Bonjour les amis ! De retour sur le papier virtuel et sous vos yeux ébahis pour en terminer avec les moyens astucieux de se constituer une collection digne de ce nom sans pour autant vendre ses organes sur le marché albanais ou entretenir sexuellement une vingtaine d’octogénaires très généreuses. Car ne nous voilons pas la face, ebay reste une jungle malgré l’excellent guide présent sur ce site vous aidant un peu à faire la part des choses, et les boutiques s’étant positionnées sur ce créneau du marché pratiquent des tarifs vous incitant indirectement mais fermement à abandonner vos rêves naïfs d’enfants honnêtes pour mieux vous pousser dans les bras d’une carrière de dealer d’EPO dans l’ombre des critériums départementaux amateurs de cyclotourisme catégorie « jeunes espoirs ».
Et bien figurez vous que de l’espoir il y en a encore. Fini le fatalisme oppressant qui vous étreint à la vue des collections de Ramos, Ecstazy ou Tam. Vous allez réagir, vous lever, prendre une bonne douche (parce que là ça fouette), vous peigner un coup et en avant ! Où ça ? Mais vers le vide grenier le plus proche sacredieu !
Alors le vide grenier kézaco ? Ca se mange ? Ca mord ? C’est sexuel ? Obiwan Kenobi ?
Nous allons détailler tout ça.
En premier lieu il est bon de rappeler que le vide grenier est une aventure humaine hors du commun. En tout cas pour moi. Tout simplement parce qu’il faut souvent se lever à 4 heures du matin pour être sûr d’y être à l’ouverture, c’est à dire 5h00. Oui, ça pique un peu. Enfin beaucoup. Ca fait même carrément chier sa race si vous me permettez l’expression. Je ne sais pas si vous êtes des lèves tôt, mais moi absolument pas. Bref c’est la merde.
« Le sans couronne sera à nouveau roi »
Et oui. Ce qui sous entend que la merde peut se transformer en lingot brut. « Bigre, mais le Troll fait des métaphores ! » entends-je. Oui. Aussi. Je prends 30€ de l’heure en cours de rattrapage de français pour jeunes attardés jeunes en difficulté les jeunes d’aujourd’hui. En tout cas cette idée maîtresse doit être la seule à votre esprit quand vous serez seul face à la cafetière à 4h30 alors que toute la maisonnée se délecte encore de tendres moments douillets nichée au creux de couettes accueillantes. Ah les lâches ! Pas un ne vous accompagnera dans votre pèlerinage. Et je vous garantis que la cafetière sera un adversaire redoutable. Peut être pas la première fois, il est vrai, mais quand vous en serez à votre 3 ème ou 4 ème vide grenier infructueux, les minutes pesantes de silence qui s’égrèneront sans fin autour de vous alors que vous regarderez patiemment le café couler au travers du filtre seront réellement douloureuse. Méfiez vous amis, la cafetière aura souvent raison de vous. Elle vous renverra à la case départ (la couette) et ce sans toucher 20.000 francs (un Secret of Mana complet à 5€). Oui, je suis aussi champion de Vaucluse de monopoly amateur dans la catégorie des moins de 12 ans. Ca calme. Mais ayez la foi. Un matin viendra qui ne sera pas encore un matin, un matin pour rien, une argile au creux de tes mains. Un matin viendra où la gloire auréolera vos pas, où le forum tout entier de Nes Pas vous enviera, et où celui de Jeux Vidéos.com n’en saura rien, car vous n’y allez pas, n’est-ce pas ? (Hebus mon gros, t’es vraiment bon quand tu veux).
Fermez les yeux (enfin pas complètement sinon vous pourrez plus lire… ou alors demandez à votre voisin/père/mère/copine de lire la suite) et imaginez que ce qui va suivre pourrait un jour vous arriver réellement…
…**bip bip**… « et nous enchaînerons le programme de nuit par Dany Brillant avec Suzette… J’ai peeeeerddddduuuuuu la têêêêêteuuuuh, depuis que j’ai vuu suzeeeeee » Vlam ! Putain de réveil de merde. Quelle heure qu’il est ? Eeeeeencuuuulééééé !!!! 4h30 !! Merde c’est vrai… le vide grenier de Boussinjac-sur-meuse. Bon allez. Du nerf. Allez pas la peine de se doucher, ça ira plus vite comme ça. Ouh putain, les yeux en trou de pine que je me tape moi… Yaaaaawwwnnnnn.
