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Comment jouer aux jeux japonais sans en piper un mot

Paraître intelligent : comment jouer à des jeux japonais quand on ne pige rien au japonais ? par Benjamin


Bonjour à tous et à toutes ! Bienvenue à C’est Un Choix, consacré aujourd’hui aux joueurs qui jouent à des jeux japonais sans en comprendre un traître mot. Sur notre plateau, plusieurs invités prestigieux qui nous parleront chacun de leur méthode pour contourner ce léger problème de langue ! Avec nous ce soir nous avons : M. Roberto Taku, un spécialiste des RPG, plus connus dans notre beau pays sous le nom de jeux de rôle…



Roberto : pas que des RPG ! Je joue aussi aux Action-RPG, Dongeon-RPG, Tactical-RPG, et quelques Dating Sims (jeux de drague). J’ai aussi la collection complète des figurines d’Evangelion et je…

-Merci Roberto. Nous avons aussi M. Guy Kissime, un spécialiste de l’émulation sous toutes ses formes.

Guy : En effet et j’ajoute que j’ai réussi à porter un émulateur Z81 sur mon Atari ST. Le plus dur a été l’implémentation du process…

-Tout à fait. J’en parlais hier à mon cheval. Et enfin nous avons un homme qui a voulu garder l’anonymat et que nous appellerons donc M. X

M. X : Mais pas du tout ! C’est mon vrai nom ! Je suis le grand méchant de Kung Fu sur NES. Je vous parlerai des beat’em all, beat’em up, shoot’em up…

-Bref tous ces jeux où l’histoire n’a aucune importance.

M. X : Je suis outré par vos propos monsieur ! Kung Fu a une véritable histoire mélodramatique au possible, une véritable fable poétique qui transcende le subconscient émotionnel.

-Je crois que nous nous écartons du sujet… Je vais faire une petite introduction avant de vous céder la parole.



-La première question que l’on peut se poser est pourquoi jouer à un jeu dont la langue nous est inconnue. Il y a plusieurs éléments de réponse à ce sujet. Je pense tout d’abord qu’il y a le prestige de l’import. Acheter des jeux japonais au prix fort, c’est les avoir avant tout le monde et pouvoir crâner devant ses amis en exhibant fièrement l’objet comme un trophée gagné après une rude épreuve. On peut ainsi dire lors de sa sortie européenne que cela fait six mois qu’on y joue, qu’on l’a fini trois fois même en si en réalité on est resté bloqué au tout début parce qu’on ne comprenais pas ce qu’il fallait faire. Cela donne des dialogues du style « Secret of Mana ? Pfff t’es naze. Moi je suis en train de finir sa suite Seiken Densetsu 3 en 60Hz sur ma Super Famicom. » L’argument du 60Hz tient parfois la route mais il y en a qu’on ne pourra jamais nier : l’import jap permet de jouer à des jeux qui ne sortiront jamais dans notre beau continent, aussi appelé le Tiers-Monde des jeux vidéo. Ces jeux sont légions et comportent de nombreuses perles qu’on ne pourra jamais avoir ici bas car en haut lieu, on a décidé que ça n’intéressait pas les fromages qui puent pour d’obscures raisons de rentabilité.

Ajoutons qu’à l’époque bénie de l’import sur NES puis SNES, Internet n’existait pas et il fallait s’en remettre aux rares magazines traitant de l’import ou aux gentils vendeurs qui juraient croix de bois croix de fer sur le dos de leur pauvre mère que la daube jap qu’ils te vendaient 1000 balles était une tuerie absolu.



-Néanmoins, les joueurs imports étaient légion et ne reculaient devant rien pour tester les hits favoris, notamment les derniers jeux de baston ou tous les Super Mario. Alors M. X, comment faisaient-ils ? Je veux dire que quand j’achète un missile nucléaire ukrainien, je préfère que la notice soit en anglais.

