n’ont pas connu l’avènement de la légende, je vais reprendre l’histoire à son commencement.
Nous sommes en 1991. En avril ou en mai, je ne sais plus trop. Quoi qu’il en soit, le petit benjamin finit sa troisième tranquillement en allant pulvériser son collège tout entier sur les notes du brevet. Oui, je suis comme ça. Mais ce que j’ai en tête alors n’a rien à voir avec les conneries dont on bourre les mômes jusqu’à plus soif. Non, la seule chose qui m’obnubile vraiment c’est de pouvoir enfin essayer ce jeu dont tout le monde parle. Ce jeu de baston incroyable qui révolutionne le genre par son concept (un peu faux, mais bon) et par sa réalisation hors normes. J’ai vaguement entendu parler d’un monstre vert qui fait de l’électricité et d’un hindou avec les bras qui s’allongent. Joueur depuis maintenant près de 4 ans, je n’ai jamais vu mes copains dans un état pareil. Les jeux d’arcade s’essoufflaient déjà à cette époque là, mais ce jeu à lui seul allait changer la donne. Et puis une fois les épreuves terminées j’ai pu poser la main dessus. Quelle claque. Technologiquement le titre de capcom est monumental. C’est beau, très beau, et extrêmement rapide. Beaucoup plus que ce que les autres proposaient en tout cas. Le succès est immédiat. C’est véritablement une des seules fois de ma vie où j’ai vu la queue devant une borne d’arcade. Il fallait parfois patienter plus d’une heure pour pouvoir y jouer. Jamais aucun autre jeu n’aura englouti autant mon pognon. Mais que c’est bon. Lors des vacances qui suivirent, tel un drogué, il me fallait absolument ma dose quotidienne. Mon nouveau statut d’Einstein du collège m’aida grandement à soutirer allègrement à mes parents les fonds nécessaires à cette accoutumance.
Mais pourquoi ce con là nous parle t-il d’un jeu d’arcade alors que c’est de SNES dont il s’agit. **BLAM BLAM** Personne ne traite le Troll de con. Les autres vous le saurez. Si je parle tant du phénomène d’arcade c’est parce que justement c’est un phénomène (quel brio bordel). Et que l’adaptation sur SNES, en courte exclusivité, va définitivement faire exploser la megadrive déjà mal en point après les coups portés par Mario et Link. Et cela grâce à un tour de magie des développeurs de chez Capcom.
Comment ont-ils fait ? C’est la question que tout le monde se pose lors de la sortie de Street Fighter 2 sur SNES. Le jeu est un monstre de puissance en arcade, et tout laisse à penser que son adaptation 16 bits sera douloureuse. Et on le sait très bien, les consoleux que nous sommes sont extrêmement douillets. Qu’à cela ne tienne, capcom va faire un miracle. Aujourd’hui encore je n’en reviens toujours pas, mais l’adaptation est quasi parfaite. Bon les décors ont été largement épurés, les musiques et les bruitages aussi, mais les bougres n’ont pas touché un cheveu de la force du soft : la jouabilité. Les persos sont aussi beaux qu’en arcade, et le plaisir de jeu totalement identique, bien qu’un peu moins rapide. Et faire tenir tout ça dans un seule cartouche relevait de l’exploit. A priori les gars de chez capcom font des exploits comme d’autres vont acheter le pain. Devant cet ahurissant tour de force, la communauté ludique va s’incliner, et les SNES s’évaporer à vue d’œil des étals des revendeurs. Nintendo qui a bien senti le coup venir en profite même pour proposer un pack SNES+Street Fighter 2. Tout en vendant la cartouche seule pour un prix absolument honteux. Remarquez, tout le monde l’a achetée alors pourquoi se seraient-ils privés hein…
Pour rester dans le domaine du test, voyons un peu ici les rouages du jeu qui peu se vanter d’être le père spirituel de tous les jeux de baston modernes. Deux persos s’affrontent dans une arène close. En 2D. On saute, on se baisse, on avance et on recule (comment veux-tu que… ahem). Le premier dont la jauge d’énergie tombe à 0 perd un round. Deux rounds perdus et c’est le game over. Simplissime, mais pas nouveau pour autant.