Ce matin encore Hebus s’était levé tôt. Sa passion chevillée au corps comme une merde de mouche sur une vitre propre était sa seule motivation pour braver pèle mêle ses paupières d’une demi tonne chacune, l’atmosphère glacée de la chambre à coucher, son haleine de rat crevé et l’immonde cafetière qui dans un instant allait lui rappeler de tout son silence qu’il n’était finalement que poussière et qu’il retournerait tôt ou tard à la poussière. La seule idée de l’affronter une fois encore lui était pénible, mais il savait que le graal pouvait se trouver au bout de ce combat.
5h30. La cafetière a été vaincue une fois encore. Le Troll lutte contre un assoupissement passager au volant de son véhicule. C’est qu’on ne croise pas grand monde sur la route de Mazière-en-causse à Boussinjac-sur-meuse à 5h30 du mat’. Déjà que dans la journée y’a pas foule… Qu’importe. Oldies Sound Vol 1 à fond dans l’autoradio, le Troll essaie de ne pas prêter attention au fin crachin que le ciel s’est finalement décidé à abandonner. Saloperie de météo de merde. Sebastien Folin de mes deux couilles. Ah il fera beau dans l’arrière pays catarrhe hein ?! Pfffff, culé va !
6h00. Le parking. Loin du lieu des hostilités comme toujours. Sauf que là il bruine. La tramontane est vivifiante comme un bain de neige scandinave. Elle s’engouffre paresseusement par la portière entrebâillée et vient figer le rictus résigné du Troll. De Dieu, ça va pas être de la tarte ce matin !
La pale clarté des minutes précédant l’aurore colore doucement la nuit finissante. Les contours se font moins flous, et les stands apparaissent comme par enchantement. Bon allez, c’est pas tout ça mais faut se mettre en chasse. Sac sur l’épaule et tarifs en tête, le Troll rentre peu à peu dans son personnage. Etre un bon acteur est une qualité essentielle dans cet exercice. Hebus se détend, prend un air affable, presque mou, et pose sa démarche. Il affiche à présent un visage digne d’une ballade en prairie aux premières chaleurs printanières. Un sourire niais aux lèvres, il est fin prêt pour ravager tout ce qu’il croisera sur son passage. Surtout ne pas siffloter. C’est le piège trop facile qui trahit fatalement une impatience certaine. Seuls les faux mous sifflotent. Le vrai mou jamais ; non qu’il n’en soit pas capable, ça ne lui vient même pas à l’idée. Le mou est content par essence.
Le parking est gris, les rues sont grises, le ciel est gris. Un tableau apte à pousser au suicide n’importe quel peintre un peu sensible. Les vendeurs déballent ça et là un pan de leur vie passée négligemment jetée sur un plaide écossais miteux. Les inévitables professionnels sont déjà en pleine activité. Crayon et petit carnet à la main, les brocanteurs s’activent. Mais pour le Troll rien de tout cela. La technique est immuable.
Un rapide tour d’horizon s’impose. L’œil bien que torve en apparence est affûté. Tel un faucon scrutant un campagnol qui ne rentrera plus jamais dans son terrier, le Troll repère immanquablement les petites boîtes de carton colorées estampillées d’un « Nintendo Seal of Quality ». Bon, pas de quoi péter 3 pattes à un canard. Quelques Mario, d’inévitable playstation de mes deux et… !??! Mortecouille ! Palsembleu !! Niché sous une bâche vert kaki qui empêche plus le regard que la pluie d’atteindre l’objet, une petite boîte à l’éclat vert vif attire l’attention du prédateur. Non ce serait trop beau… faisant mine de fouiller dans la boîte pleine de cuillères à café ornées d’écusson de leur ville d’origine, le troll est forcé de se rendre à l’évidence : Un Secret of Mana. En boîte. Et quasi neuf. L’occasion est rarissime. Un rire mongoloïde s’échappe de sa gorge tel un borborygme pathétique de joie juvénile. Horreur ! La vendeuse s’est en aperçue et lève un sourcil interrogateur dans la direction de l’intrus. Un huitième de seconde plus tard une efficace quinte de toux n’ayant rien à envier aux plus belles heures d’agonies des tuberculeux de Bombay éclate bruyamment pour masquer la boulette. Hebus serre les dents. Bordel j’ai failli me vautrer comme un gros k3v1N de base ! Du sang froid mon gars, du sang froid.
Toutefois devant pareille pièce il n’est absolument pas question d’employer la technique habituelle du repérage préalable pour revenir plus tard. Même le plus abruti des oldies connaît la valeur de la chose. Il faut donc opérer à chaud, sans omettre de rassurer le patient l’andouille le vendeur :
-« Elle sont sympas vos cuillères là ».
-« Hein ? Ah oui, c’est une vieille collection à mon beau père »
-« Vous avez celle de Chateauneuf-en-vignoble ? »
-« Oh moi vous savez je n’y connais rien. Mais n’ayez pas peur de fouiller. »
Un bon point. Elle n’y connaît rien la gourdasse. Hin hin hin. Attaque mon bubus !