M. X : Hum… et bien vous aviez quand même en parti raison pour tout à l’heure. On se contrefout de l’histoire dans une grande majorité des jeux, au grand damne des 70 scénaristes qui ont bossé sur des titres comme Kung Fu. Que ce soit les Street Fighter, les Final Fight ou les Sonic, l’histoire était soit inexistante soit totalement dispensable. Il y a parfois quelques dialogues dans un beat’em all mais on ne peut pas dire que ce soit du Shakespeare… Le problème peut se poser avec les menus et les contrôles mais pour une grande majorité de jeux japs, les menus sont en anglais et posent rarement des problèmes même pour un anglophobe convaincu. Le plus classe étant les jeux SNK qui se paient le luxe d’inclure un genre de tutorial expliquant ce que fait chaque bouton avec des petites animations. Mais bien plus que les menus, la majeure partie du temps c’est toute l’interface qui est en anglais !

-Il y a une explication à cela ? Les japonais n’aiment pas leur langue ?

M.X : C’est au niveau de la conception du jeu que tout se situe. Si vous utilisez des caractères japonais (les kanji), il faudra mettre chacun d’entre eux dans la cartouche du jeu ce qui peut être problématique quand on manque de place. En plus, cela rajoute un surcroît de travail car il faut dessiner numériquement tous les kanji qu’on veut utiliser. Il est bien plus simple d’inclure une police de caractère (voir de prendre celle par défaut de la console) dans laquelle on va piocher. Ca simplifie aussi énormément la localisation car il ne faut refaire que l’écran titre et quelques rares textes.

-M.X, je vous remercie ! Ha, je crois que Thomas approche de Sylvia. Vous devriez y aller !

M.X : pfff… fichu métier… La prochaine fois je mettrai un panneau : « laisse tomber Thomas, elle est lesbienne ! » et je pourrai tranquillement me taper une tequila en jouant à Contra.



-Roberto, c’est vers vous que je m’adresse. C’est bien beau tout cela mais il y a des jeux où le texte a une réelle importance, autant au niveau de l’histoire que du gameplay. Ce sont évidemment les RPG et les Tactics. Alors comment faites-vous pour finir un Bahamut Lagoon, un Front Mission ou un Super Mario RPG ?

Roberto : oh vous savez les textes… tant qu’il y a des filles dénudées, des gros robots et des élémentaux de feu, moi je suis comblé.

-Allez dites nous en plus ! Il doit bien y avoir des trucs à connaître.

Roberto : bon d’accord puisque vous insistez. On va séparer ces jeux en deux catégories : ceux se déroulant en temps réel comme Secret Of Mana et ceux se déroulant au tour par tour comme Chrono Trigger. Dans le cas d’un Secret Of Mana, le gameplay est assez instinctif et ne demande pas des masses de connaissances. On teste les boutons en appuyant normalement, rapidement ou en laissant appuyé pour voir ce qu’il se passe. On peut ainsi s’en sortir dans la majorité des cas. Pour les dialogues, tant pis, on les passe ou on répond au pif. L’impact sur le jeu se ressent rarement. Ca devient plus coton dès qu’il faut lancer un sort ou gérer plusieurs personnages, bref… arriver dans un menu. Et en fait cela nous ramène aux jeux au tour par tour. Là il est très rare d’avoir des menus en anglais et il faut vraiment tâtonner pour essayer différentes choses. Trouver la commande pour attaquer, lancer un sort, se déplacer… Avec le temps, on finit par reconnaître quelques mots parmi les plus courants. Souvent, certaines indications sont en anglais comme les classiques HP et MP (points de vie et points de magie) qui permettent grosso modo de savoir ce qu’il va se passer. Mais c’est plus souvent du bol qu’autre chose.



-Vous dites que les dialogues n’ont pas d’impact sur le jeu mais c’est pourtant l’essence même d’un RPG. Je veux dire que si je ne comprends pas l’histoire, je ne vois même pas l’intérêt de jouer. En plus, je risque de ne pas savoir quoi faire. Pour moi, un bon RPG doit justement avoir des personnages consistants avec un background, une histoire solide et/ou complexe… Comment peut-on s’immerger à fond dedans si on ne comprend pas ? On se contente de regarder les plus ou moins belles images qui défilent en poussant des « wow ! » ? En plus c’est dommage car on rate les passages comiques. Je pense à Secret Of Mana par exemple quand sur le bateau pirate un des hommes dit que les rats ont mangé toutes les provisions et que l’elfe se marre bien en même temps.