Là où SF2 innove, c’est que le choix des personnages jouables est impressionnant pour l’époque. 8 guerriers vous attendent de pied ferme, plus 4 boss non jouables, mais diaboliquement durs à torcher. De plus, et c’est ce qui a fait la légende du jeu, tous les guerriers ont un panoplie de coups impressionnante : 3 coups de pied et 3 coups de poing différents. Et ce pour la position debout. Rajoutez donc autant de coups en saut ou accroupi.
Mais ce qui va bétonner la légende c’est que chaque combattant a 3 coups spéciaux dévastateurs qu’il sera difficile de sortir (heureusement pas tous) mais raviront vos yeux autant qu’ils feront pleurer l’adversaire qui les encaissera dans sa musette. C’est la première fois qu’un jeu de baston propose ce genre de coups uniques pour chaque perso, et c’est un carton absolu. Les jeunes ne parlent que de ça, les magazines aussi. Le succès est planétaire.
Ca tombe bien puisque les combattants du jeu aussi. Citons donc au tableau d’honneur des personnages les plus connus du jeu vidéo sur SNES et dans le monde :
-Ryu le japonais et ses So Ryu Ken écoeurant quand ils sont bien placés
-Ken l’américain, copie conforme de Ryu (mais sa planchette japonaise est plus belle, na !)
-Chun-Li la chinoise, véritable égérie des foules et combattante redoutable quand bien jouée (avec les pieds de Ken le survivant)
-Blanka la bête brésilienne et son coup de foudre (et son coup de boule, rhaaaaa)
-Zangief le catcheur russe dont il vaut mieux se tenir éloigné
-Guile le GI américain (deux américains ? Capcom se prostituerait-il pour le marché US ?) et ses flash kick si saoulant…
-Honda le sumotori japonais (ah ben non, ouf) dont les mains sont les cousines des pieds de Chun-Li
-Dhalsim l’indien cracheur de feu et ses membres interminables
Au menu final, vous aurez droit à 4 plats de résistance bien copieux :
-Balrog (ou Bison selon les pays) le boxeur américain (encore !) très lent et pas très malin. Ca tombe bien il n’a besoin que de 4 coups pour vous ravager la machoîre
-Vega (ou Balrog…) le matador-ninja espagnol, véritable bête noire des joueurs, et adversaire le plus coriace selon moi, car combinant la rapidité de Chun Li et la puissance de Bison. Un combat Chun Li / Vega donne rapidement la migraine soit dit en passant…
-Sagat l’indonésien, boss final de street fighter 1 (d’où sa cicatrice), boxeur thaï borgne (des deux yeux selon sa position à l’écran :) ) aux coups de pied redoutables en dégâts
-M. Bison (ou Vega…), boss final pour lequel il fallait se lever de bonne heure suivant la difficulté réglée par le patron de la salle d’arcade. Des joueurs entiers cauchemardent encore sur son « vol enflammé »
Bref un univers entier de personnages attachants avec chacun une histoire, un raison de se battre et une fin propre (Et oui ami Kevin, tekken n’a rien inventé…).
Les coups sortent avec une facilité déconcertante au bout de quelques parties, et même si les manettes sont mises à mal par les quart de cercles, elle remplisse à merveille leur rôle sans rougir devant les sticks d’arcade. Que du bonheur vous dis-je.
Aujourd’hui encore je trouve ce jeu toujours aussi beau, maniable et prenant. D’ailleurs il n’est pas rare qu’un combat de grande gueule se termine sur un Street Fighter 2 (peu importe la version) pour savoir qui est le meilleur, puisque c’est l’un des rares jeux, sinon le seul, sur lequel la quasi-totalité des joueurs ont un passé (eeeet non, pas toi Kevin…).
Croyez moi, si les souvenirs pouvaient se vendre je serai riche à millions. Avoir vécu tant de parties héroïques (ah oui, quand même) en salle d’arcade alors que la radio jouait en boucle Tainted Love de Soft Cell, ça vous marque un homme à jamais.
Des jeux mythiques vous en avez sûrement trouvés pleins sur ce site. Donc en voilà un de plus. Jouer aux jeux de baston sans avoir touché Street Fighter 2 est une honte, un blasphème, une hérésie ! Alors laissez là vos Soul Calibur 2 et autre Tekken Tag, et allez vite fesser le cul de Bison avec une pelle à neige, il ne mérite pas moins. Et vous non plus.