Tu vas prendre trop cher mon bichon....
Introduction
Si vous connaissez l’Amstrad, vous connaissez son penchant pénible pour mal vieillir, comme un Beaujolais nouveau, ou comme votre vieille tante d’ordinaire si gentille devenue avec le temps aigrie, piquante et particulièrement radotante. Et oui, l’Amstrad c’est votre vieille tante. Il ne pique pas, n’est pas aigri, mais est particulièrement laborieux à faire fonctionner de nos jours.
Alors quand je me suis décidé à m’attaquer à mes deux Amstrad, je n’envisageais pas tout ce foin pour ces vieux crocodiles arthritiques. Je pensais classiquement qu’un bon changement de courroie suffirait à mon bonheur, et que tel Candide, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Je ne pouvais même pas imaginer les futures heures de jouissance qu’Internet et l’électronique moderne allait me procurer. Et comme je ne suis pas coincé, je veux vous faire profiter de ces temps de pur bonheur, alors suivez le guide.
Genèse d’un futur mythe
L’Amstrad - c’est un classique - a un lecteur des temps anciens. Il fonctionne au charbon, fait un bruit de fou, est terriblement lent et ne marche pas à tous les coups. Et oui, l’informatique dans les années 85, c’était une religion. Et bien sur tout ceci à mal vieilli. Le bidouilleur rusé aura identifié la cause très facilement. Un simple démontage montrera une courroie de transmission totalement flottante, rendant impossible l’entrainement du mécanisme du moteur de la disquette, et donc le fameux :
Alors le bidouilleur encore un peu plus rusé, le vrai qui en plus de voir le problème les corrige se dira avec justesse qu’en changeant cette courroie l’Amstrad tout sera comme en 1985 et hop. Et cet homme là aura raison, bien sur.
Cependant il faut se rendre à l’évidence. Le commun des mortels ne saura pas obligatoirement où trouver cette courroie. Si pendant des années j’ai réussi étrangement à faire fonctionner mon Amstrad avec un élastique de tente coupé en deux (c’est idiot mais je n’ai plus de photo. C’était d’un ridicule achevé, cela forçait sur tous les pignons, mais cela avait le mérite de fonctionner) il est de bon ton en vieillissant de ne plus supporter les bricolages niais et de passer à du plus lourd. J’ai donc voulu agir.
Une rapide recherche internet me fit tomber sur le site
CPC Hardware. Un rapide tour dans la boutique me fit passer commande de quelques élastiques pour équiper mes bêtes et prévoir un peu l’avenir en en prenant d’avance. Pour quelques euros, mes Amstrad chéris allaient pouvoir revivre. Je sentais en moi revivre les flots de joie d’un Christophe Colomb découvrant l’Amérique, ou encore ceux d’un Christophe Amérique découvrant le colon, plus j’y pensais plus mes draps s’en souvenaient, tout devait aller pour le mieux, le monde était beau, et Dieu le vit.
Gervaise, un futur plein de fruits
Il est tôt, et j’ai un mal de crâne de folie, et m’autorise donc des titres qui ne veulent rien dire. Il va de soi que si quelqu’un à quelque chose à y redire, qu’il ne le dise pas.
Bref Dieu le vit, et m’indiqua par un clic de ma souris la vraie voix des cieux. Par un clic malhabile, je cliquais dans la même boutique sur Lecteur disquette interne 3’½.
Cela n’a l’air de rien mais c’est une révélation. J’avais été initié aux rites secrets du changement du lecteur 3’ propriétaire de l’Amstrad lors de soirées fugaces de pêche au lamparo aux abords des îles Kerguelen, mais jamais en revenant sur le continent je n’en entendis parler. Et là devant moi pouf, la solution.
Vous ne voyez peut-être pas où cela mène bien entendu. Votre confort petit bourgeois vous a endormi le bulbe depuis trop longtemps et je me dois de vous le secouer. C’est l’opération qui va consister à changer le lecteur poussif et véreux de l’Amstrad, avec ses disquettes propriétaires qui ne marchent plus, qui ne sont plus vendues en l’état, par un lecteur PC tout ce qu’il y a de plus classique, pouvant faire avaler à notre clavier fétiche toutes les disquettes PC qui ne nous servent plus, nous donnant l’occasion d’avoir accès en quelques secondes à l’intégralité de la ludothèque de la machine. Bref, c’est énorme.
Dieu guida ma main et commanda sur le même site le kit complet du « toi aussi tu n’as plus de doigts depuis de trop nombreuses années, laisse moi faire le kit, mais paye ». Alors j’ai cliqué, j’ai attendu un miracle, mais non Dieu n’a pas voulu payer… J’ai donc acheté un lecteur compatible internet, le kit d’alimentation et le kit de connexion. Avec quelques courroies toujours, pour maintenir un Amstrad en vie brut. Quelques 40 euros plus tard, le monde avait décidé d’être plus beau.