Roberto : euh… oui… en effet… et bien vous n’avez qu’à apprendre le japonais ou trouver une copine parlant cette langue et étant suffisamment poire pour vous dire ce qu’il se passe.

-Tant que vous y êtes, elle doit aussi faire bien la cuisine, porter des bas, afficher un bon 90C et rire à toutes vos blagues ? Elle se trouve où la perle rare ?

Roberto : si vous voulez je peux apprendre le japonais et porter des bas. Par contre pour le 90C faudra vous contentez avec des oranges.

-C’est cela oui… Guy, je sais que vous avez la solution à notre problème. Guy ? Lâchez cette GP32 !



Guy : qui ? Moi ? Oh pardon. Vous pouvez répétez la question ?

-COMMENT COMPREND ON LES DIALOGUES ET ACCESSOIREMENT LES MENUS D’UN RPG EN JAPONAIS ?

Guy : Ca va ! Pas la peine de hurler. Selon moi, il existe deux techniques principales toutes les deux fondés sur le génie de quelques fans : les guides et le rom hacking. Grâce à Internet, on peut maintenant trouver sur des sites comme GameFAQs des guides complets pour les jeux les plus connus qui contiennent la traduction anglaise de tous les dialogues et de tous les menus. Le problème est que c’est assez dur à gérer et qu’il faut s’armer de patience. Il faut pouvoir à la fois gérer ce qu’il se passe sur la télé et regarder la traduction en simultanée sur l’écran du PC ou sur papier si on l’a imprimée. Là où les choses se corsent, c’est que les RPG ne sont pas forcément linéaires. Du coup, si on ne suit pas l’ordre du guide, il faut rapidement chercher dans tout le guide où on a atterri pour avoir la traduction. Par contre, c’est vraiment très pratique pour les menus car tout est bien détaillé.



-Euh… vous ne deviez pas nous parler d’émulation ?

Guy : C’est la deuxième technique si vous suiviez : le rom hacking. Vous devez tout d’abord récupérer la rom du jeu japonais auquel vous voulez jouer. Ensuite, il faut appliquer dessus un patch IPS s’il existe. Créés par des équipes de passionnés comme Terminus, ces patchs vont remplacer tous les dialogues et menus en japonais par des textes en anglais ou en français selon l’équipe qui les a faits. Evidemment, c’est un travail de titan pour réaliser chacun de ces patchs, car il faut d’abord bien analyser le jeu et sa rom pour pouvoir remplacer les textes au bon endroit et bien sur il y a un énorme travail de traduction. Je pense qu’on ne remerciera jamais assez ces bénévoles qui se dévouent pour que d’autres puissent jouer dans une langue qu’ils comprennent. Ensuite, il vous suffit de jouer à la rom patchée sur votre émulateur favori voir de la réinjecter dans une cartouche avec un programmateur d’EEPROM.



Roberto : vos méthodes de pirate m’horripilent monsieur ! On ne doit pas toucher à la création du Saint Béni Soit Square !

Guy : Mais taisez vous ! Vous ne connaissez rien des jeux auxquels vous jouez. En coulisse, vous m’avez dit que Super Robot Taisen était une adaptation des Playmobiles.

-Et bien je crois que nous allons en rester là. Merci à vous tous d’être venus nous communiquer votre témoignage. La semaine prochaine nous parlerons des couples qui n’atteignent l’orgasme que lorsqu’ils sont déguisés en Pokémon. Une émission à ne manquer sous aucun prétexte !

Roberto : Sale raclure de bolchevique ! Vous n’avez pas le droit de dumper les jeux !

Guy : c’est peut être plus juste que de les vendre 1500 balles sur ebay !

M. X : Me revoilà ! Tiens, une baston. Je vais pouvoir tester des nouveaux coups. Banzaï !