-« Hmmmm, j’ai bien peur que non. C’est dommage, cela fait maintenant très longtemps que je la cherche, et les occasions de trouver de tels objets dans les vides grenier sont rares… »
-« Je vous crois sur parole, c’est le premier que je fait »
BINGO ! Toi ma poulette je vais te fourrer plus profondément que ce que même Clara Morganne a jamais osé imaginer. Je vais tenter une nouvelle technique chirurgicale invasive : l’oesophagoplastie pénienne par voie naturelle ! Ah ah !
-« Bon et bien tant pis… oh ? Vous avez un vieux jeu vidéo ? »
-« Oui, ce sont les vieilles affaires de mon fils. J’essaie de m’en débarrasser pendant qu’il est en vacances, sinon c’est impossible de les lui faire abandonner. Et pourtant il n’y joue plus depuis des lustres. »
Tu m’étonnes qu’il veuille pas lâcher le morceau le gniard. Il doit connaître les côtes internet, lui.
-« C’est vraiment sympa de revoir un truc pareil. Toute mon enfance. Comme ça s’appelait cette console déjà ? »
-« Ben c’est une Nintendo je crois. »
-« Ah oui c’est ça ! Une super nintendo même, non ? »
-« Exact ! Vous avez une bonne mémoire vous ! »
Si tu savais ma pauvre… si tu savais. Nierk nierk nierk. Le poisson est ferré mon gars, y’a plus qu’à mouliner.
-« Allez, je vais vous le prendre, en souvenir du bon vieux temps. Ca fera marrer ma femme si je lui montre ça à mon retour. »
-« Mais je n’ai pas la console qui va avec. »
-« Oh c’est pas pour jouer, c’est juste par nostalgie, pour montrer ça à ma femme et à quelques copains aussi… »
La tronche qu’ils vont tirer les copains en question…. Oh putain, je vais me pisser dans le froc si ça continue…
-« Ah oui je comprends »
Sourire condescendant de la vendeuse. C’est gagné. Elle va s’abandonner comme la framboise sauvage bien mûre qui s’affranchit de son attache au moindre frôlement du promeneur forestier. Le coup de grâce.
-« Vous me le faites à combien. Pas trop cher hein, c’est juste pour un délire »
-« Mais prenez le si vous voulez. Vous êtes sympathique, et je doute que qui que ce soit s’y intéresse »
Ca y est. Je me pisse dans le froc. Bon ça ne se voit pas encore beaucoup sous la pluie, mais il faut faire vite. Mais qu’est ce que c’est que ça ? Des scrupules ? Ben merde alors, c’est bien la première fois….
-« Oh quand même ! Vous êtes là sous la pluie, vous vous êtes levée tôt… »
-« Allez, 1€ symbolique ! »
-« D’accord ! »
Tu parles d’un symbole. Celui de ma gloire absolue et éternelle, l’avènement de ma totipotence.
Point n’est besoin de continuer. D’abord parce que la pisse c’est chaud mais seulement 5 minutes, après c’est vraiment désagréable. Ensuite parce qu’après un tel coup, les surrénales sont vidées de leur adrénaline pour au moins 10 jours.
Encore bouffi de sommeil, le Troll regagne son logis. Pisseux oui, mais fier de lui !
Voilà. Rouvrez les yeux. On s’y croirait hein ? Et bien cette histoire bien qu’étant une fiction n’est reste pas moins vraisemblable. Et n’imaginez pas que seuls des jeux communs se trouvent dans les vides grenier. On y trouve absolument tout et n’importe quoi, même des Neo Geo en boîte. Un vieux stock racheté à un magasin d’import en faillite par un brocanteur qui se contrefout de ce que contient le lot racheté puisqu’il va le morceler et en retirer 50 fois son prix d’achat, et hop ! Vous voilà en présence d’une dreamcast neuve édition spéciale résident evil : code veronica. Pour 10€.
Il est essentiel que vous compreniez bien que tout peut se voir dans un vide grenier, et ce à n’importe quel prix. Du plus cher au plus ridicule. Il m’est arrivé de trouver une Nes en boîte ayant biiiiien vécu accompagnée de 5 jeux archi communs pour 100€. Et un peu plus loin de tomber sur un dreamcast complète et quasineuve pour 8€.
La règle d’or pour sortir la tête haute est de masquer votre engouement pour l’objet convoité. Plus votre envie se verra, plus le prix s’envolera. Il est vrai qu’internet et ebay ont porté un sérieux coup au marché du vide grenier, mais on peut encore réaliser de superbes affaires. Ne soyez donc pas pressés. Passez, repérez, et revenez plus tard.