L’attente, hourdie dans l’ombre
Je pensais que ma commande arriverait des les jours qui suivraient. Trop habitué aux gros sites marchands qui font mes joies et mes peines financières quotidiennes, je surveillais ardemment ma boîte aux lettres. Rien, queue de chique, que dalle, nada. Je ne voyais que le soleil qui rougeoie et c’est tout.
Mais je suis un vieux briscard chiant, je ne me laisse pas enculer si facilement. Je décidais donc un soir de beuverie d’envoyer un mail de bon ton à la dite boutique pour savoir un petit peu où tout cela en était, en venant comme en voisin prendre des nouvelles du petit dernier qui était malade la semaine dernière.
Dans la minute j’ai eu une réponse pleine de gentillesse et de sympathie, de plates excuses, d’explications on ne peut plus crédibles, et je me remis à espérer. Comment avais-je pu douter dans mon misérabilisme de la bonne volonté d’une boutique vendant des pièces Amstrad ? J’appris par la même occasion qu’il n’y avait qu’un homme qui se tapait toutes les soudures des objets achetés, et me mis à secrètement aimer cet homme, de l’amour désintéressé du oldies qui a trouvé son maître. Imaginez : plus de 20 ans après, un homme tapis dans sa demeure soude toute la journée pour le plaisir égoïste de quelques allumés. C’est formidable !
Je mis donc mon attente de côté, attendant calmement, rassuré, mon petit colis.
Et il est arrivé, sans prévenir, un beau matin de 25 décembre. La brise était fraîche et revigorante, le temps clément, les arbres bruissait doucement au dessus du petit colis qui m’attendait.
La tente, terminée mais canadienne
Puisque je vous dis que je suis fatigué.
Mon colis était donc là devant moi, à la cool. Un lecteur disquette, une nappe de connexion et un câble d’alimentation. Pas de montage, mais un petit mot gentil me priant d’excuser le retard. Je levais les yeux au ciel, pleins de larmes, bénissant le soudeur et lui pardonnant tout, trop content que j’étais d’avoir tout dans les mains.
Pas de guide de montage. Oui, il parait que c’est trop simple, et qu’il n’y en a pas besoin. Pour moi qui ai arrêté depuis quelques années de bricoler, c’était un point d’interrogation pénible. J’entrepris alors de démonter mon clavier pour voir si cela était réellement simple à monter.
Quelques vis plus loin, le lecteur de l’Amstrad dans les mains, je validais. Oui, c’est très con. Je me retrouvais avec deux câbles à brancher sur mon nouveau lecteur de compétition, sans avoir eu besoin d’une quelconque explication. Fier du travail accompli en deux minutes, je me décidais à tester l’installation. Je pris la disquette de Lemmings PC qui trainait dans ma boîte de disquettes, et lançais un petit CAT sur l’Amstrad, pour voir ce qu’il se passait.
Bien sur il ne se passa rien. Forcément, les disquettes Amstrad devant être formatées spécifiquement, il ne pouvait rien se passer. Mais j’ai néanmoins entendu le bruit de mon nouveau lecteur, et je fus heureux. Il me restait à trouver comment glisser un fichier .dsk dans une disquette pour qu’elle soit lisible par mon crocodile.
Disquette. Squette.
Un petit tour sur le net m’apporta diverses solutions. Apparemment, il n’existait qu’un seul logiciel faisant référence dans le domaine :
CPDWRITE. Pas de bol, celui-ci marche uniquement sous DOS, et pas le faux DOS de XP, mais un vrai DOS, celui qui a des couilles. J’ai donc entamé la création d’une disquette de Boot à partir de celle de Windows 98, et testa diverses combinaisons logiciels, pour arriver à des échecs successifs cuisants. Je déployais alors de trésors d’ingéniosité, de tactiques, de développement. Depuis plus de 5 ans je n’avais pas du taper plus de 3 lignes de DOS, et là je me faisais mas petite disquette à la cool. Mais dans le vide.
Là sur papier cela n’a l’air de rien, mais cela m’a pris plus de 5h, à pester contre le lecteur disquette de mon PC, qui servait pour la première fois, pour râler contre les logiciels de merde qui n’avaient pas été reprogrammés pour XP, ou contre l’Amstrad, parce que merde il n’avait qu’à lire les disquettes comme tout le monde. Je fus atteint par l’angoisse, la déception, les grillons et le fleuve en sang. Les sept pets d’Egypte serait atteins après ce terrible cassoulet que ma maman prépara à l’improviste. Je touchais le fond mais creusais encore.