En fonction du vendeur adoptez l’attitude juste. Le blasé mou du genou les paupières mi-closes, à peine plus intéressé par ce qui est à vendre que par la chiure de pigeon sur le trottoir, est une option solide qui a fait ses preuves. Mais elle peut se retourner contre vous si le vendeur a vraiment envie de se faire du pognon.
A ce moment là jouez la carte de la sensibilité. Expliquez avec des trémolos dans la voix que c’est la première fois que vous recroisez ce symbole de votre enfance perdue, que ça vous rappelle des jours heureux chez vos parents maintenant si loin de vous (ou décédés, au choix, enfin j’espère pour vous), etc etc etc. Certains vendeurs se laissent attendrir.
Autre ficelle incontournable du métier, la répartition de vos fonds propres dans les 4 poches de votre pantalon. Sachez exactement quelle somme se trouve dans chacune d’elle. Au besoin si les prix sont affichés, préparez votre coup à l’avance. Le but est d’avoir en poche une somme toujours inférieure de quelques euros à la somme annoncée. Exemple : « combien la super nintendo là ? » « 10 euros » « ok, je vous la prend… oh flûte, je n’ai que 8 euros sur moi… ça vous irait ? ». Une fois l’argent sorti et visible, peu de vendeurs vous diront non. Le tout est de bien doser le rabais. Trop bas et vous manquerez l’achat. Et il sera inutile après de faire « aaaaah, mais attendez peut être que si finalement ». Le vendeur reniflera que vous êtes un faux jeton, et vous serez mal à l’aise pour poursuivre vos achats.
Le truc à ne pas foirer c’est que lorsque vous annoncez que le prix vous convient, il faut envoyer la main à la poche dans le même temps sans aucune hésitation. Donc ne pas se gourrer de poche. Et quand vous constatez que la somme n’est pas complète, rajoutez-en une couche : tâtez vos autres poches, mais pas trop pour ne pas faire tinter le reste de votre pognon. Au mieux fouillez profondément l’une d’entre elle, sortez-en vos clés avec une mine tristounette et un « j’ai bien peur que non » navré. Avec un peu d’entraînement vous deviendrez redoutable, faites moi confiance (je me demande si je ferai confiance à un mec qui vient de m’expliquer comment rouler autrui…).
Récapitulons donc votre arsenal de guerre psychologique :
-Ténacité
-Résistance au sommeil
-Abnégation face à la cafetière
-Hypocrisie de joueur de football italien
-Talent d’acteur de la comédie française
-Dextérité de pickpocket hongrois
-Mémoire d’éléphant (pas question de vous demander une fois sur place si c’est bien ce titre là qui est si cher sur megadrive)
-Culot monstrueux
Ca et quelques euros suffiront à embellir votre dimanche de façon exponentielle à chaque coup d’éclat réalisé. Un dernier conseil avant de vous lâcher sur les routes de la collectionnite aiguë : essayer de ne pas vous laisser tenter par le côté obscur du oldisme. Faire de belles affaires est une intention louable. En profiter pour les revendre entre 10 et 50 fois leur prix d’achat sur ebay est pitoyable bien que méchamment tentant. Faites un geste pour le oldisme, ne contribuez pas à l’escalade d’un marché de passionnés. Les pins « Stop à l’exploitation des retrogamers » sont en vente à la sortie pour 2€ pièce.
Pour conclure retenez que la patience sera votre plus fidèle allié. Ne craquez pas si au bout de 3 ou 4 tentatives vous revenez avec seulement 2 Super mario bros 3 achetés 1 euro pièce. Long est le chemin qui mène à la lumière disait le sage. J’ajouterai qu’il est parfois humide et qu’il sent aussi un peu la pisse. Mais comme c’est moins poétique retenez juste la première phrase. La résignation dont vous ferez preuve redorera la fierté de votre regard quand vous contemplerez votre collection. Chaque pièce acquise dans la douleur n’en sera que plus chère à vos yeux. Car finalement c’est là qu’est le plaisir de reconstituer ses occupations d’enfant. Croyez moi, il vaut mieux se lever à 4h30 pour finalement dénicher au fin fond d’un coffre de Fuego un exemplaire à peine abîmé de Zelda III plutôt que de simplement cliquer sur « achat immédiat pour 20€ ». D’une certaine façon vous retrouverez ainsi artificiellement votre émoi enfantin d’antan quand vous vous hâtiez vers l’hyper le plus proche en espérant fébrilement que le jeu de vos rêves s’y trouverait. Et prolonger le rêve, n’est ce pas là tout ce que vous recherchez ?...