Au comble du désespoir, après avoir ouvert la fenêtre, je décidais poursuivre ma recherche. Je n’arrivais pas à croire que personne n’ai pu outrepasser les limitations de XP d’accès aux commandes bas niveau du lecteur disquette. Je trouvais enfin mon bonheur, et une lueur d’espoir.
Ces photos ne servent à rien, mais j'ai tellement tout essayé, qu'il fallait que je les mette, comme une thérapie...
Un développeur génial utilisait un driver disquette spécifique dans son logiciel :
CPCDiskXP. Un téléchargement plus tard, je retrouvais le sourire.
Dis tu peux la fermer ? Tu peux la fermer.
Je tentais d’installer le driver inclus au logiciel, plein d’entrain, à la bouche une chanson. Et là c’est le drame. « Il n’y a pas de lecteur compatible avec ce driver ». Tous mes plans, tous mes échecs s’arrêtaient toujours là. Qu’est ce que mon pauvre lecteur de disquette USB avait fait au monde pour mériter ça ? USB ? Mon dieu, comment ai-je pu croire une seconde que mon PC Portable de compétition allait assimiler un lecteur USB comme un lecteur disquette standard. Un tour sur les fora plus tard, je compris que ce que je tentais de faire était impossible. Il faut nécessairement un lecteur disquette interne, le gros classique.
Je ne me démontais pas, et entre deux goulées de four roses, entrepris de trouver un PC avec un lecteur disquette. Perdu au fin fond de l’Anjou, en vacances, mes moyens étaient limités. La solution vint par mon meilleur ami, qui après un coup de fil m’expliqua que son PC portable avait un problème d’écran, et que donc il en avait racheté hein. Et que ce PC avait un lecteur disquettes.
Mon sang ne fit qu’un tour. Ma poche de glaçons sur le crâne je me débrouillais pour obtenir la chose. Ce fut chose faite deux jours plus tard, deux jours interminables, où l’attente me faisait recompter le nombre de grains de riz de chacun de mes paquets, parce que bon, Oncle Ben est bien sympa, c’est toujours un succès, mais je suis sur qu’il cherche à m’avoir, le fourbe.
Je reçu la bête. Je reçu le facteur entièrement nu, trop sur du mauvais effet que le fait d’avoir ma solution dans les mains me provoquerait. Cela ne rata pas. Ce début érectile formidable m’empêcha pendant quelques minutes d’ouvrir le carton si chèrement attendu. Puis le constat : ce pc est ma solution mais a un problème. Je le réglais de quelques habiles coups de tournevis. J’avais donc dans les mains un portable sous XP avec un lecteur disquette. Joie.
Jeux de main, je jouerais demain
J’ai donc installé CPCDiskXP. Son driver de merde. Tout a marché à la perfection. Cette fois plus de vilains messages d’erreurs. L’interface simple de sélection d’un fichier, quelques secondes de transferts, et paf, une disquette sortant de mon PC compatible Amstrad. Que demander de plus, si ce n’est une petite pipe. D’Amsterdamer, le vrai tabac des hommes.
J’introduisis fébrilement la dite disquette dans mon Amstrad. L’AMSDOS chargé me regardait ‘un œil méfiant. Le clavier aux touches torves me reluquait étrangement. Le temps se fit étrangement lourd, immobile. Aucun oiseau ne chantait, et ceux qui voulurent se prirent des coups de bec de leurs voisins apeurés.
Un CAT plus loin.
Ca broute. Le lecteur tressaute, mon cœur fait de même.
Drive A : User 0
Jusque là tout va bien, le monde est beau. Seule la suite saura m’apporter le repos.
BUGGY2.BAS 1ko
Je hurle de joie. Le fichier inséré avec passion après tant de lutte est lu par mon amstrad. Le lecteur lâche un rot d’humour, d’humeur joyeuse. Les oiseaux en symphonie laisse exploser une chorale trop longtemps contenue dans leurs petits becs desséchés de tant d’attente. Le monde revit, Yvette 84 ans retraitée gagne à Marcq en Baroeul le tournoi si fou des 24H du loto, un être se meurt un enfant né le monde est beau. J’ouvre ma fenêtre, et regarde d’un œil de vainqueur la campagne alentour. Je referme immédiatement ma fenêtre après que Georgette l’ancienne épicière m’ai reluqué de la tête aux pieds, et me rappelle que je suis encore nu. Mon Amstrad ronronne pendant que l’écran de démarrage de
Buggy 2 s’affiche. Je souris, j’aime la vie.